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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Ah ! Monsieur Viannet ! Il est vraiment au bout du rouleau !
Affalé sur son matelas, il fume cigarette sur cigarette, boit bière sur bière, devant l'écran de télé allumé en permanence.
Et cette enquêtrice qui travaille pour une association d'insertion se prend d'un intérêt particulier pour ce cinquantenaire qui n'a plus de ressort.
Ecrit principalement sous la forme de questions/réponses, ce roman pointe du doigt tous ces hommes et ces femmes en rupture sociale qui, après avoir subi épreuves sur épreuves, finissent par baisser les bras.
Reflet d'une cruelle réalité qui touche de trop nombreuses personnes, c'est une lecture qui remue et ne peut laisser indifférent.
La société n'est pas tendre envers tout le monde et nombre d'individus en payent les frais.
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La narratrice est missionnée par un centre de réinsertion, pour évaluer d'anciens résidents. le premier de sa liste s'appelle Alexandre Viannet, il vit tout près de Bastille. Minuscule appartement, quasi scène de théâtre. Une unique fenêtre, un matelas au sol, une télé allumée sur des dessins animés, un pouf oriental, un guéridon. Rien d'autre. « Pas d'étagère, de poste de radio ou de chaine hifi, pas de bibelot… » Sur le matelas, une cigarette et une bière à la main, est monsieur Viannet. Pas loin, assise sur le pouf, très belle, il y a sa femme, madame Viannet.

Mais c'est lui qu'elle interroge. Il parle. Sur le centre, sur sa vie. Elle écrit. L'atmosphère de la pièce est irrespirable tellement ça fume, mais monsieur Viannet assez vite fascine, cet étrange personnage, maigre, « j'rigole, je rigole », qui ne rit pas et utilise parfois des mots qu'elle ne comprend pas. « Ses mains dansent devant son visage. Ses doigts s'ouvrent et se ferment comme les bras d'une anémone de mer. Ou comme de l'herbe. de longs brins d'herbe. ». Monsieur Viannet a fait de la taule. A mal commencé dans la vie. A continué en dents de scie. Surtout les dents du bas, d'ailleurs. Comme si la société appuyait toujours plus fort sur la tête de ceux à qui elle a refusé d'apprendre à nager. le cercle vicieux de la planchette savonnée. Tu glisses, et la corde qu'on te tend, on te la passe autour du cou. « T'as pas d'amis dans cette vie-là. Ou rares. Très rares. Tu veux éviter les histoires. Des amis t'en veux pas trop, tu as trop peur qu'ils soient comme toi. »

Véronique le Goaziou a du style, et une certaine vision lucide du monde, de son absurdité, de sa violence pour les êtres. Une vision qu'elle partage avec Beckett. « Je bois parce que je ne fais rien. J'ai besoin de sortir et si je ne sors pas, je vais mourir. Je ne supporte plus d'être enfermé. Mais quand je sors je ne sais pas où aller et je bois. Je finis dans un bar. Des bars. Alors je reste chez moi. Et chez moi, je bois. » – (savoureux !) – Molloy aurait pu dire cela. « J'écris. Il boit. ». Un sillage de tristesse.

Monsieur Viannet interroge notre époque et libère la parole. Un récit prenant, fiction sociologique, théâtre humain. Une belle découverte, qui sort demain ! (merci aux éditions la Table ronde)

« C'est le désespoir qui règne ici. A quoi sert de le savoir ?
Transcrire tout ça, dire que ça existe.
La lassitude, la douleur, le néant. Et puis ? »
Lien : https://lettresdirlandeetdai..
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Je suis éducatrice spécialisée. Si j'ai beaucoup travaillé (et encore actuellement) dans le domaine plus spécifique du handicap, je fais quand même partie de la grande famille des travailleurs sociaux (et je m'en souviens régulièrement quand je rencontre les familles, notamment).

Entre mes stages et les remplacements que j'ai pu effectuer, j'ai bossé avec des gamins placés, avec des jeunes qui ne trouvaient pas de logement, et (très peu) en post-cure pour usagers de drogue. J'ai travaillé dans des lieux où Monsieur Viannet aurait pu séjourner, dans lesquels il aurait pu bénéficier d'un accompagnement. Peut-être du mien.

Et ça m'a sérieusement piquée.
Parce qu'on a beau être motivé, on a beau avoir envie d'aider au mieux les personnes qu'on accueille, ben ça ne "marche" pas à chaque fois. Statistiquement, ça "marche" assez peu. Et j'en profite pour une petite parenthèse "politique", ça va pas s'arranger. Entre les coupes franches dans les subventions et le personnel auquel on demande de plus en plus une démarche quantitative plutôt que qualitative, évidemment qu'on s'occupe moins bien de notre travail et que dans certains domaines, les personnes concernées deviennent de plus en plus facilement des dossiers.

Monsieur Viannet est réaliste. Les dialogues, les situations, les faits, pourraient être réels. Il est passé par la case foyer, par la case prison, par la case centre de réinsertion, il est allé en cure, en post-cure. Monsieur Viannet n'a pas d'avenir et son passé est trop dur pour qu'il s'y penche. Monsieur Viannet fume des clopes, boit des bières, regarde la télé et ne sort plus de chez lui. Monsieur Viannet n'a plus grand-chose d'autre.
Et l'enquêtrice face à lui, engagée par une asso qui a un peu suivi l'homme quelques années plus tôt, s'en rend vite compte. Il se dégage de lui de la résignation, une certaine idée de la fatalité, mais pas de désespoir, parce qu'il est au-delà de ça, déjà.

Elle va essayer de rester "à sa place", de trouver la "bonne" distance, de ne pas trop s'impliquer émotionnellement. Comme n'importe quel travailleur social, au final. Et ça va être difficile, parce que Monsieur Viannet n'est pas qu'un numéro de dossier, c'est un homme, avec du sens de l'humour, des colères, une histoire et une épouse. Cette femme va un peu trianguler la relation, l'apaisant, complétant les réponses de Monsieur Viannet ou au contraire en attisant sa colère.
Monsieur Viannet est lucide, conscient de sa situation. Sa vie a "glissé", c'est son expression, elle a "glissé" dès le début. Tout le monde n'a pas la même chance au départ, et il n'en a pas eu du tout. Pareil pour sa femme. Avoir une vie normale après ça ? Difficile. Impossible, peut-être.

En tout cas, lui, les institutions, programmes, cures, formations ne l'auront pas aidé. Pas assez.
C'est un roman pessimiste et dur, mais c'est aussi un roman plein d'humanité. Je l'ai aimé, j'y ai reconnu des situations, des choses que je côtoie. C'était un peu déprimant parce que ça a fait mal à ma vocation, mais même si je peux être carrément cynique, je suis aussi une optimiste. Et je suis certaine que Monsieur Viannet n'a pas à être la règle.
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Le pitch : "Monsieur Viannet a cinquante ans. Il vit avec sa femme dans un minuscule appartement glacial, du côté de Bastille, où les courants d'air ne chassent plus l'odeur du tabac. Monsieur Viannet a autrefois été bel homme. Monsieur Viannet a autrefois été sportif. Monsieur Viannet a fait l'armée. Monsieur Viannet a des enfants qu'ils ne voit plus. Monsieur Viannet, surtout, a été acquitté après avoir été accusé du meurtre de son père. (...) Monsieur Viannet appartient à ce qu'il est convenu d'appeler le quart-monde".

Voici un petit extrait de la quatrième de couverture. Vous l'aurez compris, on n'est pas dans le registre feel good mais dans celui du réalisme social. Véronique le Goaziou est sociologue et chercheuse. Par l'entremise de la narratrice, elle nous immisce dans l'intimité du couple Viannet. Cette narratrice est "cadre dans un cabinet d'études qui réalise des sondages et des enquêtes sur des faits de société". Elle a "été contactée par une association nationale de réinsertion sociale. Spécialisée dans l'hébergement de personnes en grande difficulté, cette association souhait[e] mener un travail sur ce [que sont] devenus ses anciens résidents". Cependant, la narratrice, avant d'envoyer des enquêteurs sur le terrain, décide de "réaliser [elle-même] quelques entretiens". histoire de se "faire une idée du public" et "tester les questions" . Monsieur Viannet est d'accord.

Accompagné de la narratrice, le lecteur pénètre dans le minuscule appartement de Monsieur Viannet, qui, en décapsulant bière sur bière, télé en permanence allumée, va dévoiler sa réalité. L'homme y vit avec sa femme, de père algérien. Les disputes du couple rythment le récit, qui font écho aux bouteilles de bière qu'ingurgite Monsieur Viannet. Y ajouter la fumée des cigarettes que le couple grille comme des petits pains et vous sentez l'ambiance.
Monsieur Viannet dévoile sa vie, passée et présente. Il a tué son père (mais on comprend pourquoi au fil du récit), il a été trimbalé toute son enfance de foyer d'accueil en foyer d'accueil ; les foyers de réinsertion, à l'âge adulte, ont pris le relais quand il est sorti de prison, puis les hôtels. Sa femme a fait de la prison à 15 ans. Monsieur Viannet va vous dévoiler les conditions des centres d'hébergement, de réinsertion, etc., censé aider les gens en grande difficulté ; celle de la prison ; ses enfants placés en famille d'accueil, eux aussi ; l'endettement et son cercle vicieux. L'absurdité de la société finalement.
Une vie brisée avant même d'avoir commencé ou presque. Dès le début, à l'instar de la narratrice, vous êtes mal à l'aise.

Un roman entre questions et silences, où pourtant l'essentiel se devine en creux et vous renvoie comme un miroir toute l'absurdité du monde contemporain, de la société, pour votre plus grande horreur. Parce que Monsieur Viannet n'a rien de différent de vous, si ce n'est que sa vie a mal commencé et que les institutions et infrastructures mises en place pour aider à sortir la tête de l'eau ne sont finalement que des rouleaux compresseurs supplémentaires, à leur insu. Monsieur Viannet est vraiment un homme seul. Tout seul. "Il est complètement parti. Entre l'éveil et le sommeil. Des brumes dans le cerveau." Monsieur Viannet est un mort vivant (d'ailleurs, il ne sort plus de chez lui), dans un logement qui est comme une nouvelle prison, à ciel ouvert. Monsieur Viannet est le marginal que vous pourriez être, vous aussi, notamment si votre vie avait mal débuté, mais pas que.

Véronique le Goaziou ne porte pas de jugement. Elle donne à voir avec pudeur. Un récit dialogué aux phrases courtes. La vérité n'en est que plus criante.

Un roman à la trempe "beckettienne".

Soyez assis quand vous lirez la fin...
Lien : http://milleetunelecturesdem..
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Un roman avec une thématique sociale peu courante mais qui touche tellement de personne autour de nous. Parfois si proche qu'on n'y prête même plus attention...

Monsieur et Madame Viannet sont des personnages atypiques et attachants. L'auteur nous donne envie des les aimer et surtout de les aider.

Monsieur Viannet a fait de grandes choses dans sa vie: du sport, l'armée, il était un père de famille... Après avoir été accusé du meurtre de son père, pour lequel il sera finalement acquitté, il va tout perdre et ne verra plus sa famille.

A travers une enquête sociale, on découvre le cercle vicieux de ces hommes et femmes qui se retrouvent isolés, sans travail, sans logement et qui tombent dans l'alcoolisme ou la drogue. Sans oublier toute la difficulté pour sortir de cette galère.

Le style est simple, direct, bien écrit. J'ai lu ce roman avec une extrême rapidité. Lorsque j'ai vu la couverture du livre et le titre, je n'avais pas spécialement envie de le lire mais au final très bonne surprise ! Comme quoi, il faut bien souvent creuser !
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Interview, témoignage de la déchéance d'un couple, de l'alcool, de la solitude et fascinación de l'interwieuver pour l'interwiuvé. Tenter par le questionnement de comprender et de rendre une humanité, un sens à une vie écrasée des son origine. A la lecture, on est aussi fasciné par ce couple au bord du vide, de la folie, de la mort. En les faisant parler de petits rien qui constituent leur vie, et leur passé, à travers les brumes de l'alcool, de la bière et tabac consommé en continu, On entre dans le décor minable de la folie du couple, ce faisant l'auteur leur redonne une humanité perdue dans la solitude du désespoir. On ne peut ríen pour eaux sinon leur redonner de la dignité.
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Le roman de Véronique le Goaziou nous propose un regard sur une partie de la population « silencieuse » et réfléchir. Elle constate et ne propose pas de solution, ce n'est pas le propos, c'est juste un coup de projecteur sur un cas qui pourrait être représentatif d'un ensemble. Ce que j'ai beaucoup aimé c'est qu'elle ne juge pas.

Lorsque j'ai commencé la lecture, la première question que je me suis posée fut « quelle est la place du lecteur dans cette narration ? ». Je craignais le rôle du lecteur voyeur, position qui me met mal à l'aise. Ce n'est pas le cas, vous allez voir pourquoi. La narratrice a une attitude « professionnelle » et essai de ses protéger, de ne pas se laisser emporter par les émotions ce qui fait que le lecteur prend la même position. Parfois elle est obligée de se « recentrer sur son sujet d'étude» et ces petites piqûres de rappel valent pour le lecteur. Garder ses distances pour aller au bout de son enquête. Parfois je me disais je n'aurai pas réagit ainsi, et là on a une réflexion pour nous dire « non », on sent qu'il y a une vraie réflexion derrière les dialogues.

Dans son attitude physique aussi elle essai tant bien que mal de garder le même cap, mais elle n'est pas une machine et parfois elle se laisse aller avant de vite se reprendre. Contact visuel mais pas physique. Elle n'est pas là pour aider, elle est là pour une enquête, elle est claire dans sa tête. Ce n'est pas une novice. Par exemple : c'est elle qui pose les questions et elle ne répond pas lorsqu'on lui en pose ou très peu. Ça fini par être un leit motiv que les participants se rappellent entre eux.

Elle vient interroger M. Viannet sur son passage dans un foyer d'accueil, mais son épouse est là. On est dans une conversation à trois. Mme Viannet va jouer le rôle de « tampon » entre l'enquêtrice et son mari, elle apaise ou attise selon, comble parfois les blancs. Bien qu'elle ne soit pas le sujet d'étude on sent qu'elle a besoin de parler, cela crée des moments de tension entre les époux.

Ce roman est principalement composé de dialogues, de silences et d'attentes. Je disais qu'il y a trois personnages en action mais en fait la télévision joue un rôle et entre parfois dans la conversation et il y a les fantômes du passé qui sont convoqués.

Entre la narratrice et ses deux interlocuteurs ce sont deux mondes qui se rencontrent. Elle est loin de ces univers là qu'ils lui racontent au fil des questions. Elle relance souvent pour qu'ils développent, pour qu'ils finissent leurs phrases...
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