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4,08

sur 119 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Voici le dernier Ursula le Guin que j'ai lu et pour lequel j'ai vraiment éprouvé un véritable coup de coeur !
Comptant un peu moins de 200 pages, cette histoire courte est cependant un petit bijou ( selon mes critères à moi bien sur )
Ici, on se retrouve sur une planète , Athshe, qui est surtout composée d'océans et de forets. Ces forets sont une véritable manne pour les terriens qui eux ont rendu la Terre presque semblable à un caillou à force de déboiser à outrance. Les terriens qui sont donc présents sur cette planète ont pour principale mission de fournir du bois à la Terre. Cependant, ces forets sont habitées par des petits humanoïdes que les terriens surnomment les créates. En plus de l'exploitation de la foret, les terriens en place n'hésitent pas à exploiter ces autochtones..
Ursula le Guin réussit à faire passer beaucoup de messages avec cette critique acerbe du colonialisme et de ses conséquences. Sa plume est toujours aussi belle et ses descriptions de ce monde boisé sont tout simplement magnifiques.
Je n'ai pu m'empêcher lors de la lecture de cette histoire à me demander si James Cameron ne l'avait pas lue avant de se lancer dans le scénario d'Avatar car ils y a quelques coïncidences....un peu questionnantes....
Un livre plein de poésie , de sagesse, mais aussi de violence ...

Challenge Poul Anderson / Ursula le Guin


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Je me suis demandé en commençant ce livre si je l'avait lu par le passé. Il n'était pas dans ma bibliothèque ce qui ne signifie rien car ma période intensément SF est lointaine et Ursula le Guin fait partie de mes références en ce domaine (Terremer). Au détour d'une discussion, le doute m'a envahi, l'envie m'est venue...
C'est toujours bizarre de lire un roman se science-fiction daté. On s'expose alors à deux risques.
a) Error 404, futur not found. Et non, en 2024, aucun virus n'a éradiqué l'espèce humaine ni ne l'a transformée en zombies, aucune vague géante n'a submergé le Népal. Rebooter le système...
b) Pu...n c'est dingue, ça me fait penser à I.....
Voilà, les grands romans semblent intemporels. Pour la science fiction lorsqu'ils sont bien écrits, comme pour le reste du champ littéraire. Parce qu'ils nous parlent de nous.
Ce récit mêlant colonisation extraterrestre et communion avec la nature est bizarrement entré en résonance avec l'actualité.
Actualité au long cours avec les préoccupations écologiques très présentes dans les consciences et semblant au delà de nos capacités individuelles d'influence.
Actualité immédiate avec les entreprises coloniales auxquelles nous assistons et participons (je suis français) au delà de toute considération morale et historique.
Ainsi, on peut imaginer que notre éventuelle "sortie" du système solaire (si la science nous le permet) pourrait s'accompagner d'un génocide réactualisé. Les lieux de mémoire ne concernent en effet pas les extraterrestres. L'auteure reste cependant optimiste dans ce roman puisqu'elle imagine une instance suprahumaine qui semble avoir des préoccupations philosophiques et morales que les sociétés humaines, même démocratiques, n'ont qu'en paroles et jamais en actes.
On retrouve aussi l'importance de l'information puisque les pires carnages sont couverts par le fait qu'ils ne sont pas documentés. Ainsi, les Athshéens sont victimes au quotidien de la violence coloniale des humains mais lorsqu'ils se révoltent, les braves spectateurs semblent considérer que c'est l'acte fondateur du génocide qu'ils envisagent de perpétrer le plus sereinement du monde, en représailles à cette fameuse révolte.
Heureusement que nous sommes dans la fiction et non dans la réalité.
Car le héros du livre, Selver, qui emmène les siens simultanément à la révolte et à la mort est bien sûr pour nous, aujourd'hui, dans notre bulle de réalité, un terroriste.
Voilà, si on ajoute une langue que j'ai trouvé fort agréable (donc merci au traducteur), je crois que le "devoir de mémoire" pourrait avantageusement, maintenant que l'on découvre son inefficacité sur Terre, être remplacé par un "devoir de prospective" en inscrivant ce livre dans toutes les listes obligées des programmes scolaires. Mais surtout dans ceux des pays qui pratiquent encore le colonialisme.
Ah, finalement, si vous avez tenu jusqu'ici, vous vous demandez peut être si je l'avais lu ? Réponse probabiliste : non à 95 %.
Et ce n'est finalement pas important car la réponse à la question "Faut-il le lire aujourd'hui ?" est oui à 100%.
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UNE SAISON EN ENFER

Franchement, les mecs, cette planète, c'est rien que des arbres : ici, des arbres, là-bas, des arbres, plus loin, des arbres, tout autour de vous, des arbres, des arbres à perte de vue, encore et encore des arbres, tellement d'arbres d'ailleurs que vous ne voyez jamais plus loin que le bout de votre nez, des arbres à vous en écoeurer, , un enfer d'arbres ! Maintenant, les gars, imaginez combien ça rapporte aux grosses compagnies terriennes, tous ces arbres en pagailles ? Plus que l'or pour le même poids, les mecs ! Des fortunes sur notre foutue planète qui n'en compte désormais plus qu'en photos ou sous haute surveillance dans des parcs. Alors, franchement, est-ce qu'on va s'en faire pour quelques malheureux humanoïdes verts du poil, paresseux, qui passent leur temps à dormir littéralement debout et qu'il faut mener à la baguette pour s'en faire comprendre...? Hein les gars, on va pas se laisser enquiquiner par ces sales petites crottes fourbes et hypocrites de pas plus d'un mètre, qui savait à peine s'habiller ou causer à notre arrivée ! On a une planète à désherber, à ratisser, à ratiboiser pour y planter nos choux ! Pas de quartier pour les boules à poil si elles se dressent devant nous... Mais ne vous inquiétez pas, les gars : elles ont déjà compris qui étaient les maîtres !

C'est sans doute une extrapolation mais c'est ainsi que l'on est en droit d'imaginer le discours que pourraient faire certains des officiers colonisateurs déjà présents sur la "Nouvelle Tahiti" à l'arrivée des nouvelles recrues, planète située à vingt-sept années lumières de notre terre, polluée, ou presque plus rien ne vit ni ne pousse en dehors des êtres humains. N'est-il pas écrit dans cette novella terrible [...] qu'il fallait miser sur le numéro gagnant si l'on ne voulait pas perdre. Et c'est toujours l'homme qui gagne. Ce vieux Conquistador.

C'est une nouvelle terre - une nouvelle frontière, ainsi que les affectionnent tout particulièrement l'imaginaire américain - à construire à notre image, mais sous forme de songe idéal toujours promis, bien entendu. Et qu'importe si cela doit passer par la destruction de tout une écologie - intimement lié à l'arbre, de ses racines à sa cime, via sa sève et jusqu'à la plus modeste de ses feuilles -, à la désertification d'une planète-forêt, à l'annihilation de ses espèces, inévitablement, intimement toutes liées à cette gigantesque sylve, y compris celle des athstheens, seuls véritables habitants humanoïdes de cette petite planète tellement intéressante pour les grande corporations terriennes. Car l'absence de mémoire ainsi que l'orgueil inouï de ces hommes ne les fera reculer devant aucun sacrifice de ces trésors qui les entourent, allant jusqu'à réduire ces malheureux être à peu près sans défense dans un état d'esclavage parfaitement hypocrite requalifié, pour que la morale et les instructions de départ soient sauves, en "travailleurs volontaires". Mais le rêve va bientôt se transformer en cauchemars, tant pour les surnommés "créates", l'un d'entre eux nommé Selver faisant passer son rêve éveillé de meurtre en réalité du monde sensible, devenant ainsi un Dieu vivant parmi les siens - comme tous ceux avant lui dont les rêves ont passé la porte du monde afin d'y apporter quelque chose de neuf -. Grâce (à cause) de lui et de cet onirisme mauvais, les athstheens vont non seulement apprendre à se défendre mais, pire d'une certaine manière et même si c'est un genre de légitime défense bien compréhensif à défaut d'être pardonnable, ils vont apprendre à tuer pour d'autres raisons que le seul besoin de nourriture. Et ce sont ces colons arrogants, mauvais, violents et eux-même meurtriers qui vont en faire les frais. Y compris le seul de tous ces terriens, un "spé", scientifique et ethnologue, Raj Lyubov, celui grâce auquel Selver a pu faire le don de l'échange de sa culture avec celle de l'envahisseur, le don de sa langue ainsi que de tenter d'expliquer à cet humain un peu moins fou que les autres qu'il était possible, à ceux appelés les "grands rêveurs" de rêver tout éveillé et, parfois, d'apporter du neuf au monde, des conseils, de la sagesse par le biais de ces songes. Toutes choses que le Capitaine Donald Davidson est parfaitement incapable de comprendre, pas même de concevoir que ces petits êtres amorphes puissent être d'origine humaine - hainienne, pour être précis - exactement comme lui, mais qu'ils ont tout simplement évolué différemment des habitants de la Terre, s'adaptant à leur environnement propre, inextricable et constamment ombragé. Ce sont ainsi trois éthiques totalement différentes qui se rencontrent, les deux premières étant viscéralement inconciliable avec la troisième : une éthique d'empathie et de curiosité face à l'altérité (celle de Lyubov), une éthique d'absence d'Histoire mais néanmoins pas figée par absolu (Selver et son peuple) , et une éthique du pouvoir, celui-ci passant irrémédiablement par la violence lorsqu'il croise d'autres éthiques antagonistes (Davidson et ceux qui vont le suivre).

Cette novella, que l'on peut chronologiquement situer entre Les dépossédés et le monde de Rocannon à l'intérieur du cycle de Hain, et plus précisément au sein de la Ligue de Tous les Mondes, obtint le prix Hugo de sa catégorie (ce qui fait pas moins de trois Hugo pour un cycle aux publications finalement assez rares). C'est, fort probablement, le texte qui connait la violence la plus visible de toute cette oeuvre magistrale. C'est aussi un véritable cri de détresse adressé à l'humanité contre toutes ces destructions d'espace écologiques complets et complexes qui émaillent encore notre petite planète. On pense bien évidemment au combat pour leur reconnaissance des "native american" dont les parents d'Ursula K. le guin, tout deux ethnologues de très haut niveau, étaient des spécialistes. On songe aux combats incessants des peuples autochtones d'Amazonie, à celui des aborigènes d'Australie, de Mélanésie, etc. C'est aussi, bien évidemment, un réquisitoire implacable contre toutes les formes d'impérialisme et, plus précisément, de colonisation. On peut aussi songer - le texte date de 1973 - à cette horreur de l'impérialisme américain que fut la guerre du Vietnam, le Capitaine Davidson n'est d'ailleurs pas sans rappeler le colonel Walter E. Kurtz, joué par un Marlon Brando aussi impeccable que parfaitement terrifiant dans le célèbre film Apocalypse Now, même si ce film est postérieur de quelques années à ce livre.

Mais il serait vain de s'arrêter à cette explication, sans doute possible, mais bien trop réductrice des intentions très subtiles qui émaillent toute l'oeuvre de cette grande autrice. Il faut y chercher aussi cette grande humanité de Mme le Guin qui implique d'observer, dans des détails plus ou moins importants et précis, tous les ressorts, toutes les formes possibles que l'être humain est capable de donner à ses sociétés, à ses civilisations. Bien entendu, il lui arrive de se fourvoyer. Bien entendu, il lui est possible de passer à quelques microns de la catastrophe définitive. Mais le sublime message de cette femme, sans jamais tomber dans la contemplation benoîte des créations humaines ni l'innocence naïve et presque coupable de certains auteurs de SF des décennies passées à l'égard de la science, des idéologies ou des solutions métaphysiques "clé en main", ce message, donc, c'est de rappeler que les humanités, les sujets humains (individus ou groupes constitués) ont de telles capacités d'imagination, de rêve, d'empathie et même, parfois, d'Amour que chaque crise, aussi grave soit-elle, porte en germe ses propres solutions, ses propres évolutions (sans forcément parler de "progrès", qui indiquerait une direction, un but unique à atteindre). C'est dans ce relativisme assumé et sain que se situent ces moments de grâce renouvelée que représentent, avec de purs chef d'oeuvres trans-littérature pour certains, les textes du grand Cycle de l'Ekumen.

Le nom du Monde est Forêt, nous dit Ursula K. le Guin, de même que le nom des Hommes est Inuit chez ce peuple du grand nord : Lorsque le tout est unifié dans sa diversité, divers dans son unité, alors, peut-être est-il possible d'atteindre une certaine forme de grandeur et de sagesse ? La réponse n'appartient à nul et à tout un chacun à la fois, c'est sans doute là le plus beau message de cette femme au talent d'écriture, de composition, d'imagination et à la profondeur de vue tout bonnement incroyables.
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Athshe est une planète composée d'un archipel de grandes îles entièrement recouverte de forêt. Depuis quelques années, une colonie humaine s'y est installée pour exploiter ce colossal gisement de bois, au mépris de l'espèce indigène, des humanoïdes aux allures de primate à fourrure verte qu'il nomment créates. La plupart des colons les considérant, au mieux, comme des animaux intelligents, ils n'ont aucun scrupule à les asservir aux travaux forcés. Seul Lyubov, le spécialiste en race extraterrestre, s'inquiète du sort des créates.

Le Nom du monde est Forêt a reçu le prix Hugo du meilleur roman court en 1973.

Je connaissais déjà Ursula K. le Guin pour ses romans de fantasy, avec l'excellent cycle de Terremer, et dans le registre historico-mythologique avec Lavinia, un de mes coups de coeur de 2018. Il me restait à découvrir ses écrits de science-fiction, et c'est chose faite avec cette novella.
Que dire, sinon que l'autrice excelle autant dans la SF que dans les autres domaines ?

Le comportement des humains envers les créates évoque le colonialisme de notre histoire. On pense aux spoliations des terres des amérindiens par les colons européens, ou encore à l'hypocrisie des propriétaires terriens vis à vis de la main d'oeuvre noire après l abolition de l'esclavage. Car si officiellement il n'y a pas d'esclaves sur la planète Athshe, les humains traitent les créates comme du bétail.
Quant à l'exploitation de la forêt' elle pose la question de la raréfaction des ressources naturelles. Un sujet qui nous touche encore plus aujourd'hui qu'à l'époque de son écriture. le propos du texte n'a pas vieilli du tout.

Pour autant, le Nom du monde est Forêt n'a rien d'un pamphlet assommant. L'écriture est soignée ; le texte est court mais riche. Ursula K. le Guin a imaginé un peuple a la culture complexe et étonnante, avec sa mythologie, ses coutumes, son langage. Les créates nous touchent par leur proximité avec l'homme, tout en étant radicalement différents. L'auteur laisse également entrevoir quelques éléments d'un background plus vaste, à l'échelle galactique. le roman fait partie du cycle de l'Ekumen, mais peut se lire tout à fait indépendamment.

Un texte intense, poétique et intelligent. C'est une excellente porte d'entrée si vous souhaitez découvrir Ursula K. le Guin.
Lien : http://lenainloki2.canalblog..
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Ce que je trouve formidable chez Ursula le Guin, cest sa capacité à envisager d'autre façons de penser, d'autre sagesses. Ce livre est un "Planet Opera" poétique et plein d'imagination et en même temps un véritable pamphlet contre le colonialisme. J'avais lu il y a quelque temps le premier volet de "l'Ekumen", "La main gauche de la nuit". Il m'avait laissé des impressions assez similaires. Ici c'est à nouveau un coup de cœur et j'envisage sérieusement de continuer à découvrir l'oeuvre de Ursula le Guin, admirée, il faut le souligner, par le grand Miyazaki.
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Une de mes meilleures lectures depuis très longtemps. (Depuis circé de Madeline Miller, je dirais.)

De sa plume toujours magnifique (juste ce titre ♥), Le Guin y aborde les questions du colonialisme et du cosmopolitisme.

Si vous ne connaissez pas Ursula le Guin, pour le dire simplement, c'est de la Science-Fiction. Mais sa "science" n'est pas vraiment la physique ou les mathématiques. C'est l'anthropologie. Son Cycle de l'Ekumen est constitué de romans et de nouvelles sans lien apparent les uns avec les autres, mais qui se déroulent dans un même univers. Chaque histoire montre un anthropologue envoyé pour étudier les moeurs d'une planète. Cet univers est principalement un prétexte pour explorer différentes façons possibles d'exister. C'est une SF qui propose un futur sous l'étendard de la diversité plutôt que de l'homogénéité typique au genre.

Ici, on explore une planète aquatique où les îles forment un archipel complètement couvert de forêt (d'où le titre). Une colonie terrienne s'y trouve afin d'exploiter les ressources forestières (et faire un peu de génocide, tant qu'à y être).

Sauf qu'un vaisseau de passage leur amène l'invention phare de le Guin : l'ansible. Une espèce de radio qui permet de communiquer avec n'importe qui dans la galaxie instantanément. (Sans les limitations de la vitesse de la lumière.) La colonie réalise donc que depuis les années qu'elle s'est installée sur cette planète, l'ansible a permis la formation d'une espèce de grande fédération galactique à vocation humaniste. Les soldats doivent donc se faire diplomates. Renoncer à leurs pouvoirs, etc. Ça ne se fait pas facilement.

La moitié du livre se passe du point de vue des indigènes de la planète. Des gens qui ont une relation particulière aux rêves et au sommeil. Les Terriens ont introduit un nouveau concept dans leurs tribus : le meurtre. Ils débattent à savoir quel rôle cette idée doit jouer dans leurs moeurs.
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Roman de science-fiction publié en 1972 et appartenant au cycle de l'Ekumen. Les humains ont établi un avant- poste sur la planète Athshe,monde forestier,afin d'en exploiter les ressources. Ils entreprennent de la mettre en coupe réglée ,nonobstant les croyances et les besoins des autochtones. Ceux-ci, les Creates,humanoïdes poilus de petite taille sont exploités, victimes de brutalités (coups,viols...)voire réduits en esclavage ou exterminés par le pouvoir militaire colonial.Mais une résistance va apparaître. Clairement, Ursula le Guin, règle un compte avec le passé sanglant de son pays (quasi génocide des indiens,Vietnam..),son texte prend le parti des indigènes et de leurs (rares)défenseurs. Texte humaniste et engagé, riche en images évocatrices mais parfois un peu trop manichéen. le personnage du capitaine Davidson est,à cet égard, caractéristique.Beau roman tout de même.
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‌Le rêve, voilà ce que les Terriens ont perdu et en particulier la capacité de rêve éveillé. Ce rêve qui apporte compréhension, prise de recule et sérénité.

L'histoire alterne un chapitre « Terriens », puis un chapitre « Locaux » qui apporte rythme, relief et surtout une vision plus riche de la situation de différents points de vue.

Comme à l'accoutumé dans ce cycle, l'histoire de la Terre et de la ligue de tous les mondes est peinte comme un arrière-plan qui explique la situation telle qu'elle a dérivée ici.

Un flot élégant, poétique sur lequel il est toujours agréable de naviguer.

Des personnages riches dont l'évolution vers un extrémisme semble inéducable, dicté par les événements.

Des thèmes nombreux, évidemment ceux chers à l'autrice :
• La folie d'un extrémiste, égocentrique, psychotique (tout le monde lui veut du mal)
• Ecologie / équilibre des écosystèmes
• Progrès : nouvel exemple de l'effet négatif de l'intrusion d'une société « évoluée » sur un peuple « arriéré »
• Esclavagisme, non-violence, écoute de soi, respect des autres
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Ce roman se place dans le cadre du cycle de Hain ou de l'Ekumen. Il parle d'altérité, tout comme La Main gauche de la nuit (chroniqué dans Gandahar 12) sauf qu'ici l'autre n'est plus un individu mais tout une société.
Athshe est une planète qui a été ensemencée par le peuple de Hain. Les différentes essences d'arbres d'origine terrienne qui y ont été transplantées en font maintenant une immense forêt où vivent les descendants des premiers colons hainiens : des êtres d'apparence pacifique voire léthargique, ressemblant à de petits singes verts. Un million d'années plus tard, la Terre qui a épuisé toutes ses ressources naturelles y voit une providentielle réserve de bois et entreprend de ratisser la planète en asservissant ses habitants qui lui servent de main-d'oeuvre gratuite.
Au sein de la colonie terrienne, nous faisons connaissance avec le capitaine Davidson, la pire engeance de militaire qui soit : froid, brutal et calculateur, d'intelligence rigide et paranoïaque, sûr de son bon droit et de sa supériorité en toutes circonstances. À côté de lui, Raj Lyubov est un scientifique tourné vers l'écologie qui a une fonction d'observateur mais dont personne ne tient compte. le nom de ce personnage, qui se prononce comme le mot russe signifiant "amour", ne lui a certainement pas été attribué par hasard puisqu'il est le seul à observer, comprendre, et même défendre les autochtones.
L'événement déclencheur du récit est un combat à mort entre Selver, un « créate » esclave et Davidson qui a provoqué la mort de sa femme en la violant. Lyubov intervient pour empêcher Davidson de tuer Selver et prend ce dernier avec lui pour le soigner et le protéger. Il s'ensuit entre eux deux la naissance d'un dialogue ou chacun apprend à l'autre le langage et la façon de vivre de son peuple. Cependant, Selver, qui est devenu un dieu pour les siens, ne supporte plus de les voir réduits en esclavage et les entraîne à la révolte, brûlant un camp avancé de bûcherons.
Arrivent alors, d'un vaisseau en orbite, les envoyés de la Ligue des Mondes nouvellement au pouvoir. Confrontés à la situation tendue sur Athshe,ils remettent aux colons terriens un ansible qui leur permettra de prendre des directives de la Terre en temps réel. Les ordres aussitôt reçus sont les suivants : libérer immédiatement tous les Athshéens détenus dans les camps de travail.
Mais rien ne se passera aussi simplement et il faudra encore plusieurs révoltes pour parvenir à un accord durable.

Le contexte de ce récit, l'année où il a été écrit et la nationalité de l'auteure évoquent la guerre du Viêt-Nam, bien entendu, mais aussi les politiques coloniales de certains pays à certaines époques, accompagnées de massacres et d'esclavagisme en toute impunité (atrocités commises au Congo belge, par exemple, qui ont détruit une nation entière, toujours vampirisée, affamée et mise à mal aujourd'hui). de tels exemples ne manquent pas… Dans la conjoncture actuelle on pensera aussi à la destruction des forêts ancestrales et de leurs habitants par des sociétés multinationales pour des enjeux de profit (Amazonie, Indonésie…).
En tissant cette histoire, Ursula le Guin nous immerge peu à peu dans un monde différent, comme elle sait si bien le faire. Peuple de la forêt, Les Athshéens se sont harmonieusement fondus en elle. Ils semblent ne jamais dormir tout en ayant une personnalité plutôt apathique. En réalité, le rêve représente une fonction importante dans leur mode de vie, une source de sagesse, de divination d'où peut surgir, au besoin, une action qui va changer la réalité. Les Athshéens n'ont pas de chef bien déterminé, mais leurs grands rêveurs font figure de chamans, de dieux lorsqu'il s'agit d'affronter un danger, pour aussi bien reprendre une attitude plus modeste ensuite.
Les dernières phrases de ce court roman, récompensé par le prix Hugo en 1973, sont frappantes et laissent entendre que même après plusieurs générations le traumatisme engendré par la colonisation ne s'effacera pas. Il n'y a qu'à voir l'histoire récente de l'Algérie pour s'en convaincre. CB

Chronique parue dans Gandahar 23 en avril 2020
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Vous voyez le film Avatar ? Imaginez un scénario similaire, en mieux, sans l'homme blanc américain qui vient sauver le monde ? C'est, de manière très, très basique, et en beaucoup moins cliché, l'histoire de ce petit livre de 200 pages.

J'adore le style de le Guin. Elle a vraiment un talent pour écrire des histoires, et rendre un univers vivant, des personnages attachants, et, plus que tout, crédibles. C'est un très beau livre, qui m'a laissée très émue et touchée, et je ne peux que vous le recommander. Je n'ai jamais été déçue par une histoire de le Guin, et il me tarde de toutes les lire.
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