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Marie Surgers (Traducteur)
EAN : 9782841725281
312 pages
L’Atalante (21/01/2011)
3.88/5   180 notes
Résumé :
Comme Hélène de Sparte j’ai causé une guerre. La sienne, ce fut en se laissant prendre par les hommes qui la voulaient ; la mienne, en refusant d’être donnée, d’être prise, en choisissant mon homme et mon destin. L’homme était illustre, le destin obscur : un bon équilibre.

Dans l’Énéide, Virgile ne la cite qu’une fois. Jamais il ne lui donne la parole. Prise dans les filets du poète qui n’écrira l’épopée des origines de Rome que des siècles plus tard ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (55) Voir plus Ajouter une critique
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Lavinia est une héroïne qui porte bien le nom, de ce roman. En fait, c'est un grand livre que nous offre la dame Ursula le Guin. Je suis très triste d'apprendre son décès de cette grande dame. Il est survenu le 22 janvier 2018, c'est très récent. C'est aussi pour cela, que moi et Frifildi, on choisit ce roman, pour lui faire un hommage.

Ce livre remporte aussi le prix locus du meilleur roman fantasy en 2009.

Intriguant, Envoûtant, Angoissant

Lavinia c'est un livre indépendant, je ne pense pas, qu'on doit avoir lu ses autres romans. C'est vrai, que la lecture se fait vraiment d'elle-même, tu es subjuguée par son écriture vraiment exquise, elle y ajoute de la poésie qu'elle y insère merveilleusement bien. Elle maîtrise très bien l'art d'ajouter des morceaux d'histoire autour de son récit. À la toute fin du roman, elle réfère les documents et les livres, dont qu'elle se sert pour son histoire. Je remarque aussi qu'elle fait des retours en arrière, et je constate quelques longueurs, mais ça n'enlève rien à ma lecture.

On suit vraiment avec enthousiasme, son héroïne, dès son plus jeune âge. On la voit évoluer, au cours des événements, qui se défilent. Elle essaie également de survivre, dans cet univers difficile, à côté de sa mère. C'est en grande partie dédié à la guerre, au rang et au lien familial. J'avoue qu'il peut y avoir des périodes, qu'on se demande, ce qui va arriver, quand Lavinia quitte le domaine et par la suite, lorsque la guerre est présente. On s'interroge sur les conséquences pour Lavinia et les habitants. Tu te sens vraiment proche d'elle et on ressent bien ses états d'âme.



C'est sûr qu'on voit d'autres protagonistes, qu'ils jouent un rôle dans l'histoire. Pour les personnes, qui aiment l'histoire, on peut approfondir notre lecture, en alternant avec les documents cités, à la fin. Le poète est également d'une grande importance. C'est vraiment intéressant, de voir le déroulement de l'histoire, jusqu'à la fin. On s'aperçoit que Lavinia est vraie et elle fait ce qui est juste, peu importe son rang. C'est pour cela, qu'à mes yeux, Lavinia est un grand personnage, et c'est la signature de ce roman. Dans ce livre, ce qui fait aussi, la force d'Ursula le Guin je reconnais bien sa marque car elle transmet bien ici son amour pour la nature, pour les animaux et aussi la fraternité qui se dégage entre ses personnages. C'est ce que je retiens vraiment de l'histoire.

Je remercie vraiment mon amie Frifildi, pour nos échanges, au cours de sa lecture. L'auteure Ursula le Guin est toujours une de mes auteures préférées. Sa biographie est vraiment impressionnante ainsi que ses nombreux prix, qu'elle reçoit. Je pense que tout lecteur, peut trouver des livres, qu'il peut lui plaire, selon ses goûts. Je vais continuer de lire ses histoires pour qu'elle vivre, à travers ses livres et qu'on ne l'oublie pas tout simplement.



Pour terminer, c'est vraiment une écrivaine, que j'admire son talent de conteuse, avec son imagination débordante et sa plume poétique. Elle possède vraiment sa façon à elle, de nous écrire, ses propres histoires. On distingue très bien le travail de recherche, qui s'effectue derrière le récit. Je n'oublierai pas surtout, la magie des mots, le langage de la musique, dans ce livre. Je ressens vraiment la beauté, aux creux des lignes. Je suis certaine que Lavinia viendra toucher le coeur, de tout lecteur. Je considère que c'est une très belle lecture et on parcourt bien des chemins, en compagnie de Lavinia.

C'est un grand livre, à cause de l'histoire, qui y habite une héroïne, qui se laisse porter, par la plume délicieuse de l'auteure. Je fais juste une analyse de mes ressentis et non sur le côté historique de l'histoire, je pense que d'autres chroniques le font déjà.

Je conseille d'aller lire la critique de mon amie Frifildi. Je te remercie pour notre amitié et ce beau partage, autour de ce livre.

Challenge une Année avec… Ursula le Guin et Poul Anderson (2018).

Siabelle
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Voilà bien longtemps que je n'avais plus lu de livre d'Ursula le Guin. J'avais été un peu refroidie par la lecture de « Terremer » (la trilogie) et « Le commencement de nulle part ». Néanmoins, il me restait Lavinia dans ma pàl et à l'annonce du décès de l'auteure, j'ai proposé à Siabelle de le lire ensemble pour lui rendre hommage.  J'en suis heureuse car cette lecture m'a « réconciliée » avec l'auteure. Ce livre est un coup de coeur à 5 étoiles.
 
Lavinia est la troisième femme qu'a aimé Enée, le prince toyen de l'Énéide de Virgile. Quand on connaît bien cette oeuvre classique (dans les grandes lignes pour ma part), on sait plus ou moins ce qu'il va se passer. Comme elle le signale dans sa postface :

Voilà donc l'histoire d'Enée revistée par sa femme. Et quelle femme ! J'ai vraiment adoré la façon dont Ursula le Guin a construit le personnage de Lavinia. C'est bien simple, c'est un personnage qui va me rester longtemps en mémoire.

J'ai trouvé tous les personnages fort bien dépeints et même si on connaît les grandes lignes de l'histoire il y a du suspense, de l'action, de l'émotion, …

Mention spéciale à l'écriture que j'ai trouvé sublime.

J'ai trouvé que l'auteure n'avait en aucun cas dénaturé l'oeuvre de Virgile, elle m'a même donné envie de lire l'Énéide ^_^

Voilà, je ne vais pas en dire plus. Je vais vous laisser le plaisir de la découverte…

Et surtout, n'oubliez pas d'aller lire la critique de Siabelle ;-)




Plumes féminines 2018 – Un roman de fantasy
Challenge défis de l'imaginaire (SFFF) (96)
Challenge multi-défis 2018 (37)
Challenge une année avec Ursula le Guin et Poul Anderson (2018)
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Tous les chemins mènent à Rome.
Mais je ne vais pas y aller par quatre chemins pour vous donner mon ressenti à propos du roman Lavinia d'Ursula Le Guin.
Pour tout vous dire, je me suis un peu ennuyée.
Je reconnais, cependant, un certain talent et mérite à l'auteure. S'atteler à la tâche de traduire en roman la deuxième partie de l'Eneide de Virgile est fort honorable !
Néanmoins, j'ai trouvé que ce roman manquait de souffle, de passion, de « fantasy » aussi peut être ...

La narratrice, qui n'est autre que Lavinia, la fille du roi du Latium, est promise à Turnus, roi des Rutules. Seulement voilà, un jour, près de l'autel d'Albunea, un poète, sorte de devin, (il s'agit en fait du poète Virgile) lui prédit un tout autre avenir. Il lui raconte la vie d'Enée qui a fui le siège de Troie, puis ses amours avec Didon, la reine de Carthage et enfin, lui apprend que ce dernier débarque sur les rives du Latium et qu'il est destiné à l'épouser, elle, Lavinia.
C'est ainsi que très tôt dans le roman, on sait ce qu'il adviendra de la jeune Lavinia.

Ursula le Guin s'est avant tout appuyé sur l'importance que revêtait la divination lors de l'Antiquité grecque et romaine. Elle s'est employée à construire son roman à partir de ces présages, sans rien en cacher au lecteur qui malgré lui connaîtra le déroulement de l'histoire avant même qu'il ne se produise.
C'est terriblement frustrant et cela ôte bien sûr tout suspense.
Si vous voulez lire une histoire trépidante et pleine de surprises, passez votre chemin.
Il m'arrive pourtant de lire des histoires où il ne se passe strictement rien et qui pourtant me ravissent par leur poésie, par leur originalité ou encore par leur style particulier. Mais, il n'y a rien de tout cela dans le roman d'Ursula le Guin.Certes, c'est bien écrit mais le style est un peu trop sage et trop académique.
Ajoutez à cela que j'ai trouvé les personnages (et surtout celui de Lavinia) sans relief et sans consistance. Un brin ennuyeux, quoi !

Si mon analyse paraît sévère, il n'en reste pas moins que j'ai pris plaisir à me projeter dans cet univers antique. Ursula le Guin nous offre là une intéressante plongée dans la société pré-romaine, décrivant avec soin l'organisation sociale et politique des villes fortifiées, les règles régissant les rapports hiérarchiques des habitants entre eux, leurs activités quotidiennes, l'importance des rites religieux...
Il convient également de rendre à César ce qui appartient à César : Ursula le Guin ne se contente pas d'exposer les événements dans un décor soigneusement tissé, elle pose aussi un regard critique sur une société régie par des hommes pour lesquels le combat reste l'ultime honneur.
A travers l'oeil aiguisé de Lavinia, la guerre n'apparaît plus comme un passage obligé duquel le héros reçoit toute sa gloire et son mérite, mais plutôt comme une calamité qui s'abat sur les populations et dont on ne retire que du malheur.

C'était ma toute première rencontre avec Ursula le Guin et même si elle ne fut pas pleinement satisfaisante, je compte bien ne pas rester sur cette impression en demi-teinte et découvrir d'autres oeuvres de cette auteure. J'imagine bien d'ailleurs que les critiques issues du Challenge sfff consacré à Le Guin et Anderson ne vont pas manquer de m'en donner l'occasion et l'envie !!
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« C'est mon poète qui m'a rendue réelle. Avant qu'il écrive, j'étais une silhouette perdue dans la brume, guère plus qu'un nom dans une généalogie. »

Cette silhouette perdue, Lavinia, est la seconde épouse du célèbre troyen Énée dont Virgile a fait le récit. le poète la mentionne, mais ne lui accorde que peu d'importance dans l'histoire.

« S'il me faut continuer à exister au cours des siècles, qu'une fois au moins je me libère et que je parle. » (Lavinia)

Et c'est la grande Ursula K. le Guin qui décide, par sa plume et avec talent, de lui donner la parole. J'ai pris beaucoup de plaisir à suivre Lavinia, son histoire, ses joies et ses peines. Tout en poésie, l'auteure nous immerge agréablement dans le décor naturel du Latium, nous fait découvrir les croyances et cultes d'alors, les alliances et rivalités entre les différentes communautés (Latins, Rutules, Volsques, Etrusques…). On voit à quel point les croyances dans les divinités, avec les oracles et les prophéties, organisent la journée de chacun, mais aussi régissent les activités suivant les saisons.

Dans son postface, l'auteure indique qu'elle s'est inspirée des six derniers chants de L'Énéide pour écrire son roman. Personnellement, je ne peux juger quelle part de liberté a prise madame Le Guin car je n'ai pas lu L'Énéide, mais elle m'a facilement emportée dans cette histoire et me donne à présent envie de découvrir ce classique. Elle parle de son point de vue de « traduction partiale, marginale, mais au moins en intention, fidèle.»

« Je ne mourrai pas. De cela je suis presque certaine. Ma vie est trop contingente pour conduire à l'absolu de la mort. »

Et c'est clair que Lavinia ne s'éteindra jamais dorénavant grâce à ce magnifique roman qui reçut le Prix Locus en 2009 et lui sert d'écrin.

Challenge Livre Historique 2020
Challenge multi-auteures SFFF 2020
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Né de la fascination d'Ursula le Guin pour l'écrivain antique Virgile, le roman propose avec originalité d'exploiter un personnage mineur de l'Enéide mentionné uniquement à titre anecdotique par le poète. L'auteur donne ainsi la parole à Lavinia, fille du roi Latinus du Latium, dont le destin se trouve bouleversé par l'arrivée d'un prince étranger, condamné à errer de par le monde suite à la destruction de sa patrie : Énée. Si certains éléments de l'histoire du Troyen nous sont évidemment aujourd'hui familières (la fuite de Troie avec son père Anchise sur le dos, la rencontre avec la reine carthaginoise Didon et le tragique suicide de cette dernière, la descente aux Enfers...), ses aventures en Italie sont cependant bien moins connues et assez peu abordées.

Ursula le Guin nous fait donc revivre l'arrivée d'Énée et des survivants de la guerre de Troie dans le Latium, les guerres incessantes entre les différents peuples de la région (Sabins, Volsques...), et surtout la genèse de la fondation de la cité de Lavinum, autrement dit l'ancêtre de Rome. Difficile de ne pas se laisser embarquer par le récit et de ne pas se prendre d'affection pour cette Lavinia dont on suit avec intérêt l'évolution et les épreuves : la folie de sa mère, le mariage comme moyen d'alliance, les ravages de la guerre, son amour naissant pour Énée... Seul petit bémol : la distance qui sépare parfois le lecteur de la narratrice, malheureusement trop souvent dans la retenue. Les confrontations entre la jeune femme et son « créateur », le poète Virgile, sont cela dit extrêmement intéressantes et rajoutent une touche d'originalité à l'ensemble.

Avec « Lavinia », Ursula le Guin signe incontestablement un bon roman, certainement pas le meilleur de sa carrière mais néanmoins divertissant et qui parlera sans aucun doute aux amateurs d'histoire ancienne. L'ouvrage fut d'ailleurs récompensé en 2009 par le prestigieux prix Locus Award.
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critiques presse (2)
Elbakin.net
12 avril 2023
Pas de réelle surprise en vue : Ursula K. Le Guin nous livre là un beau portrait de femme, feutré, subtil, complexe, prenant pour cadre une étonnante Antiquité, le tout par le biais d’une plume douce, amère, mais toujours poétique.
Lire la critique sur le site : Elbakin.net
Telerama
14 juin 2011
Ce roman conte l'éveil à la vie d'une jeune femme. Et s'enrichit d'une réflexion sous-jacente sur l'écriture, qui jamais pourtant ne vient altérer le charme du ­récit.
Lire la critique sur le site : Telerama
Citations et extraits (48) Voir plus Ajouter une citation
JE SUIS ALLÉE aux salines près de l'embouchure du fleuve, au mois de mai de ma dix-neuvième année, afin de récolter du sel pour la farine sacrée. Tita et Maruna m’accompagnaient, et mon père nous avait adjoint, pour ramener le sel, un vieil esclave et un garçon qui menait un âne. Ce n’était qu’à quelques milia au nord, mais nous en avons fait une véritable excursion : le pauvre petit âne portait d’abondantes provisions, nous avons mis la journée entière à atteindre notre destination pour finir par installer notre campement sur une dune herbeuse qui dominait les plages du fleuve et de la mer. Tous les cinq, nous avons soupé autour du feu, raconté des histoires et chanté des chansons alors que le soleil se couchait dans les flots et que le bleu du crépuscule printanier s’assombrissait à vue d’œil. Puis nous avons dormi sous la brise marine.

Je me suis éveillée aux premières lueurs. Les autres dormaient profondément. Les oiseaux entamaient tout juste leur chœur d’aurore. Je me suis levée pour gagner la rive du fleuve. J’ai puisé un peu d’eau dans le creux de ma main et, avant de boire, l’ai laissée couler en offrande, prononçant le nom du fleuve, Tibre, père Tibre, et ses noms anciens, secrets, Albu, Rumon. Puis j’ai bu en savourant l’arrière-goût salé. Le ciel était assez clair pour offrir à mon regard les longues vagues raides de la barre où se rencontraient le courant et la marée montante.

Au-delà, sur la pénombre de la mer, j’ai vu des navires, une ligne de grands navires noirs qui, venus du sud, viraient droit sur l’embouchure du fleuve. De part et d’autre de chaque vaisseau une longue rangée de rames battait comme battent des ailes dans le crépuscule.

L’un après l’autre les navires franchissaient la barre, ils s’élevaient puis retombaient, l’un après l’autre ils arrivaient. Leurs éperons triples, longs et courbés, étaient de bronze. Je me suis accroupie au bord de l’eau dans la boue salée. Le premier navire a pénétré le fleuve et est passé devant moi, sombre et haut, au rythme lourd et régulier des rames dans les flots. L’ombre dissimulait les visages des rameurs, mais à la proue se dressait un homme qui, découpé contre le ciel, regardait droit devant lui.

Sa figure est grave mais détendue ; il contemple les ténèbres, il prie. Je sais qui il est.

Quand enfin le dernier vaisseau est passé dans ce lent battement de lourdes rames pour disparaître dans la forêt qui recouvre les deux rives, les oiseaux chantaient de toutes parts et le ciel, au-dessus des collines à l’est, irradiait de lumière. J’ai regagné notre campement. Aucun de mes compagnons ne s’était éveillé, les navires étaient passés devant eux alors qu’ils dormaient. Je ne leur ai rien dit de ce que j’avais vu. Aux salines, nous avons ramassé assez de boue grise pour en extraire le sel de toute l’année à venir et l’avons chargée dans les paniers de l’âne avant de reprendre le chemin de la maison. Je les ai empêchés de flâner en route et, même s’ils ont protesté et un peu lambiné, nous sommes arrivés bien avant midi.

Je suis allée trouver le roi et lui ai dit : « À l’aube, une grande flotte de navires de guerre a pénétré dans le fleuve, mon père. » Il m’a regardée ; son visage était triste. « Déjà », a-t-il seulement répondu.

(INCIPIT)
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Une partie de la maisonnée était là, dont ma mère qui d’ordinaire n’assistait qu’aux grandes cérémonies. Elle s’est placée derrière moi, tout près, pendant que je répandais la salsa mola sur l’autel. Je sentais qu’elle comptait rester près de moi, me tenir à l’œil, à portée de main, toute la journée, jusqu’à ce qu’elle ait obtenu ce qu’elle voulait. La chaleur, la pression de son corps si proche du mien étaient presque palpables, et je voulais leur échapper. Je me suis rapprochée de mon père qui plongeait une branche couverte de résine dans le feu de Vesta et s’en servait pour allumer les torches de l’autel en murmurant les paroles sacrées. Je ne sais pas si des gouttes de résine sont tombées, si une bourrasque a soufflé, si une main a bougé, mais soudain une étrangeté m’a entourée, un mouvement vacillant de lumière. Des voix criaient, hurlaient – « Lavinia, Lavinia ! Ses cheveux brûlent ! Elle brûle… » Portant mes mains à ma tête, j’ai senti une ondulation dans l’air. Des étincelles dansaient et sautaient tout autour de moi dans une odeur de fumée. En me retournant, j’ai distingué ma mère, à deux pas de moi, à travers un nuage jaunâtre. Les yeux fous, elle fixait un point au-dessus de ma tête. Je l’ai fuie à toutes jambes, j’ai traversé la foule, traversé l’atrium jusqu’à la cour. Des flammes et de la fumée jaune me poursuivaient, des étincelles jaillissaient de moi, des gens hurlaient, j’ai entendu mon père m’appeler. J’ai couru à la fontaine sous le laurier et me suis jetée à terre, le visage dans l’eau, les cheveux dans l’eau. [...]
Mon père, à genoux près de moi, m’a soulevée. « Lavinia, mon petit, mon enfant, ma fille, murmurait-il. Tu es blessée, tu es blessée ? Montre-moi. »
Puis, en regardant mon père, elle a déclaré, impérieuse : « Un présage, roi. Annonce le présage ! » [...]
« La guerre », a-t-il dit.
Tous se sont tus à sa voix.
« La guerre », a-t-il répété, puis, comme s’il avait du mal à prononcer les mots, ou comme si les mots s’extirpaient de sa gorge et sa bouche contre sa volonté : « Une destinée glorieuse et éclatante va couronner Lavinia. Mais à son peuple elle apporte la guerre. »
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Mais que dois-je faire à présent ? J'ai perdu mon guide, mon Virgile. Il me faut continuer, parcourir seule tout ce qui reste après la fin, tout le reste du monde immense, confus, illisible.
Que reste-t-il après une mort ? Tout le reste. Le soleil qu'un homme a vu se lever se couche même s'il ne le voit pas. Une femme s'assoit pour tisser la pièce qu'une autre femme a laissée sur le métier.
J'ai trouvé mon chemin jusqu'ici bien que le poète ne m'ait pas indiqué le chemin. J'ai tout déduit sans me tromper grâce à ce qu'il a dit, aux indices qu'il m'a laissés. Je l'ai suivi jusqu'au centre du labyrinthe. A présent je dois seule trouver la sortie. Ce sera plus long, plus lent, à vivre, mais pas si long, je pense, à dire.
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J’ai plusieurs fois vu Énée porter cette armure, casque, cuirasse, jambières, avec la longue épée et le bouclier rond. Tout est en bronze : il brille comme la mer scintille et reluit sous le soleil. [...] Nulle part dans tout l’Occident on ne peut voir plus beau bouclier.
La surface des sept couches de bronze soudé est entièrement couverte d’innombrables scènes en relief, délicatement gravées et rehaussées d’incrustations d’or et d’argent. Par endroits, les batailles ont laissé une éraflure ou une petite bosse. Je viens souvent examiner ce bouclier. L’image que je préfère est en haut à gauche ; c’est une louve ployant son cou mince pour lécher ses petits qui tètent, mais les petits sont des bébés humains, des garçons, pendus avides à ses mamelles. J’en aime aussi une autre, une oie tout en argent qui se dresse aussi haut que possible en sifflant pour donner l’alerte. Derrière elle, des hommes escaladent une falaise. Leurs cheveux sont d’or frisé, leurs manteaux rayés d’argent. Tous ont autour du cou un collier tortillé d’or.
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Tout ce que je voulais, en allant-là bas, c'était dormir dans ce silence, entourée par les esprits, dans le numem d'Albunea. Une nuit-là bas me clarifiait le coeur et me calmait l'esprit, et je pouvais rentrer accomplir mon devoir.
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Vidéo de Ursula K. Le Guin
De "La Main Gauche de la Nuit", au "Nom du monde est forêt" en passant par "Les Dépossédés", l'autrice américaine de science-fiction Ursula le Guin, disparue en 2018, a tissé une toile narrative complexe d'une grande beauté littéraire et d'une actualité thématique brûlante.
Réflexion sur le genre et féminisme, écologie, inégalités sociales, ce sont autant de préoccupations qui se dessinent subtilement dans l'oeuvre monde de cette touche-à-tout
En compagnie de ses invités, Catherine Dufour, écrivaine de science-fiction et Jérôme Vincent, directeur éditorial des éditions ActuSF, Antoine Beauchamp vous propose de découvrir cette immense autrice qui fut un temps pressentie pour le prix Nobel de littérature.
Photo de la vignette : Dan Tuffs/Getty Images
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