Il est certains livres, qui à force d'être vainement recherchés, finissent par ne plus être espérés.
Celui-ci, au fond d'une caisse poussiéreuse, se cachait derrière une jolie couverture en cuir fauve et quelques lettres dorées.
L'ouvrage a été, un jour, qualifié par une revue, comme un de ces petits volumes dont la place est marquée dans toute les bibliothèques.
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Verlainiens et décadents" est un album de souvenirs.
Il est une époque où la mode était aux qualificatifs truculents, aux savoureux néologismes.
Un libraire s'appelait un "bibliopole", les poètes des "héphélobates" ou des "argyraspides".
On ne craignait pas, alors, de qualifier un chef d'école de "gonfalonier du verbe".
Gustave le Rouge se fait, ici, l'hagiographe des Saturniens.
Tout d'abord, il pousse les portes du collège de Cherbourg, où il nous présente le jeune poète Jules Tellier qui vient d'y être tout juste nommé professeur de rhétorique.
Cherbourg est une ville pleine d'inconnu.
Elle nous apparaît en plein.
Puis vient, pleine d'émotion, d'enthousiasme et de curiosité, la première rencontre, dans un petit restaurant de cochers, entre
Gustave le Rouge et
Paul Verlaine.
Et, de ce jour jusqu'à la mort du grand poète, les deux hommes entretiendront les relations les plus franches et les plus cordiales.
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Verlainiens et décadents" est la clef pour mieux appréhender "les derniers jours de
Verlaine", ce livre fameux où Frédéric-Auguste Cazals et
Gustave le Rouge ont fixé leurs souvenirs avec des mots, des scènes, mille traits et mille images vivantes.
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Verlainiens et décadents" est un album de souvenirs.
Son auteur y pousse la porte du célèbre cabaret "le Chat Noir" à l'heure où, sous l'influence du poison vert de l'absinthe, les discussions devenaient tumultueuses et où tout le monde avait du génie ...
La plume de Gustave le Rouge est des plus fines.
Cinquante ans ont passé, l'âme du quartier a disparu.
Mais la mémoire de l'auteur est intacte.
Il nous présente une formidable galerie de personnages.
Le livre, précieux, est devenu rare.
J'aime à imaginer que l'esprit, malicieux, de Gustave Lerouge, en portant ma main vers cette caisse oubliée, a voulu offrir, au "pays" que je suis, ce magnifique moment de littérature ... et je l'en remercie encore ...