Citations sur Le jour des morts (74)
Les Palleaux et les ...Lascourgiraud.
Il releva la tête avec un sourire qui révélait ses dents orangées .
-Ils ont vraiment des noms à coucher dehors dans le coin ! railla-t-il .
-C'est vrai que Mehrlicht , c'est d'un banal...lui rétorqua Latour .
Mehrlicht sourit et se retourna dans son siège pour la regarder.
- Je vous trouve bien insolente,en ce moment,lieutenant.
-Faut dire que tu dis tellement de conneries , coupa Dossantos.
Mehrlicht se tourna vers lui
-Ah je voie ! C'est l'heure de la mutinerie . Les biffins se rebiffent.
-C'est malin dit Dossantos.
Mehrlicht reprit:
-Mais en 17 , ç'aurait été la cour martiale. On vous aurait fusillés pour ça . Contre le mur et ratatatat ...
Le passé s'accroche à nous comme une seconde peau , poisseuse et puante. Et il n'y a pas de mue possible pour nous , pauvre humains ...
-Et la truite ...La truite , ça se bichonne ,c'est petit et mignon . Il faut la laisser frétiller dans le beurre qui mousse entre cinq et sept minute par côté , suivant sa taille,juste le temps qu'elle s'amuse , mais sans qu'elle s'ennuie . Parce-que dès qu'elle s'emmerde,la truite,elle se laisse aller . Elle se boudine et part en charpie , la truite . Et mon copain récupère de la sciure de poisson , et ça c'est pas bon !
-Bah te philosophe,toi putain ! I On te sert un poisson qui a l'air plus mort que cuit , et tu restes stoïque !
Je veux pas de stagiaire.Je l'ai dit dix fois : je hais les stagiaires . Je les exècre.Je les abomine . Je les vomis !
Matiblout attrapa ses lunettes et les replaça sur son nez .
Mehrlicht enchaîna : - Il sont stupides , ils ont deux mains gauches ...Et puis ils sentent fort , comme des petits animaux mais en plus gros ...Matiblout leva une main en signe d'arrêt , mais Mehrlicht était lancé .-Ils dégagent une pestilence de ... de vivarium ! C'est ça : ils sentent l'iguane !
-Stop ! grogna le commissaire .
-Ils sont un accident dans la police , la preuve de la décadence et de la déliquescence de cette prestigieuse institution pluricentenaire , de son déshonneur et , c'est évident , de son imminente explosion . Malheur ! Malheur au stagiaire par qui le scandale arriv...
-Ça suffit,capitaine ! Gronda Matiblout.
-Pardon ?
- J'ai le droit à votre sketch des stagiaires chaque fois " Accident ", "décadence","déshonneur"...Pas aujourd'hui.
J'en ai ma claque.
- Je me souviens de cet exposé [de Droit] en plein amphithéâtre que tu avais conclu en disant que les lois sont faites pour protéger ceux qui les font. La prof était médusée, mais tu avais eu des applaudissements, tu te souviens ?
(p. 122)
- C'est tout ce que tu as à dire sur le fait qu'on essaye de buter des flics, Daniel ?
Mehrlicht comprenait maintenant la double colère de Dossantos. Il s'en voulait de passer du rôle d'enquêteur à celui de victime. Pire encore, il refusait d'accepter que la police puisse être la cible.
- Je t'arrête tout de suite. Tu vas me refaire ton laïus, je le vois gros comme une maison. Je te le résume, on gagnera du temps : y a pas de zones de non-droit, la police est nationale, il faut nettoyer au Kärcher, nul n'est censé ignorer la loi... Bah, je crois que j'ai fait le tour. Tu rajoutes un ou deux articles du Code pénal, et c'est bon !
Mehrlicht lui sourit. Dossantos restait de marbre.
- Tu trouves normal qu'on essaie de descendre des flics, toi ?
Mehrlicht se racla la gorge.
- Putain, Mickael, j'ai pas dit ça. T'es la police, tu te mets sur le chemin des criminels et tu prends des coups, c'est tout. Ça fait partie du taf. Tu crois qu'ils vont s'écarter et te faire la révérence parce que tu sors ta brème avec le drapeau bleu blanc rouge ?
(p. 113-114)
[Sophie] Latour concevait sa mission de service public comme une aide aux individus, quand [Daniel] Mehrlicht et [Mickael] Dossantos se satisfaisaient du pan répressif du travail de police.
(p. 104)
[...] c'était toujours à elle que revenait le soin d'annoncer aux familles que l'un des leurs venait d'être arrêté, blessé ou tué. Le Code de procédure pénale ne disait rien quant à l'information aux familles. Il était généralement admis que l'on convoquait au Commissariat les parents d'un mineur arrêté, mais que l'on se déplaçait pour annoncer un décès, qu'il fut accidentel ou criminel. Avec la fonte des budgets et des effectifs, le tact n'était plus de rigueur et le coup de fil impersonnel des autorités remplaçait inexorablement la décence d'une visite. [Sophie] Latour refusait cet état de fait, soulignant qu'elle pouvait se charger seule de cette sale besogne, si nécessaire, et arguant que ces rencontres permettait d'affiner le profil des victimes. Alors Matiblout la laissait faire, et dans l'équipe de Mehrlicht, il était entendu que cette mission incombait à Sophie, officiellement parce que [les autres] ne savaient pas faire, officieusement parce que, dans leur esprit, une femme était plus à même de trouver les mots. Pourtant 'les mots' ne lui étaient pas venus spontanément, naturellement. Et aucune école n'apprenait à annoncer le pire. Elle avait lu sur le sujet, et construit son approche.
(p. 103-104)
- ... j'avais juste une question à vous poser, reprit [Sophie] Latour.
- Vas-y, dit Mehrlicht en rejoignant son bureau.
- On bosse à TROIS sur cette affaire. On chope les gars à TROIS. Et JE dois taper MON rapport et VOTRE rapport. Ma question...
- Ok, ok, coupa Mehrlicht en levant les mains en signe de reddition. Je suis une quiche au clavier, ça prend quinze plombes. T'es meilleure que moi. On gagne du temps.
- Pas moi. Je ne suis pas née avec un clavier dans les mains. J'ai appris, et je suis sûre que vous y arriverez. Même Mickael y arrive. Parce qu'il s'y est mis. Et lui tape SON rapport. [...] C'est le dernier que je tape pour vous, capitaine. C'est tout ce que je voulais dire.
- Arrête de déconner, Sophie, et tutoie-moi, putain ! Ça fait bientôt deux ans, on se connaît maintenant.
- Tout à fait d'accord ! On se connaît suffisamment pour que je puisse vous dire que vos rapports, vous les taperez vous-même. La secrétaire démissionne.
Latour en aurait bien profité pour développer son point de vue sur la considération que le capitaine avait pour les femmes, notamment les femmes flics. Mais elle savait que cela n'aurait servi à rien d'autre qu'à conforter l'homme grenouille dans son opinion irrévocable que les femmes sont hystériques, imprévisibles et vous font vivre le plus sulfureux des enfers dès qu'on leur demande de rédiger un rapport.
(p. 67-68)