Marin Ledun tourne la page du problème basque qu'il a traité dans ses deux précédents romans. Il a déjà prouvé par le passé qu'il excellait aussi en développant d'autres thématiques. le voilà revenu
en douce à une veine plus sociale, comme dans
Les visages écrasés.
Le sujet de cette nouvelle histoire semble simple, de prime abord. Un récit de séquestration, sujet maintes fois traité. Mais l'écrivain ne tombe pas dans les poncifs du genre pour autant : pas de rebondissements improbables, pas de violence déplacée. La trame est là pour traiter d'autres sujets plus sociaux, bien violents eux aussi…
Deux protagonistes, environnement resserré, tension. Une histoire de femme surtout. Une héroïne du genre qu'on n'oublie pas, marquée par un accident qui lui a fait perdre une jambe plusieurs années plus tôt. Émotions à fleur de peau au travers de ce personnage qui perd pied (sans mauvais jeu de mot).
Sans trop savoir pourquoi, m'est très vite venue en tête une partie du refrain d'un vieux morceau du groupe Trust en suivant cette tranche de vie d'Émilie :
« Car je sais avec certitude ce qu'est la solitude
Trop fier de cette image jaunie qui me poursuit
Et qui me laisse un peu perdu que suis-je devenu »
Le roman débute d'ailleurs par trois citations fortes et très bien trouvées.
Oui, quel personnage ! Et quelle magnifique manière de nous plonger dans ses doutes, ses failles, ses douleurs.
Marin Ledun a admirablement développé son caractère à travers ces 250 pages, sans jamais en faire trop ni tomber dans le misérabilisme.
Cette intrigue est le prétexte pour (re)parler de notre société de maltraitance, où le moindre décrochage social se paye au prix fort. Que ce soit un handicap, un accident de vie ou la pression du travail, le déclassement guette chacun d'entre nous. La réaction peut être extrême…
Ce n'est pas un hasard si l'auteur a placé son héroïne et son action dans un chenil, tant elle se sent enfermée dans le carcan de notre société moderne.
Marin Ledun sait de quoi il retourne, son expérience personnelle lui ayant fait connaître par le passé à quel point notre société et le monde du travail se déshumanise et engendre de la douleur. Jusqu'à perdre pied, donc…
En douce navigue dans ce contexte, avec un personnage qui se retrouve à faire une fixation sur un homme ; une obsession qui cache son réel malaise. L'écrivain y va presque
en douceur, sans en faire des tonnes et ça rend cette histoire d'autant plus frappante. Dommage que le livre soit un peu court.
En sent que
Marin Ledun a travaillé son texte pour aller à l'essentiel. Rien de superflu, chaque mot est pesé, chaque passage est travaillé. Ça n'empêche pas l'émotion d'affleurer de ce texte, c'est ce qui rend ce roman noir marquant.
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