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EAN : 9782729713850
220 pages
Presses universitaires de Lyon (23/06/2022)
3.33/5   3 notes
Résumé :
Comment habite-t-on les rives du Bas-Maroni, fleuve coulant entre la Guyane française et le Suriname, entre traditions autochtones et politiques urbaines postcoloniales ? C'est à cette question que répond ce passionnant ouvrage. L'autrice s'est principalement intéressée aux Bushinengués, ethnie majoritaire à Saint-Laurent-du-Maroni, en Guyane française, composée des descendants d'esclaves dits marrons, c'est-à-dire s'étant échappés des plantations surinamaises.
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Le 26 juillet 2022

En premier chef...tous mes remerciements à Masse Critique " Non- fiction" de juin ,ainsi qu'aux Presses Universitaires de Lyon, sans lesquelles je n'aurai pas fait la connaissance de cette enclave française, Saint-Laurent-du Maroni, dont j'ignorais jusqu'au nom...

Cette ville de l'Outre-Mer français est parmi celles qui a connu les transformations les plus spectaculaires ces dernières décennies...
A ses débuts, petit bourg métropolitain et créole...qui évoquait surtout le bagne et l'or...

Commune en pleine croissance, peuplée en majorité de descendants de marrons, mais aussi d' une multiplicité d'ethnies...sa situation géographique la rend tout à fait unique et sans lieu comparable ! Sur le fleuve Maroni, à la fois à la frontière avec le Surinam et une entrée vers l'intérieur amazonien, habité par des amérindiens, des marrons et créoles aux modes de vie grandement " transfrontaliers "...

Lieu et région singuliers en tous points pour lesquels l'auteure, docteur en sociologie et chargée de recherche au C.N.R.S a passé de nombreuses années à étudier les changements sociologiques dûs aux politiques d'urbanisme, ...et les repercussions très nombreuses sur les populations.
Recherches plus exclusivement effectuées entre 2012 et 2017...
Cette publication représente en fait la réduction de sa thèse de 700 pages...accompagnée d'abondantes cartes, figures, photographies de l'auteure mais aussi augmentée d'un carnet photographique d'un photographe italien, Nicola Lo Calzo.Ce dernier s'intéressait au même sujet que Clémence Léobal, alors qu'elle n'en était qu'au début de sa thèse...

Elle s'interroge et constate la complexité et les difficultés de cette région au fil des brusques transformations ces 30 dernières années au gré des démolitions des maisons en bois, le plus souvent,et de constructions de nouveaux quartiers, la nécessité de logements sociaux...La population bushinenguée, descendante d'africains.e.s ayant fui les plantations surinamaises étant particulièrement touchée, devant adapter ses traditions et son mode " d'habiter"...transfrontalier et multiple, aux politiques urbaines conçues par la France...

Déjà un mois que j'ai reçu cet ouvrage, qui , comme vous l'imaginez aisément, ne se lit pas comme un roman, et s'apprivoise "progressivement, en prenant des notes...d'autant plus, lorsqu'on est totalement ignorant du sujet...


Travail de recherches et d'analyses impressionnant et gigantesque, pluridisciplinaire, réunissant l'ethnologie, la sociologie, l'urbanisme, l'histoire coloniale, etc.

"Je suis partie vivre en Guyane en 2009.Saint- Laurent-du- Maroni, petite ville implantée au bord du fleuve Maroni, frontière entre la Guyane et le Suriname(...)
Comment comprendre les transformations de cette ville, la genèse de ses formes et de ses couleurs? Qui la bâtit , avec quels matériaux et selon quelles logiques? Comment sont organisés les espaces urbains ? de quelles façons s'y expriment les membres d'une société amazonienne et fluviale, transfrontalière entre la Guyane et le Suriname ? Quelles sont les marques de l'administration française sur ce territoire ? "

Publication complétée d'un glossaire, d'une importante bibliographie, de l'explication des sigles, et de la table des figures, sans omettre les abondants " Remerciements" aux personnes qui l'ont aidée dans cette " démarche au long cours "... selon les mots de Clémence Léobal.

Lecture passionnante mais qui se mérite, au vu de la profusion des recherches et des références évoquées...à assimiler !

Au-delà du lieu géographique circonscrit dans cette vaste étude, il y a également une large réflexion, mise en cause de l' histoires coloniale, ainsi que des politiques urbaines décidées par une tutelle lointaine .

Penser de nouveaux habitats, de nouvelles constructions , moderniser,certes , mais en prenant toutefois, en compte les habitants, les populations , les autochtones ainsi que leurs traditions et leurs manières de vivre...
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J'ai lu ce livre dans le cadre d'une Masse critique et je suis très reconnaissante à Babelio de m'avoir sélectionnée pour le lire. Je remercie aussi les PUL de me l'avoir fait parvenir rapidement;
Ce livre m'a intéressée à plus d'un titre, le principal étant la découverte d'un territoire d'outre-mer dont je ne sais pas grand-chose mais dont j'ai croisé quelques ressortissants dans mon parcours professionnel.
Clémence Léobal interroge la façon d'habiter des habitants de Saint-Laurent-du-Maroni, en particulier les Bushinengués, descendants d'esclaves marrons, qui vivent de part et d'autre du fleuve Maroni. Ce fleuve marque la frontière avec le Suriname et les habitants des deux rives ont des liens étroits entre eux... liens que l'administration française refuse d'envisager. Cette administration, la nôtre en fait, a une gestion du territoire très coloniale: les désignations des Bushinengués ont beaucoup varié dans le jargon administratif, quitte à aboutir à un amoindrissement de leurs droits par moments. Clémence Léobal fait un constat: la question du logement révèle le racisme du système. Attention, ici , le racisme n'est pas comme on pourrait le croire qu'une question de couleur de peau - même si plus elle est claire, mieux c'est. La hiérarchie est subtile. Une chose est sûre, tout en bas de cette hiérarchie se trouvent les Bushinengués.
L'administration française, comme celle de tous les pays d'Europe, repose sur l'attribution d'une identité, que ne possède pas une partie de la population adulte actuelle: comment ces personnes peuvent-elles alors faire valoir leurs droits en tant que citoyens si elles n'existent légalement pas?
On a l'impression de lire Kafka tellement les conceptions de la famille et de la propriété diffèrent entre les métropolitains et créoles d'une part, et les Bushinengués d'autre part: par exemple, un Bushinengué a plusieurs maisons - considérées comme des taudis par les officiels- partagées avec les membres de la famille, de part et d'autres de la frontière; les familles sont nombreuses et la parentalité n'est pas conceptualisée comme celle des Français "des modèles de famille nucléaire européens et bourgeois, en opposition aux familles nombreuses et aux mères célibataires", le maire les accuse même lors d'une réunion publique "Trop de personnes mettent des enfants au monde pour avoir des allocations et ne s'occupent pas des enfants."
Je ne présente ici qu'un aspect de l'ouvrage, celui qui m'a le plus marquée. Les Bushinengués vivent de manières très différentes cette question du logement, entre résistance aux expulsions (=avec une mise en valeur des terres conforme à l'environnement) pour les uns et demande de logement pour les autres, et j'ai apprécié la volonté de l'auteure de faire ressortir cette diversité sans stigmatiser qui que ce soit.

C'est donc un livre très riche que j'ai lu avec intérêt.
Cependant, je ne supporte pas l'écriture inclusive, à la mode désormais dans ce genre d'ouvrage et j'ai trouvé cela très rebutant.
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j'ai reçu cet ouvrage dans le cadre de l'opération masse critique "non fiction" du mois de juin et j'en remercie Babelio et les éditeurs Presses Universitaires de Lyon (collection Sociologie urbaine).
L'auteure Clémence Leobal est docteur en sociologie et chargée de recherche au CNRS.
Partie en Guyane en 2009 pour rejoindre son compagnon, elle travaille auprès de l'administration de St Laurent du Maroni, puis à compter de 2013, elle prend ses distances avec les "métros" pour effectuer des enquêtes ethnographiques, liées aux modes d'habitats, en tissant des liens avec les populations locales. Elle s'intéresse plus particulièrement aux femmes de l'ethnie Bushinengues (descendants d'esclaves). Elle explore en Guyane les politiques urbaines pensées dans l'hexagone et leurs effets sur les habitants des rives du fleuve Maroni. Elle nous montre comment les classes populaires, constituées de différentes ethnies en raison de multiples vagues migratoires, sont confrontées à une bourgeoisie blanche de l hexagone ou d'origine créole, prépondérante aux postes de décisions politiques et économiques. le livre expose les interactions concrètes entre habitants et agents de l'état.
On y découvre les habitats traditionnels en bois, hébergeant plusieurs foyers, lieu d échanges solidaires, mais aussi parfois de conflits, structurés autour d'aménagements extérieurs de cultures ou d'espaces communs. Ces lieux vont être peu à peu détruits par l'Etat, sous prétexte d'insalubrité, dans les années 80 pour reconquérir les berges du fleuve, puis dans les années 2000 démolis de façon souvent illégale pour faire place à des ZAC. On y voit les habitants essayer des tentatives de résistance, ou pour d'autres multiplier les demandes d'obtention de logements sociaux, et pour d'autres, dans ces nouveaux habitats tenter de recréer les anciens systèmes de co-residence et d'appropriation des espaces extérieurs notamment.
C'est une enquête très riche, documentée, illustrée par des photos ou plans, qui s'adresse à des lecteurs étudiants, ou chercheurs, mais accessible aussi aux personnes intéressées par cette région du monde ou de façon plus générale par les liens et interactions entre la France metroplitaine et ses Territoires ou Départements d'Outremer.
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Citations et extraits (15) Voir plus Ajouter une citation
Une ethnographe " bakaa" dans la ville

Dans ce dialogue, le fait d'être "bakaa" n'est pas seulement associé à la couleur de la peau.La clarté de ma peau est évidente pour l'enfant, mais elle est jugée comme incompatible avec la possibilité de parler " la langue" ( qu'il ne nomme pas, mais qu'il parle) et avec la situation d'intimité familiale et de subordination que dénote mon geste de vente.
Cette catégorisation entremêle des hiérarchies de sexe, de race, de classe et d'origine sociale. " Bakaa" fait référence à des attributs de la classe dominante de nationalité française : ma langue, ma culture européenne, mon diplôme, et aussi au privilège que confère ma nationalité ( qu'elle soit française ou d'un autre pays européen).Ces constructions locales de la blancheur renvoient à une position majoritaire qui ne se réduit pas à la couleur de la peau, mais aussi à d'autres caractéristiques associées à une position de domination.Par opposition, les classes populaires sont constituées de personnes des quartiers périphériques, vivant essentiellement d'indemnités sociales et d'emplois informels, transfrontaliers, agricoles, aux appartenances et nationalités diverses, ayant en commun d'être racialisées comme non- blanches.
( p.30)
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Introduction

Je suis partie vivre en Guyane en 2009.Saint- Laurent-du- Maroni, petite ville implantée au bord du fleuve Maroni, frontière entre la Guyane et le Suriname(...)
Comment comprendre les transformations de cette ville, la genèse de ses formes et de ses couleurs? Qui la bâtit , avec quels matériaux et selon quelles logiques? Comment sont organisés les espaces urbains ? De quelles façons s'y expriment les membres d'une société amazonienne et fluviale, transfrontalière entre la Guyane et le Suriname ? Quelles sont les marques de l'administration française sur ce territoire ? ( p.8)
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Une ethnographe " Bakaa" dans la ville

Je suis partie en Guyane en 2009 pour rejoindre mon compagnon qui y faisait son internat de médecine. Paradoxe des postcolonies françaises, à mon arrivée, grâce à l'emploi de ma langue maternelle et à l'existence du cadre administratif français, je n'ai pas éprouvé de sentiment d'étrangeté totale, malgré les
8 000 kilomètres de distance et l'environnement amazonien que je découvrais.La solidarité prévaut dans la communauté des expatrié.e.s européen.ne.s et de nombreux emplois, bien rémunérés , sont accessibles à ses membres.J'appartenais à une catégorie bien identifiée de la population dominante, les " métros", migrant.e.s temporaires de la France hexagonale, souvent jeunes, venu.e.s travailler dans différents secteurs de la fonction publique.
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Habiter le Maroni

Ce quotidien est également le lieu d'identifications transnationales, comme l'exprime un jeune homme, Clyde Alwanahi:

Je suis étranger. Mais j'ai grandi dans ce pays.Je suis Saint-Laurentais, je suis Guyanais.Je suis à la fois Surinamais et Français. Quand je suis au Surinam, je suis chez moi, ici, je suis chez moi. Je fais la part des deux pays parce que j'ai la culture des deux pays en moi.( 25 juillet 2014, entretien en français)

Pourtant, le Maroni n'a pas toujours été un espace frontalier.Il l'est devenu.

( p.43)
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S'approprier les logements sociaux

Les efforts de décoration reflètent
l' investissement dans une maison qui a été désirée, mais sont aussi l'affirmation d'une " bonne vie", au vu et au su du voisinage.Comme les habitant.e.s des pavillons français dans les années 1960, l'embellissement de la maison vise à réaliser une utopie dont ils et elles n'attendent " rien de moins que le bonheur " ( Haumont et al.,1966)

(p.144)
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