Tomber amoureux, ce jour-là, foudroyé au contact d’une main, me rendit mes seize ans, exactement mes seize ans à Léningrad. Quiconque aura aimé sait ces choses-là entre mille : étreindre une main, c’est tout donner, d’un coup, sans prudence, sans contrat, sans rien. Tenir la main, tous les enfants le savent, n’est pas seulement s’accrocher au passage : tenir ta main, c’est tenir à toi, tenir de toi. Et plus je serre, plus j’entrecroise nos doigts, les entrelace, plus je te dis mon incommensurable besoin, un besoin tel que ta paume me renseigne sur toi. Sur ta paume, j’ai pu lire que tu étais quelqu’un de bien.
Le sentiment de solitude est une illusion ou plutôt un défaut de perspective : tous nous vivons entourés de frères et soeurs en solitude. Seuls en archipel.
C'est toujours la même histoire, cette crainte du mot en trop ou du mot en deçà.
Je comprends ceci : tu es le dernier amour ; après toi, il n’y aura plus rien. Toi, Marian, tu seras la fin magnifique.
Je ne parle pas de sacrifice, non, je parle d’éblouissement, je parle de jouissance sèche. Je parle de connaissance par la solitude. […] Renoncer à l’amour, disait le merveilleux Jankelevitch, c’est entrer dans le dur hiver. Pour moi l’hiver peut arriver.
Je suis tombé amoureux pour la dernière fois de mon existence.
Puis j'ai lâché ta main comme on cesse un jeu.
L'amour n'est pas un roman facile
Les Anciens avaient raison. Il n'existe ni paradis ni enfer autrement que sur terre. L'éternité est la trace qu'on laisse dans la mémoire de ceux qui nous survivent. Aussi, l'éternité même s'éteint avec la disparition des porteurs de mémoire. Son temps est compté, comme pour toutes les autres durées.
... c'est ton regard qui n'évite rien des rides ni des bouffissures, des taches brunes ni de la rosacée. Pourquoi me scrutes-tu ainsi ? C'est pas bien. Ne fais pas ça. J'ai été jeune, tu sais. Ne me regarde pas comme ça. Il y avait des gens pour dire que j'étais beau, même si tu n'en trouves plus trace aujourd'hui sur mon corps. Ne fais pas ça. Efface ce regard-là, chirurgical. Je ne veux plus dormir si c'est comme ça. Je ne veux plus de toi si c'est comme ça. Je ne serai pas le cadavre que tu autopsies. Je ne serai pas cet objet de pornographie.
Mon caractère sentimental perd ses azimuts à force de voyager, d'aller à la rencontre de ce monde si peuplé, d'en être séduit et de devoir repartir toujours très vite. Mon caractère sentimental est troublé, désarroyé par les moeurs des expatriés, leur façon de retenir les émotions qui pourtant sont là, criantes par tant de signes. Ne pas s'attacher semble être le motto, mieux : le ressort de ces exigences.