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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Il aurait pu s'appeler « Adidas », la face scarifiée par trois balafres au front et sur chacune des joues. Il se prénomme en fait « Bingo », métaphore de la réussite, de la chance. Il est livreur – non pas de pizzas – mais de dope. Un « coureur », « le meilleur de Nairobi, du Kenya et peut-être du monde. » Il ravitaille tout ce que la ville « où la mort est un art de vivre » comporte de drogués dans les milieux les plus favorisés, valet et envoyé spécial du dealer qui a tué… sa mère.
Bingo a 15 ans mais il en paraît 10 suite à un retard de croissance. Très intelligent, malin comme un ouistiti, rusé comme un isatis, il profite de cette mutation tardive, joue parfois comme un ado, rapine à droite et à gauche, économise quand il peut, « laboure » des putes ou des filles de passage et profite d'une liberté que lui confère son statut d'orphelin. L'absence de la mère est omniprésente dans ce roman qui n'est pas un polar ou un thriller, mais plutôt un conte africain. La vie de Bingo est le fil rouge qui relie des légendes africaines. Chaque chapitre est une aventure truffée de coutumes ancestrales, de métaphores naïves, d'allégories africaines. Chaque personnage possède son surnom jailli des croyances et symbolique de leurs actions. Bingo côtoie tout un monde hétéroclite, du vieil homme qui passe ses journées au sommet d'une décharge à lire tout ce qu'il trouve, au groom philosophe, en passant par un chef de la police ripou et unijambiste, un curé traficoteur, une bonne soeur tyrannique, une femme de ménage diablement futée ou un génie de la peinture fou. Jusqu'à ce qu'il se découvre – peut-être – une mère en la personne de Mrs Steele, une Américaine aux cheveux d'or, marchande d'art mais surtout en mal d'enfant. Elle l'adopte. L'ambiguité nait alors d'un nouveau statut de marchand d'art qu'il s'est fabriqué avec un contrat exclusif entre lui et « l'artisse » fou et sa nouvelle mère dont il ne sait si la cupidité l'emporte sur l'amour filial.
Cette merveilleuse chronique keniane est une belle et surprenante réussite grâce à l'originalité de l'histoire, à son déroulement qui va crescendo, mais aussi par la fluidité d'un vocabulaire naïf né d'un choix d'écriture qui porte le sceau et les couleurs africaines. le plaisir de la lecture est permanent. L'épilogue laisse planer le doute sur le choix de Bingo : l'Amérique, l'amour de Colette Sleeve, le modernisme, les études et le confort financier ou Nairobi, sa crasse, son danger, ses dealers, sa pauvreté, le mystère du corps de Charity et surtout la liberté. Seul James A. Levine connaît la réponse.
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J'ai choisi ce livre sur trois critères : l'éditeur que j'aime bien, l'auteur qui m'avait déjà plu avec son formidable le cahier bleu et la couverture que je trouve très réussie. Très bonne pioche ! Ce roman m'a emballé de bout en bout. Premier point, Bingo est un gamin attachant, débrouillard, une sorte de Gavroche kenyan du XXI° siècle. Il est de ces personnages de roman qu'on suit avec grand plaisir et pour qui on souhaite ardemment une fin heureuse -mais ça, je ne vous dirai pas... Il est roublard, filou, pas toujours très respectueux des filles ou des femmes qu'il rencontre, il peut même être cupide -dans sa situation d'enfant pauvre, qui ne le serait pas ?- mais chez lui, ça ne sonne pas comme des défauts majeurs, ce sont au pire des péchés de jeunesse, voire des qualités en ce qui concerne la roublardise ou la filouterie. On sent en lui d'énormes qualités humaines qui ne demandent qu'à s'exprimer.

Toutes les personnes qu'il rencontre, ses amis, ses clients, le prêtre, les filles sont importantes pour lui et de chacune il apprend quelque chose qui lui servira, les seconds rôle du roman sont donc importants, bien décrits et très présents, notamment Slo-George l'ami de Bingo, à la placidité réconfortante -il me fait un peu penser au George du roman Des souris et des hommes de J. Steinbeck.

Le cahier bleu de James A. Levine parle de la prostitution enfantine, c'est un roman fort et dur. Bingo's run parle toujours des enfants pauvres dont certains profitent pour leur bénéfice, les dealers, les trafiquants divers. Bingo's run en mettant en scène un gamin des rues débrouillard est moins dur, plus enlevé, pas mal d'humour émaillent les pages, comme par exemple l'histoire de la multiplication des pains par Jésus racontée par le père Matthew, escroc et profiteur, version hilarante dont je vous livre la fin : "La parabole des cinq pains nous enseigne comment le Christ, en investissant l'amour de Dieu, a augmenté le capital et la richesse. Voilà comment Jésus a utilisé les cinq pains pour nourrir cinq mille personnes, grâce à un portefeuille d'investissements avisés. Vois-tu, Bingo, la volonté de Dieu était que la richesse croisse dans son temple et que Jésus, son élu, devienne son unique marchand ; car tel est l'amour d'un père pour son fils." (p. 73). Il reste néanmoins un roman assez dur sur les conditions de vie des enfants des rues dans certains pays d'Afrique qui n'ont pas la chance d'avoir le caractère optimiste et pragmatique de Bingo.

Un très beau roman, fort bien traduit dans une langue simple, accessible qui parlera à tout public. James A. Levine est un médecin-professeur émérite dans une clinique états-unienne. "C'est en parcourant le monde et plus particulièrement les pays émergents pour rédiger des rapports sur le travail des enfants dont les Nations Unies l'ont chargés que lui sont venus l'idée et même le besoin de témoigner, sous forme de fictions populaires, des conditions extrêmement violentes dans lesquelles grandissent et évoluent ses héros." (dossier de presse). Contrat réussi haut la main, comme lui je suis persuadé que les messages passent beaucoup mieux sous des formes pas trop formelles, le roman particulièrement. Bingo est un jeune homme que le lecteur gardera en tête comme la jeune Batuk du Cahier bleu, malheureux symbole de la prostitution enfantine.

Ne passez pas à côté.
Lien : http://lyvres.over-blog.com
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