Je ne m'attendais absolument pas à ça lorsque j'ai acheté ce titre, je pensais voir une histoire sur
Anne Frank,
Anne Frank vu par les Japonais, mais ce n'est pas tout à fait cela.
En apprenant que tous les Japonais ont lu l'histoire de la jeune fille, les journalistes qui ont rédigé cette BD documentaire décident d'interroger les Japonais sur
Anne Frank et l'holocauste.
Anne Frank est un point de départ, de fil en aiguille ils en viennent à interroger les Japonais de façon plus généraliste sur la Seconde Guerre mondiale puis sur leurs propres crimes de guerre.
Au-delà de l'Histoire, ce titre prend petit à petit un tournant politique pour une plongée dans une vision du Japon qui m'était jusqu'alors inconnu.
J'ai été captivé par ce titre qui m'a beaucoup appris et apporte une réelle réflexion. Je suis loin d'idéaliser le Japon, certains points ne m'ont pas spécialement surprise par contre je ne connaissais rien en politique et je ne connaissais pas non plus leur vision de l'Histoire.
Je pourrais dire que les journalistes mènent une enquête " à charge" en étant dans le jugement mais je ne peux leur jeter la pierre car j'ai été parfois aussi agacée qu'eux par les réactions des Japonais. C'est incompréhensible pour la française que je suis de constater le peu de considération qu'ils ont pour l'holocauste et leur refus de parler des crimes de guerre de leur pays pourtant, et c'est ce qui est intéressant, mon regard a changé petit à petit, jusqu'à cette conclusion qui mène à réfléchir. Au moment où je rédige cette critique je suis d'ailleurs encore en pleine réflexion (si ce titre pousse autant à la réflexion cela montre que ces journalistes ont brillamment réalisé leur travail).
Pour en revenir à l'histoire de base, au Japon
Anne Frank est un personnage de manga Kawai, son histoire n'est pas considérée comme réelle mais plutôt comme une histoire de fiction captivante. Il est d'ailleurs étonnant de constater que cette histoire soit parvenu jusqu'au pays du soleil levant. Cependant, ce manque de considération pour la réalité de son histoire par les Japonais m'a sidéré sur le moment. Comment peut-on être captivé par cette terrible histoire sans comprendre l'holocauste?
Alors que dans le fond c'est normal, comment en vouloir au Japonais? Cette partie de la Seconde Guerre mondiale et européenne, c'est notre histoire par la leur, pourtant ils connaissent quand même
Anne Frank. Paradoxalement, connaître ce nom c'est faire preuve d'une certaine ouverture sur l'Histoire étrangère. Pour un pays aussi refermé sur sa culture c'est déjà beaucoup et en France, nous n'en faisons pas toujours autant.
En effet, durant un stage, j'ai raconté à des enfants l'histoire de Sadako Sasaki. Lorsque j'ai fini de leur parler de cette enfant, j'ai été assaillie de questions, notamment par les plus grands qui avaient travaillé sur la Seconde Guerre mondiale à l'école. Ils ne comprenaient pas les raisons pour lesquelles les Américains avaient lancé ces bombes atomiques pour la simple et bonne raison qu'ils n'avaient pas eu connaissance de cette partie de l'Histoire. En France, on enseigne la Seconde Guerre mondiale aux élèves dès le primaire, mais seulement en France. C'est très réducteur!
Puis à partir du collège on parle du conflit mondial mais la seule chose que nous retenons de ces chapitres c'est Pearl Harbor et les bombes atomiques, autant dire que notre vision internationale est quand même relativement réduite. En même temps il est difficile de se sentir concerné quand il ne s'agit pas de son histoire national, la Japon semble lointain alors son passé ne nous intéresse pas réellement.
Tout cela pour dire que la vision de la Shoah par les japonais est finalement compréhensible, ce qui l'est moins c'est leur façon qu'ils ont de ne pas parler de leur propre Histoire. C'est surtout cela qui m'interpelle encore et me donne envie de pousser mes recherches pour comprendre cette vision japonaise sur la question. Ils refusent de reconnaître les crimes de leur pays en se voyant comme d'éternels martyr, ils n'enseignent même pas des faits à l'école seulement des dates. Pour eux l'histoire, qu'elle soit nationale ou internationale, est inutile. C'est difficile à comprendre alors que pour nous le devoir de mémoire est si important, ce livre est un véritable choc des cultures.
En tout cas ne vous y trompez pas, malgré la couverture mignonne et enfantine, avec ce titre vous vous trouverez à lire un titre complexe qui nous pousse à une réelle réflexion sur le Japon et sa vision de l'Histoire.