Je ne me souviens pas de la première fois où j’ai compris que la mort était aussi mon destin à moi mais ces choses-là ne se comprennent pas, elles se vivent.
Et même sexuellement, je ne me souviens pas du premier matin où je me suis réveillé inondé, du premier fantasme que j'ai solitairement mené à son terme de main de maître ou d'esclave. Je ne me rappelle que ce que tout le monde se rappelle, la première fois qu'il y avait quelqu'un pour constater mon plaisir, et mon orgueil et mon soulagement d'alors. Mais je ne me souviens pas de la première fois où j'ai vu quelqu'un nu, même pas de la première fois où ça m'a fait de l'effet. Je ne me souviens pas de ce qui m'a plu, dans le sexe, au tout début. Je ne me souviens pas si ça m'a inquiété, aussi, si je craignais d'enfiler un mauvais coton.
Je ne me souviens pas du temps qui passe, il me sort perpétuellement de l’esprit. Le vieillissement, je le constate mais je ne le sens pas prendre peu à peu ses aises.
Je ne me souviens pas qu’il y eut un moment où j’errais, analphabète, insoucieux du monde intellectuel et de la civilisation.
La réciprocité est un perpétuel coup de théâtre.
Je ne me souviens pas que l'amour n'a qu'un temps, c'est tellement évident qu'il en a plusieurs.