J'aurais aimé porter ma peur à bout de bras pour mieux la maintenir à distance mais elle me constituait, m'absorbait. Qui ne s'y était jamais brûlé ?Elle était là, perpétuellement en éveil, déchainée au moindre mouvement.
C'est ça, l'amour, sans cesse avoir peur que l'autre rentre trop tard, qu'il prenne froid, pire encore.
Tous ces nageurs perdus dans l'océan et qui s'obstinent à crawler, quel bénéfice tirent-ils de leur mort annoncée ? Faites alors la planche, monsieur, noyez-vous en faisant la planche, c'est la meilleure façon de savourer.
- Comment me noyer si je fais la planche ?
- L'humour, comme vous le savez, est la chose du monde la plus mal partagée.
Dieu, dis-je, aurait dû avoir un peu plus peur avant de se mêler de moi.
Il parait, de même, qu'un parachutiste dont l'outil ne s'ouvre pas goûte durant ses quelques secondes d'agonue l'inaccessible puissance de la chute libre.
Monsieur, un homme est au fond d'un ravin. Impossible de remonter à mains nues et il ne dispose d'aucun autre moyen. Soudain, avec la tempête, des rochets basculent du sommet qui risquent de le réduire en poussière mais peuvent, s'il y a échappe, lui donner l'occasion de se tirer de là, grimpant d'une pierre à l'autre. Il lui faut se protéger de ces rocs pour s'en faire des alliés. Il est blessé à la jambe mais le genou est intact. Il lui pleut des pierres. C'est comme un puzzle, il en arrive toujours une à l'endroit où il lui faut, l'échafaudage se complète.
J'ai rêvé à une armée de déserteurs assez puissante pour s'imposer à tous les combattants, à des humains assez adroits pour esquiver la vie, n'engrangeant que ses avantages. J'ai rêvé de faire boule de neige avec mes craintes et mes souhaits, que le monde s'organise dorénavant à ma manière.
- Monsieur, certains ont pleuré à l'armistice qui auraient du se réjouir, d'autres se sont réjouis qu'on aurait mieux vus pleurer.
Dieu a été crée pour terrifier la Terre, tout le monde le sait, monsieur.
Je suis vivant, un point c'est tout. Mais pas assez. Mais tellement peu, vous avez raison. Tellement discrètement, timidement. Mes pas effleurent discrètement la planète. Mon souffle ne pollue aucune atmosphère.