Monsieur, Nicolas dit toujours que les amis morts sont les pires ennemis.
Mais la peur est le quotidien, répondis-je sèchement. Vous croyez qu'il faut être Kierkegaard pour se poser des questions ou longer une crevasse à plus de huit mille mètres pour craindre un faux pas ? C'est la vie même, c'est chaque instant. De quoi vous mêlez-vous si vous n'êtes pas connaisseur ? Que faites-vous là si la peur est un supplément pour vous, si elle n'est pas le coeur de votre existence, si vous n'avez rien compris, si vous ne savez rien sentir ?
Vous voyez, monsieur, comme l'énergie du désespoir n'est pas un vain mot.
C'était Internet avant la lettre, monsieur Datin répondait à toutes nos questions et tout nous passionnait, nous développions aussi nos propres idées, comment nous voyions nos vies dans l'idéal.
Comptait-il me tenir en haleine avec ses souvenirs d'enfance ou était-ce ma lassitude qu'il avait programmée ?
Enfant j'avais voulu être croque-mort pour que rien ne me sépare jamais des êtres que j'aimais.
" Vous avez peur des morts ? " lui demandai-je pour savoir à quoi m'en tenir moi même. " Nul n'est plus redoutable " dit-il.
Une rue déserte signifiait t-elle personne pour m'attaquer ou personne pour me sauver ? Idem quand il y avait quelqu'un.
J'ai prié je ne sais qui de je ne sais quoi, Dieu, que le silence se fasse, qu'au moins une seconde mon cerveau soit sourd.
Nous évoquâmes le soleil, ce qui serait arrivé s'il était soudain devenu bleu (...) " Mais qu'il y-a-t-il d'utopique à ce que le soleil soit bleu, monsieur ? se reprit-il, la vie n'en serait pas forcément meilleure.