Riley tente l'impossible

Je me lève pour aller à la salle de bains. Je vois mon visage dans la glace... sauf que, bien sûr, ce n'est pas mon visage. Je le le scrute. L'espace d'une minute, je n'arrive pas à me souvenir de mon vrai visage. Celui-ci appartient à quelqu'un d'autre, et quelqu'un qui n'existe pas réellement, en plus. Alors je fixe le miroir en essayant de me retrouver, moi, quelque part. Je n'y parviens pas. Je ne m'en souviens pas. Je suis quelqu'un d'autre, et pendant un très long moment j'ai l'impression d'avoir toujours été quelqu'un d'autre, de ne pas savoir qui je suis vraiment, et peut-être même de n'avoir jamais existé tout court, à part à travers une série d'autres successifs.

Pendant dix minutes, je sautai de toit en toit, grimpant aux murs, plongeant encore et encore dans l'air de la nuit, courant à toute allure le long des étroits rebords, m'agrippant aux pignons des immeubles avant de bondir à nouveau. On aurait dit Spiderman. Mais je ne suis pas Spiderman. Je suis juste très bon en parkour. C'est un peu la même façon de se déplacer dans une ville, la toile d'araignée en moins. Ce sont les Français qui ont inventé ça. Incroyable, le nombre de trucs cool mais très bizarres qui nous viennent de France. J'ai découvert ça lors d'un voyage là-bas, et j'ai tout de suite su qu'il fallait que je l'apprenne, que ça me serait terriblement utile dans mon boulot. Ce que je n'avais pas mesuré avant de devenir vraiment fort, c'est le kif absolu que ça procure. Ca me donne l'impression que la nuit m'appartient.

La grande majorité des gens passent leur vie à dormir, sans même avoir conscience que c’est maintenant ou jamais, qu’ils ont un aller simple et qu’il n’y aura pas de deuxième chance ; et que, plus tôt qu’ils le croient, le tour de manège prendra fin et qu’ils n’ont pas d’autre jeton. Ils repartent, sans vraiment avoir su qu’ils étaient là.

Les décorateurs d'intérieur n'ont pas la vie facile. Il faut se battre pendant des années pour atteindre le haut de l'échelle, et quand vous y arrivez - si vous y arrivez - il faut se battre encore davantage pour y rester. Irene Caldwell était une battante en plus d'une bonne décoratrice, et elle s'était fait un nom dans toute la région de New York en travaillant deux fois plus dur que ses concurrents et en offrant le meilleur à des tarifs abordables. Ses connaissances en design, ameublement et art moderne étaient sans pareilles et elle trouvait toujours le moyen de satisfaire ses clients tout en les orientant vers des choix de bon goût. Elle s'était donné un mal de chien pour parvenir là où elle était... mais il y avait des moments où elle se demandait si ça en valait la peine.

Mais je ne pense pas encore pouvoir réussir à dormir.
Je regarde par la fenêtre. New York ne dort pas non plus. La ville qui ne dort jamais, comme dit la chanson. C’est sympa, non, quand quelque chose est à la hauteur de sa réputation ?

Je ne suis pas très friand de la peinture moderne. Il y a trop de choses qui sont de la branlette : c’est sympa pour le mec qui le fait, mais ça n’a pas beaucoup d’intérêt pour les autres.

Monique détestait n’avoir rien d’important à faire, aucune tâche sur laquelle se concentrer. Ça la rendait agitée, grincheuse et même un peu méchante.

Comme je l'ai dit, je n'adore pas spécialement tuer et je ne prends pas mon pied en matant des cadavres. Non, c'était le tableau d'ensemble qui me faisait sourire. Pourquoi pas? Je suis sûr que Leonard a souri en admirant la Joconde terminée.
Mon tableau, à sa façon était tout aussi bon.

Alors, remiser ces pensées pour plus tard et filer par la fenêtre.Ce coup ci, je partis vers le haut, grimpant aisément jusu'au toit. Il était entouré d'un petit muret sur lequel je me tins un moment, à humer la nuit. J'avais l'impression de mesurer six mètres et d'être invincible.

La grande majorité des gens passent leur vie à dormir, sans même avoir conscience que c’est maintenant ou jamais, qu’ils ont un aller simple et qu’il n’y aura pas de deuxième chance ; et que, plus tôt qu’ils le croient, le tour de manège prendra fin et qu’ils n’ont pas d’autre jeton. Ils repartent, sans vraiment avoir su qu’ils étaient là.