Comment les Kalathanis pouvaient-ils parler, alors qu'ils disposaient d'un million de mots rien que pour les couleurs de l'arc-en-ciel ? L'idée même me donnait la migraine. Ne voyaient-ils les couleurs que comme des nuanciers infinis au lieu de vastes catégories ?
J'ai mal aux genoux sur ce carrelage dur et froid. La douleur est réelle, je suppose. Aucun algorithme ne la gouverne. Je considère mes poignets, dont les cicatrices me prennent au dépourvu. Tout ça paraît très familier, comme si je l'avais déjà fait. Des cicatrices horizontales, affreuses et roses, tels des vers de terre. Elles me reprochent mon échec. Des bugs dans l'algorithme.
"Imagine qu'on suive tous un algorithme jour après jour ? Que nos cellules cérébrales se bornent à chercher des signaux dans d'autres signaux ? Qu'on ne réfléchisse pas du tout ? (...)"
Ce sont les places que nous occupons dans l’existence des autres qui nous définissent
Ils te disent que le passé, c’est le passé : enfui, mort. Ils se présentent comme des gens nouveaux, non responsables de leurs anciennes personnalités . p46
Ils sont bien aussi doués qu’ils le racontent pour oublier, et ce passé sanglant leur paraît une terre étrangère. p46
Le passé, loin de mourir, suinte, sourd, s’infiltre, attend l’occasion propice pour rejaillir. Tu es ce dont tu te souviens... p46
Il est beaucoup plus grave d’oublier que de se rappeler trop bien » p48
Gommé, le passé devient futur. p133
Les divergences les plus intéressantes entre les langues ne se situent pas au niveau du vocabulaire, disait Maman. Pour mieux les comprendre, il faut observer la variété des qualités du monde dont elles nécessitent l’encodage.
Certains langages divisaient les noms en classes, avec des classificateurs : comme les objets fins et plats différaient des objets ronds et compacts, il fallait ranger tout ce dont on souhaitait parler sous de telles catégories.D’autres langues possédaient des formes verbales distinctes selon le temps, l’aspect, l’humeur, la voix, la personne, si bien qu’on devait coder ces éléments dans le discours sans pouvoir les laisser ouverts à l’interprétation.
D’après ma mère, notre nature nous poussait à imposer l’ancien et le familier sur le neuf et l’inconnu.
« Il m’a appris que le japonais foisonne de nuances, de souplesse et d’élégance, si bien que toute phrase forme un poème. La langue se replie sur elle-même, les mots tus se révélant aussi importants que les termes prononcés ; les contextes se juxtaposent en autant de couches, comme l’acier d’un sabre de samouraï »Mono no aware
Sais-tu ce que les Chinois trouvent le plus triste au monde ? Qu’un enfant finisse par avoir envie de prendre soin de ses parents et qu’il se rende compte qu’ils ont disparu La ménagerie de papier
Bien que vous ne puissiez déterminer le caractère réel ou fictif de vos souvenirs, vous persistez à leur attribuer de l'importance, au point de baser l'essentiel de vos souvenirs sur eux. La pratique de l'histoire n'a pas apporté grand chose à votre espèce.