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4,08

sur 148 notes
14 rue Soleil.

L'histoire de l'île de Chypre à travers le destin d'une maison abandonnée qui revit sous la belle plume d'Anaïs Llobet et le récit de la famille qui l'occupait, c'est toute l'histoire tragique de cette île tiraillée entre Grecs et Turcs qui défile sous nos yeux.
Un roman poignant pour raconter cette "île minuscule aux immenses douleurs".
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Une destination peu commune pour ce roman qui se déroule sur une quarantaine d'année. Un tout petit territoire , qui fait peu parler de lui et pourtant, l'histoire l'a peu épargné. Il s'agit de la petit île de Chypre marquée par les difficultés de cohabitions de deux communautés, les chypriotes grecs et les chypriotes turcs. La scission qui a conduit à une partition du territoire a été responsable d'une guerre sanglante et de l'installation d'une haine héréditaire inaccessible à toute négociation.

Nous suivrons l'histoire chaotique de l'île à travers le destin de deux familles et de l'amour impossible d'Aridné et de Ioannis, renouvelant le drame des Montaigu et des Capulet.

Très intéressant sur le plan historique, car ce conflit durable et violent n'a pas été très médiatisé. La situation complexe de l''île sous-tend pourtant un contexte politique particulier, opposant la Turquie et la Grèce.

Par contre l'histoire familiale est difficile à suivre. Les nombreux personnages et les époques se mêlent, en une confusion que l'auteur tente de dissiper en restituant, jusqu'à la fin du récit, la place respective de chacun.

Lecture mitigée donc, appréciée pour les connaissances historiques et politiques, moins pour l'histoire romanesque.
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Le mariage impossible

Pour son troisième roman, Anaïs Llobet s'est installée à Chypre. En suivant une famille au destin brisé, elle nous raconte le drame d'un pays toujours déchiré. Celui d'une impensable réconciliation.

Il fallait bien un jour qu'Anaïs Llobet s'arrête à Chypre. Car, comme dans ses deux premiers romans, Les mains lâchées et Des hommes couleur de ciel, elle a choisi de mêler son métier de journaliste à celui de romancière pour retranscrire la réalité, la mettre en perspective, lui donner chair en l'habillant de personnages qui racontent leur histoire.
Oui, cette île déchirée, que se disputent chypriotes turcs et grecs, était faite pour elle. Et son poste d'observation ne pouvait être mieux choisi, le Tis Khamenis Polis, le café de la Ville perdue. C'est là que Giorgos a rassemblé les souvenirs de Varosha, la ville devenue fantôme après l'invasion turque de 1974. le vieil homme a accroché au mur la carte de la ville, «épinglant tout autour les photos d'anciens habitants, pour la plupart décédés. L'une d'elles était encadrée, avec une fleur séchée glissée entre le bois et la vitre: Eleni, dont le regard ne quittait jamais Andreas derrière le comptoir.»
Car Giorgos, même s'il ne faut pas croire toutes les histoires qu'il raconte, est le garant de la mémoire familiale et au-delà de cette ville vouée à accueillir les touristes du monde entier. Les hôtels poussaient alors comme des champignons et les plus grandes stars d'Europe et d'Hollywood s'y pressaient. On y a même tourné des films comme Exodus, avec Paul Newman.
«L'armée turque, en 1974, n'a pas mené une invasion, mais deux. La première, le 20 juillet, a été déclenchée cinq jours après un coup d'État perpétré contre le président Makarios, événement téléguidé depuis Athènes et qui, selon Ankara, menaçait la sécurité des Chypriotes turcs. Les troupes turques ont alors déferlé sur l'île avant de ralentir leur progression à la faveur d'un cessez-le-feu. le 23 juillet, les bombes ont plu sur Varosha. (...) le 14 août, les tanks turcs ont repris leur marche. le lendemain, Varosha était abandonnée à l'ennemi. C'était une conquête précieuse, une otage ravissante. L'armée turque l'a enveloppée d'un manteau de ferraille et a placé son coeur sous cloche. Les mois suivants, beaucoup de réfugiés ont tenté de se faufiler dans Varosha pour récupérer les bijoux enterrés à la hâte dans le jardin, les albums photos oubliés sur les étagères. Aucun n'est revenu vivant.»
Anaïs Llobet a choisi un excellent système narratif pour nous permettre de comprendre les enjeux d'un conflit qui s'éternise. Elle alterne les chapitres qui se déroulent au moment de son enquête, de l'écriture du livre et ceux qui nous replongent dans les années 60, au moment où s'érigeait la station balnéaire, au moment où Ioannis, le fils de Giorgos choisissait pour épouse Aridné, une chypriote turque. Une union qui sera scellée malgré les mises en garde et les réticences des deux familles. Et en 1964, le couple emménage au 14, rue Ilios. Cette maison dont la journaliste a choisi de consigner l'histoire afin qu'elle ne disparaisse pas, maintenant qu'elle a été vendue, détruisant par la même occasion le rêve de l'habiter à nouveau une fois le conflit résolu.
En nous livrant la chronique de ces années difficiles, de 1964 à 1974, qui vont déboucher sur un conflit ouvert, Anaïs Llobet raconte d'abord celle du mariage impossible, de la promesse intenable de faire cohabiter chypriotes grecs et orthodoxes et chypriotes turcs et musulmans. À l'image d'une mer en furie qui sape une falaise, Giorgos ne va pas manquer une occasion de harceler Aridné jusqu'au drame, jusqu'à l'éclatement de ce couple symbolisant le pays. «Chypre ressassait sa douleur, refusait de panser ses plaies. Les check-points auraient dû faire office de points de suture mais ils ne suffisaient pas. Les deux faces de l'île continuaient à vivre comme si l'autre n'existait pas.»

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"L'eau des vagues cingle son visage, avale ses cris. Il lutte, puis finit par se taire. Une infirmière s'approche pour l'éloigner du bord, le mettre à l'abri. Il voudrait lui dire que ça ne sert à rien. Son port d'attache n'existe plus, Varosha n'est plus qu'un mot brodé de barbelés. (p174)"

Ce troisième roman est pour moi la confirmation du talent d'Anaïs Llobet. Après Des Hommes couleur de ciel que j'avais beaucoup aimé, elle nous convie sur l'île de Chypre où elle vit et qu'elle a choisi comme toile de fond  pour évoquer son thème de prédilection : l'exil mais également la perte, l'arrachement à ses racines, réussissant, une fois de plus, à nous entraîner dans un récit qui mêle habilement histoire, famille, politique et amour.

Ce j'ai particulièrement aimé c'est l'originalité de la construction utilisée par l'auteure mêlant sa propre histoire, celle d'une écrivaine en recherche des éléments nécessaires à la rédaction de son prochain roman (personnages, lieux, complexité géo-politique d'une terre divisée entre plusieurs pays et cultures : grecque, turque et chypriote) et cela sur plusieurs générations. Installée au café Tis Khamenis Polis (le café de la ville perdue) tenu par Andreas et sa fille Ariana, elle comprend que c'est dans ce lieu qu'elle va trouver l'inspiration et la trame de son récit, parmi ces gens qui ont vécu cette tranche d'histoire ou qui en sont les descendants, devenant ainsi les acteur(trice)s d'une occupation territoriale par la force et les porteur(se)s des sentiments de chaque camp.

Au fil des échanges avec Ariana elle va trouver sa source d'inspiration à
travers un lieu qui n'est plus qu'une ruine, une maison située au 14, rue Ilios à Varoscha, ville fantôme depuis l'invasion turque en 1974. Elle va y planter la lignée de ses occupants (comme le montre l'arbre généalogique sous forme d'un figuier figurant au début du livre et qui est bien utile je dois l'avouer) pour évoquer le drame d'un pays divisé, déchiré entre plusieurs communautés, celle d'Ariana, intimement mêlée à l'histoire de son pays et d'une ville aujourd'hui disparue.

Une nouvelle fois Anaïs Llobet explore le domaine de l'exil mais cette fois-ci quand celui-ci n'est pas au-delà des mers mais sur sa propre terre, quand l'arrachement à ce que vous avez de plus cher est à quelques kilomètres, derrière des barbelés infranchissables, sous la surveillance de l'armée d'occupation sans possibilité d'y retourner, un lieu où tout a été abandonné dans la précipitation, figé dans le temps et disparaissant peu à peu.

Une exploration pour laquelle elle a choisi de prendre le chemin le plus complexe et qu'elle réussit parfaitement à maîtrisé donnant à son récit un intérêt à multiples niveaux. L'histoire d'un conflit, des ressentiments des différentes communautés, de leurs confrontations anciennes et actuelles mais également comment s'élabore son roman permettant ainsi de voir les différentes étapes de sa construction, les pistes envisagées, les notes prises pour la cohérence de son récit, mais également les impasses où l'auteure se trouve parfois par manque d'éléments ou de pistes pour aborder des faits dont les blessures et cicatrices sont encore apparentes. Alors elle observe, questionne, écoute et comprend que c'est dans le café Tis Khamenis mais également grâce aux liens qu'elle noue avec ses occupants qu'elle parviendra à imaginer et comprendre ce qui anime encore certains.

C'est une histoire ou l'amour tient le rôle principal car nous sommes dans le bassin méditerranéen et la tragédie n'est jamais loin : tragédie humaine mais également amoureuse, celle d'un pays perdu, de rivalités et de pouvoirs pour arriver sous le couvert de double jeux à assouvir sa jalousie, où les silences et les absences hantent encore les lieux et ceux qui y sont restés. Comprendre son attachement à une terre, trouver sa place, être romancière et transmettre les dédales d'un conflit complexe, faire le lien entre réalité et fiction afin de dresser un portrait cohérent de l'attachement à une terre, d'une île convoitée par son emplacement stratégique.

L'originalité de la forme, de la construction peut dérouter dans un premier temps mais elle m'a séduite au fil des pages car cela a rejoint ma curiosité à savoir comment un roman se construisait. Je me suis attachée aux différents personnages, surtout féminins représentantes qui sont ici les figures emblématiques de la force, même quand elles sont bafouées,  leur ténacité à perpétuer les traditions de leurs racines, qu'elles soient turques, grecques ou chypriotes, endossant parfois le lourd fardeau de l'étrangère mais également à découvrir 

Je ne connaissais que peu de choses sur l'histoire de cette île et ai trouvé, à travers une forme romanesque, une histoire où la douleur de l'arrachement à une terre se transmet de génération en génération, même si d'autres quartiers ont été construits, ils ne remplaceront jamais, dans le coeur de ceux qui les ont habités, le lieu originel qui leur a été arraché. A travers la quête d'un lieu c'est la quête de soi-même à travers ses racines et quand un arbre est arraché c'est également ses racines que l'on arrache rendant la disparition définitive. 

"Certes, grâce à Giorgos, Ariana et peut-être aussi Andreas, j'étais parvenue à m'approcher au plus près de Varosha. Mais la contrepartie m'apparaissait de plus en plus insurmontable : cette obligation d'ériger mon roman en linceul pour le 14, rue Illios, d'être fidèle à ses murs et son jardin même si mes personnages s'y sentaient à l'étroit. (p177)"

J'ai beaucoup aimé pour l'originalité de sa construction, pour la manière dont l'auteure évoque à travers l'histoire d'un pays une histoire familiale brisée, son attention aux silences, aux blessures inavouées et à l'attachement à une terre perdue.
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Après des études d'architecture à Londres, Ariana revient à Chypre. Elle cristallise alors toute la lourde histoire familiale autour du 14 rue Ilios, la maison que ses grands-parents ont dû abandonné lors de l'invasion turque. Elle est obnubilée par cette ville fantôme et cherche par tous les moyens à faire revivre ses murs. Quand une journaliste française se présente et cherche à écrire sur Varosha, Ariana y voit l'occasion de retracer l'histoire de cette maison, et de ne jamais oublier...

Je ne sais pas pourquoi j'ai repoussé la lecture de ce roman. Il est aurait été tellement dommage de ne pas partir à la rencontre de la famille d'Ariana, parcourir les rues de Varosha et découvrir la difficile histoire de Chypre...

Avec une grande habileté, Anaïs Llobet déroule le fil d'un récit à la fois illuminé par l'amour et obscurcit par l'intransigeance et l'intolérance.
Pour beaucoup, un chypriote n'existe pas : il est forcément grec ou turc... Alors, quand Ioannis tombe amoureux d'Aridné, les deux camps s'affrontent. Pour le meilleur mais aussi pour le pire.

Les époques s'entrecroisent, les personnages aussi. Et petit à petit, ceux qui agaçaient finissent par nous émouvoir, et ceux qui attendrissaient font tomber les masques.
Comme dans toute guerre, il n'y a jamais un côté blanc et un côté noir, il n'y a pas de bons ou de méchants. Il y a des hommes et des femmes, blessés, meurtris, qui s'enferment dans le silence des mots ou agissent avec leurs poings.

Entre amour et amitiés, obligation de mémoire et volonté d'avancer, ces chypriotes ont surtout besoin de croire en leur avenir et de faire à nouveau entrer la lumière...
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J'avais un très bon souvenir d'Anaïs Llobet et de ma lecture de « Des hommes couleur de ciel ». Elle m'avait chamboulé en racontant la dure réalité de la Tchétchénie, un pays que je ne connaissais que très peu.

Avec « Au café de la ville perdue », elle s'attaque à un sujet qu'elle maîtrise. A l'instar de son précédent roman, elle nous parle d'un endroit dans lequel elle a vécu. Elle pousse même cette fois le vice à ancrer son histoire dans son propre quotidien et à jouer son propre rôle. En parallèle de l'aventure proprement dite, on suit donc tous ses échanges avec les témoins et toutes ses recherches d'informations. Ce travail minutieux lui permet d'offrir au lecteur une expérience d'immersion très réaliste.

J'ai appris beaucoup de choses sur le passé récent de Chypre et sur le drame interne qui a fracturé la population. Grâce aux acteurs de son livre, la petite histoire se mélange à la grande et peut ainsi mettre en lumière l'impact de ces évènements dramatiques sur les petites gens. Ils ne sont que des victimes collatérales mais leurs vies et même leurs avenirs sont complètement bouleversés par les conséquences. La tragédie laisse des traces, de génération en génération.

Pendant la confection de son livre, l'écrivaine s'est rapprochée fortement de ses protagonistes afin d'en brosser un portrait le plus juste possible. Naviguant entre les années 60/70 et aujourd'hui, on découvre des personnages attachants qui doivent vivre avec leurs origines. On comprend alors l'importance de l'héritage laissé par les ancêtres et le besoin d'appartenance qui découle des conflits d'antan. Chacun possède alors sa propre opinion sur le dilemme « Pour vivre sa vie, faut-il tourner la page ou continuer le combat ? ».

Par le prisme de ses habitants, l'autrice nous ouvre les portes d'une région ravagée par son histoire. Cette quête de vérité est un condensé d'émotions contradictoires qui ne vous laissera pas de marbre. Anaïs Llobet continue, avec humanité et bienveillance, à nous éclairer sur les tragédies modernes dont on ne parle jamais. Merci à elle !
Lien : https://youtu.be/_OpmzyLsbuQ
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Un bien beau roman, qui parle d'exil dans son propre pays, de guerre, de secret de famille qui passe de génération en génération.Chypre en est le décor.
Une jeune romancière vient à Chypre, elle veut mieux connaître l'étrange destin que subit Varosha, une station balnéaire devenue ville fantôme à la suite de l'invasion de la ville grecque par les Turcs en 1974.
Ariana, une serveuse du Café de la ville perdue va l'aider à reconstituer ce drame qui a touché sa famille aussi, et en même temps lui reviennent les souvenirs de ses grands-parents, lui ,chypriote grec, elle, chypriote turque, c'était dans les années 60.
Puis elle parle de son père Andreas, et découvre qu'il lui a caché un secret.
Le personnage principal de ce roman est Varosha, qui s'est retrouvée en quelques instants vidée de tous ses habitants, toutes les choses sont restées abandonnées dans cette ville close par des barbelés, et couronnée de miradors. Certains ont essayé de retourner chez eux, ils ne sont pas revenus...
L'histoire contemporaine de Chypre est infiniment émouvante et racontée avec délicatesse par A.Llobet.
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C'est un livre qui ne m'a pas déplu mais quelle tristesse de toujours devoir se battre pour conserver sa maison ou sa terre.
Que de vies gâchées, de villes ou villages détruits. On perd tous ses souvenirs, ses repaires, le pire est de se faire accepter ailleurs et d'essayer de s'adapter...
On assiste à la guerre entre Turcs et Grecs pour l'île de Chypre, mais au niveau des protagonistes il y a aussi de la jalousie, de l'envie, de la méchanceté. Ses mariages mixtes que personne ne veut accepter et qui créent tant de problèmes dans les familles.
Après Varosha, la ville devenue fantôme suite à l'invasion turque de 1974, on peut ajouter à la liste non exhaustive des villes assassinées ou victimes de tentatives d'assassinat :
- Pompéi, détruite par la colère d'un volcan, ensevelie sous les cendres.
- Constantinople, prise d'assaut par cent mille hommes et cent vingt navires de guerre.
- Le Havre, ville la plus détruite de France, pilonnée par les avions allemands.
- Prypiat, recouverte de mousse verte et radioactive, où la nature a repris ses droits.
- Grozny, dont l'armée russe a effacé jusqu'au fondations.
- Alep, au coeur historique transformé en ruines.
- Lukangol, petite ville du Soudan du sud, réduite en poussière par la haine.
- Varosha, principale station balnéaire de Chypre, placée sous cloche par l'armée turque, otage oubliée d'une guerre sans issue. P153
Et maintenant on peut rajouter
- L'invasion de l'Ukraine par la Russie, malheureusement il n'y a pas qu'une ville.
Je vous le conseille. Bonne lecture à tous.
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Chypre, son soleil, ses plages, sa ville abandonnée de Varosha.
C'est autour de cette ville située dans un no-mans land que l'auteure situe son nouveau roman.
Je savais que Turques et Grecs se partageaient cette île, mais j'ignorais qu'une ville grecque était retenue en otage par les Turques dans la buffer zone.
Grâce au personnage principal, j'ai découvert cette ville et ses habitants qui ont migré dans d'autres villes de l'île.
J'ai aimé suivre l'amour entre Ioannis chypriote grec et Aridné chypriote turque.
J'ai mis du temps à voir le vrai visage de Giorgos, l'ami d'enfance de Ioannis, le riche bienfaiteur.
J'ai aimé suivre Ariana, la petite-fille d'Aridné et Ioannis, son corps rempli de tatouages de son rêve de retrouver la maison du 14, rue Ilios.
J'ai aimé le Tis Khamenis Polis, littéralement Café de la Ville Perdue où la narratrice vient écrire.
J'ai découvert l'Enosis : la volonté des chypriotes grecs d'être rattachés à l'Etat Grec.
J'ai eu de la peine pour Aridné, cette jeune fille révoltée et militante qui se laisse happée par le quotidien.
J'ai aimé le chat qui trouve à manger des deux côtés de la frontière.
Une lecture éclairante et pleine d'humanité sur un conflit en dormance.
Une citation :
Les lignes et les limites, finalement, n'étaient infranchissables que pour ceux qui les avaient tracées. (p.308)
L'image que je retiendrai :
De part et d'autre de l'île, on mange beaucoup, et les plats cuisinés sont les mêmes, juste un peu plus épicés côté turque.
Lien : https://alexmotamots.fr/au-c..
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On se demande souvent ce qui fait un écrivain. Il me semble que pour Anaïs Llobet la réponse est évidente : l'alliance exceptionnelle de la caresse de son regard et de la sensibilité de sa plume, qui véhicule une émotion profonde, bien loin du sentiment éphémère d'un simple plaisir de lecture. Les personnages créés par l'autrice imprègnent longtemps l'esprit du lecteur. Après le coup de poing Des hommes couleur de ciel dont le crescendo criait l'urgence de l'injustice et la douleur des chocs d'identités, Anaïs Llobet nous offre ici un roman à la portée universelle, à l'échelle d'un territoire meurtri par des conflits sans fin et dont on oublie les histoires de celles et ceux qui y sont pris en otage. Il y est question d'identité, de pouvoir, de transmission, de mémoire, de perte. Mais aussi d'amour.

Et l'on découvre surtout l'incroyable histoire de Varosha, une ville située sur la côte orientale de Chypre, station balnéaire en vogue dans les années 70 avant l'invasion des turcs qui la transformèrent en ville fantôme. Les habitants furent expulsés, leurs maisons abandonnées, la zone entourée de barbelés et d'un no man's land. Une péripétie de plus dans le combat que se livrent Turcs et Grecs depuis la nuit des temps pour le contrôle de cette île, dans l'indifférence générale. Cette ville à l'abandon, une jeune écrivaine française l'observe derrière les barbelés. Son intérêt est renforcé lorsqu'elle fait la connaissance d'Ariana, serveuse au Tis Khamenis Polis (Le café de la ville perdue) où elle s'installe chaque jour pour écrire. Ariana est la fille d'Andreas dont les parents habitaient Varosha. Elle n'a jamais connu la maison du 14 rue Ilios et rêve du jour où la ville sera rouverte pour enfin la découvrir. Mais Andreas décide de vendre ce qui désole Ariana. Pour elle, ce sont bien plus que des pierres. Dans cette maison ont vécu ses grands-parents, Ioannis et Aridné. Un chypriote grec et une chypriote turque, bravant les antagonismes mais pas le destin qui leur fut tragique. Alors l'enquête de l'écrivaine fait peu à peu renaître ce passé, tandis que l'écho avec l'époque contemporaine ressemble à une impossible consolation face à l'absurdité.

Anaïs Llobet compose son roman comme un puzzle, alternant les époques et les points de vue, mêlant petite et grande histoire et ponctuant les chapitres d' interludes étonnants. L'ensemble est captivant, par la profondeur des personnages (inoubliable Aridné...), les éléments qui se glissent de façon fluide pour donner au lecteur un aperçu de la situation politique de l'île sans jamais prendre le pas sur le fil romanesque. Une atmosphère palpable, de soleil et de pleurs mêlés accompagne la lecture, charriant des siècles de tragédies. L'émotion jaillit de maints détails. Une photo accrochée aux barbelés et battue par le vent, le regard tourné en lui-même d'un vieil homme, le tatouage d'une adresse sur la peau, le goût d'un plat tant aimé. "Que restera-t-il de Varosha lorsque ses habitants auront fini de l'oublier ?" se demande la jeune française engagée dans l'écriture de son roman. Que peuvent les mots à part tenter de faire revivre et raconter inlassablement ? Quoi qu'il en soit, ceux d'Anaïs Llobet touchent au coeur, et offrent à Varosha et à Chypre l'écrin magnifique de la littérature. Et pourquoi pas, l'espoir d'une nouvelle vie.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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