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Citations sur La vie solide (53)

le bon travail, c'est celui qui dure dans le temps.

p.137
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Il faut dire que les erreurs sont des choses bien communes sur les chantiers. C'est la structure même de l'équipe qui veut cela, en faisant oeuvrer ensemble des charpentiers et charpentières de niveaux différents : apprentis, ouvriers et chefs d'équipe. Cette composition hétérogène en fait une structure de transmission permanente, et d'un type bien particulier : il y a un travail à accomplir ensemble, et à la fois d'importants écarts d'expérience et de savoir-faire. En tant qu'apprenti, on est donc amené à faire pour la première fois une opération que les autres ouvriers présents sur le même chantier ont déjà réalisé à des dizaines, voire des centaines de reprise. La confrontation, en situation réelle, à des tâches qu'on ne maîtrise pas encore est au coeur de l'apprentissage. Il est donc normal de faire des erreurs, de flinguer des pièces de bois. [...] Ces bévues sont souvent concentrées dans des parties du toit peu visibles, où les erreurs n'ont guère de conséquences : ce sont des recoins pour apprentis.
Les bons ouvriers se distinguent précisément par ce qu'ils savent estimer le savoir-faire des apprentis et leur confier des tâches adaptées. Les meilleurs peuvent lire chacun de vos mouvements, anticiper les difficultés, et même vous laisser faire une bêtise pour que vous compreniez mieux par la sanction de la matière. Car l'erreur est un mode d'acquisition privilégié des savoir-faire.

p.120
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Dans des métiers artisanaux, pourtant, les techniques évoluent lentement, et les compétences conservent une importante durée de vie. L'expérience y demeure donc absolument déterminante. Avec le temps et les situations vécues, on acquiert tout un répertoire de méthodes et d'astuces qui viennent enrichir, préciser et complexifier la pensée matérielle. On estime qu'il faut environ dix mille heures de pratique pour apprendre un métier, en médecine, en musique ou dans l'artisanat. En matière de charpente, c'est en effet le temps qu'il faut pour acquérir une vision d'ensemble des différentes situations qui peuvent se présenter et pour en maîtriser tous les détails. Cette durée correspond d'ailleurs aux quelque sept années de formation (l'apprentissage puis le Tour de France) qui sont traditionnellement nécessaires pour être reçu compagnon par une société compagnonnique.

p.102
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Plusieurs critiques de la modernité ont diagnostiqué, voire constaté, une destruction progressive de l'expérience. D'abord, parce que la durée de vie des compétences, et donc de l'expérience de leur pratique, tend à se réduire.

p.101
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La compréhension physique de la matière, dont on a déjà parlé, n'est pas le seul fait de la main. Elle naît de l'interaction constante entre le cerveau, la main et l'oeil, mais qu'on ne peut situer dans aucun de ces organes en particulier. Elle s'ancre dans le corps sous la forme d'un sentiment, d'une intime intuition. Et cette compréhension physique de la matière ne suffit pas : il faut l'articuler pour la transformer en un mode d'action. La compréhension devient alors une ensemble de savoir-faire.

p.99
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Au centre de formation d'Anglet, le petit groupe d'appentis avec qui j'ai appris le métier rassemblait une large palette de tempéraments. L'éventail s'étendait du bourrin qui ne taillait jamais son crayon parce que la charpente n'est qu'une affaire de grosses poutres jusqu'au fignoleur qui pouvait passer une demi-journée à poncer une pièce de bois destinée à disparaître dans un faux plafond. L'apprentissage consiste justement à s'adapter au niveau de précision utile. C'est à cela qu'on reconnaît un artisan d'expérience, et sans doute aussi tout professionnel expérimenté : pour chaque tâche de son répertoire, en fonction de chaque situation particulière , il sait estimer quelle précision est possible et souhaitable et, inversement, quelle marge d'imprécision est acceptable. Comme on dit sur les chantiers pour calmer les angoisses perfectionnistes de ceux pour qui rien n'est jamais assez bien : "Oh, t'emmerde pas, on travaille pas pour la Nasa !".

p.94
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Dans "L'Eloge du carburateur", Matthew B. Crawford a bien mis en évidence les bénéfices d'une telle confrontation au réel et à la matière. Développer une pensée matérielle et un rapport concret aux objets est une ressource mentale qui permet de quitter le seul point de vue du consommateur pour adopter celui du producteur. Comme le souligne ce philosophe universitaire reconverti dans la réparation de motos, "la capacité de penser en termes concrets aux choses matérielles est une capacité critique qui nous protège partiellement contre les manipulations du marketing, le quel détourne notre attention de la réalité des choses en déployant un récit qui repose sur des associations imaginaires."

p.90
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Quand on construit une cabane avec des branches ou des troncs d'arbre, les problèmes arrivent au moment où il faut faire tenir ensemble deux morceaux de bois. Disposer d'un morceau de corde ou d'un petit canif ne suffit pas : il faut connaître des noeuds, savoir tailler des encoches symétriques afin d'emboîter deux branches. Même les assemblages les plus simples demandent une certaine culture, une technique minimale.
Les assemblages, c'est donc le coeur technique de la charpente. Et il y a toujours un léger sentiment de déception, quand, pour des raisons techniques mais surtout financières, on doit recourir aux sabots, aux équerres, et à tous ces succédanés métalliques qui viennent priver de la joie fière de réussir un assemblage.

p.77
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Au-delà de cette symbolique ésotérique, apprendre les techniques du trait permet en effet de développer la vision dans l'espace. C'est une qualité essentielle et indispensable en charpente que cette aptitude à se représenter mentalement une structure encore inexistante, à l'atelier pour organiser la taille, comme sur le chantier pour séquencer correctement le montage. Et l'apprentissage du trait développe cette agilité mentale qui rend capable d'envisager la totalité d'un édifice à construire dans son ampleur et sa complexité, tout en visualisant précisément chacun des points de rencontre entre des pièces de bois - là précisément où se nichent les problèmes.

p.70
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"Les gestes, ils sont toujours ancrés en moi."
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