Le manifeste lesbien

La différence des sexes résulte d'une construction sociale « que le pouvoir straight s'évertue à faire passer pour naturelle ou essentielle. » Pauline Londeix indique, à très juste titre « nous considérons que les problématiques que soulèvent ces identités ne sont pas minoritaires, mais universelles ». L'auteure interroge, en partant du constat que le mot ”lesbien” est « systématiquement accolé au mot ”gay” : ”gay et lesbien”. Mais où sont les lesbiennes ? »

Elle souligne aussi que « Lutter contre l'aversion et les discriminations dont sont victimes spécifiquement les lesbiennes ne se résume pas à lutter uniquement contre le sexisme et l'homophobie » et insiste sur la nécessité pour les lesbiennes « de partir de la non-mixité » pour mieux rejoindre ensuite celui des autres minorités, la majorité exploitée.

Dans une courte introduction historique, Pauline Londeix, retrace l'irruption du mouvement féministe et homosexuel : publication de le Deuxième sexe de Simone de Beauvoir, création du MFA (féminin, masculin, avenir), manifeste des 343 femmes qui déclarent avoir avorté illégalement, mouvement de libération des femmes (MLF), Front homosexuel d'action révolutionnaire (FHAR) en insistant sur la place des lesbiennes, sida et création d'Act-Up, associations LGBT dont la Coordination des lesbiennes de France (CLF). L'auteure montre qu'en France « les gays et les lesbiennes sont toujours privés d'une égalité des droits sur le plan juridique. »

La première partie de l'ouvrage « Lesbophobie ou invisibilité » me semble la plus importante, car l'auteure aborde des sujets rarement discutés largement. Un premier chapitre est consacré à « La lesbophobie ». Je n'en signale que deux dimensions : la norme socialement construite mais présentée comme ”naturelle” de l'hétérosexualité et la pression et l'injonction sociale à l'invisibilité pour ceux et celles qui ne se conforment pas à cette ”norme” et en particulier les lesbiennes. « Pour une lesbienne, l'hétérosexisme, c'est l'expérience quotidienne et le sentiment permanent de ne pas être dans la norme, d'être anormale, inférieure moralement, c'est donc évoluer dans la difficulté de s'affirmer, de trouver sa place et de s'imposer, si ce n'est dans la culpabilité d'être ». le second chapitre aborde « La santé lesbienne », le suivant « Lesbiennes vs pédés ».

A juste titre, l'auteure insiste sur la nécessité de développer des analyses matérialistes. Cela ne dispense pas d'élaborer des réponses politiques qui ne découlent pas, ”par nature” d'un positionnement matérialiste comme le suggère Pauline Londeix sur la pornographie ou la prostitution.

La seconde partie présente « Les homos dans le monde », dont « l'activisme lesbien ».

Dans la troisième partie « Les revendications », l'auteure traite de l'égalité des droits, dont l'accès au mariage et à l'adoption, « La trans'-identité » dont les questions de l'intersexualité et les revendications féministes. Sous le titre « Les enjeux », Pauline Londeix critique les théories ”postmodernes”, revient sur la nécessité de la non-mixité et montre l'importance du lien avec les autres minorités.

Au delà de désaccords politiques avec l'auteure ou avec ses expressions, il me semble important de faire connaître les thèses ce « manifeste lesbien ».

A lire en compléments possibles, Monique Witting : La pensée straight, réédition aux éditions Amsterdam (Paris 2007) et Christine Delphy : L'ennemi principal, Syllepse (Paris 1998).