Citations sur Le chant de la rivière - Reflets dans un oeil de corbeau (6)
Nous dansions, le plus souvent. Et, le soir, je racontais des histoires. Notre façon de nous désirer se changea en danse et en histoires, et la passion s'empara de nous profondément, nous laissa enlacés et protecteurs.
Les oiseaux m'attristent et je porte dans mon coeur ce chagrin absolu, un chagrin si profond qu'à la première lueur du jour, quand je tremble comme des joncs qui claquent dans un vent d'automne, je ne sais pas si c'est de froid ou à cause de ce chagrin, si je suis seulement capable d'éprouver une telle bonté.
Le jour étreint le désert comme un soldat tombé. J'ai chaud. Je suis sur le qui-vive pour n'importe quelle lumière. Je suis persuadé que quelque part là-bas il existe un endroit où tu peux plonger tes regards dans le cœur de la terre. L'éclat de la lumière y est si intense que tes yeux s'y brûlent comme la sève dans le feu. Mais je ne l'approche pas. Je passe. J'aime à penser que si j'en ai besoin, rien qu'avec une pelle et une petite bêche, je peux creuser et rappeler le jour.
Le soir, je descends et je reste debout parmi les arbres, dans une lumière tombée en arrêt exactement sur les feuilles, comme si le changement dans la rivière, ici, n'était pas seulement connu de moi, mais redouté. Les choses n'avaient pas commencé ainsi ; j'ai commencé dans une ignorance de la pire espèce, par les investigations les plus grossières. Maintenant, je demande très peu. J'observe le mouvement vif de l'eau traversant le peuple des poissons à mes pieds. Je me demande, secrètement, s'il y a pour eux, comme il y a pour moi, des moments de foi.
Il est possible que j'aie tort. Il est impossible de parler avec certitude de beaucoup de choses.
Je commençai chaque jour ainsi, comme s'il était le dernier. Je sais que les derniers jours seront ici, où le soleil rencontre à l'improviste l'océan, et que je verrai dans un mouvement d'oiseaux de mer, et entendrai dans le bruit de l'eau battant la terre, ce que maintenant je ne peux qu'imaginer, que l'océan a une tristesse qui dépasse même la tristesse des oiseaux, que lorsque les rivières se jettent en lui, c'est avec le sanglots de la terre, qui pleure ce qui est perdu.