Un recueil en deux parties : la première autour de la rivière, la seconde aux confins d'un désert.
Un recueil pour se reculer du monde, découvrir d'autres paysages, écouter d'autres voix. Dans ces pages, on ne reçoit que la visite d'oiseaux, de cerfs, d'ours, de serpents, des saumons étincelants et autres animaux sauvages. On ne rencontre que très peu d'humains, encore ont-ils un lien avec l'imaginaire, un fil qui les relient à un monde plus subtil ou à l'opposé, ne sont-ils évoqués que pour leurs actes qui malmènent la nature.
La rivière comme comme une sylphide tout en gouttelettes, tout en ondulations. Elle étreint le héron, l'hôte de ses bords, oiseau immobile attentif et parfois cruel. le génie des lieux.
La rivière comme une finalité, un exutoire : celle qui engloutit les chagrins, les peurs. Celle à qui on confie les tourments, certain si elle les recèle, qu'ils disparaîtront.
La rivière qui vit, parle, meurt, donne la vie et la reprend.
Le désert, lieu de recueillement, accompagne l'examen de soi. Il abrite des peuples aux habitudes de vie inconnues, incompréhensibles, des animaux qui se questionnent sur la bonne volonté des hommes. Il ralentit le temps, laisse celui qui ose y pénétrer écouter le sable qui glisse dans le sablier. Il reprend le territoire qu'on lui a dérobé, grignote ruines et vestiges de ce qui est abandonné comme on effacerait des souvenirs qu'on préfère oublier.
Des récits très courts, dans une langue poétique, imagée, créant sensations et jeux de lumière. C'est très beau à lire, parfois un peu hermétique, la clef d'entrée dans ces mondes demande beaucoup de patience et une nécessité de relecture.
Un très beau livre qui ne se raconte pas, qui doit être découvert doucement pour en appréhender toute la sensibilité.
Un recueil presque pour méditer sur ce monde qu'on habite, qu‘on effleure sans réellement le connaître, sans réellement le comprendre.
Un recueil pour permettre comme le dit un des personnages de "savoir ce qu'il faut faire pour éviter l'inutile".
(Mai 2021)
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Nous dansions, le plus souvent. Et, le soir, je racontais des histoires. Notre façon de nous désirer se changea en danse et en histoires, et la passion s'empara de nous profondément, nous laissa enlacés et protecteurs.
Les oiseaux m'attristent et je porte dans mon coeur ce chagrin absolu, un chagrin si profond qu'à la première lueur du jour, quand je tremble comme des joncs qui claquent dans un vent d'automne, je ne sais pas si c'est de froid ou à cause de ce chagrin, si je suis seulement capable d'éprouver une telle bonté.
Le soir, je descends et je reste debout parmi les arbres, dans une lumière tombée en arrêt exactement sur les feuilles, comme si le changement dans la rivière, ici, n'était pas seulement connu de moi, mais redouté. Les choses n'avaient pas commencé ainsi ; j'ai commencé dans une ignorance de la pire espèce, par les investigations les plus grossières. Maintenant, je demande très peu. J'observe le mouvement vif de l'eau traversant le peuple des poissons à mes pieds. Je me demande, secrètement, s'il y a pour eux, comme il y a pour moi, des moments de foi.
Le jour étreint le désert comme un soldat tombé. J'ai chaud. Je suis sur le qui-vive pour n'importe quelle lumière. Je suis persuadé que quelque part là-bas il existe un endroit où tu peux plonger tes regards dans le cœur de la terre. L'éclat de la lumière y est si intense que tes yeux s'y brûlent comme la sève dans le feu. Mais je ne l'approche pas. Je passe. J'aime à penser que si j'en ai besoin, rien qu'avec une pelle et une petite bêche, je peux creuser et rappeler le jour.
Je commençai chaque jour ainsi, comme s'il était le dernier. Je sais que les derniers jours seront ici, où le soleil rencontre à l'improviste l'océan, et que je verrai dans un mouvement d'oiseaux de mer, et entendrai dans le bruit de l'eau battant la terre, ce que maintenant je ne peux qu'imaginer, que l'océan a une tristesse qui dépasse même la tristesse des oiseaux, que lorsque les rivières se jettent en lui, c'est avec le sanglots de la terre, qui pleure ce qui est perdu.