Je ne pense pas que le mal, quel qu'il soit, puisse être vaincu par la brutalité, la torture ou l'asservissement ; il ne peut l'être que par quelque chose qui ne soit pas le produit du mal. La guerre est le résultat de notre soi-disant paix, qui n'est faite que de brutalité, d'exploitation, d'étroitesse d'esprit, etc., se répétant chaque jour. A moins que nous ne changions notre vie quotidienne, nous ne pourrons prétendre à la paix ; les guerres ne sont que l'expression spectaculaire de notre comportement de tous les jours. Je ne pense pas avoir fui l'horreur ; je pense simplement que la violence n'offre pas de solution, de solution ultime, quel que soit celui qui l'exerce. J'ai trouvé la solution à tout cela, non pas dans le monde, mais en retrait de lui. Par le détachement, le vrai détachement, celui qui vient lorsqu'on est ou tente d'être (mot manquant), d'aimer et de comprendre. Cela est très ardu et pas facile à cultiver.
La méditation est un des arts majeurs dans la vie, peut-être « l'art suprême », et on ne peut l'apprendre de personne: c'est sa beauté. Il n'y a pas de technique, donc pas d'autorité. Lorsque vous apprenez à vous connaître, observez-vous, observez la façon dont vous marchez, dont vous mangez, ce que vous dites, les commérages, la haine, la jalousie— être conscient de tout cela en vous, sans option, fait partie de la méditation. Ainsi la méditation peut avoir lieu alors que vous êtes assis dans un autobus, ou pendant que vous marchez dans un bois plein de lumière et d'ombres, ou lorsque vous écoutez le chant des oiseaux, ou lorsque vous regardez le visage de votre femme ou de votre enfant.
Quand l’homme percevra le mouvement de sa propre conscience il verra la division entre le penseur et la pensée, l’observateur et l’observé, l’expérimentateur et l’expérience. Il découvrira que cette division est une illusion. Alors seulement apparaît la pure observation qui est vision directe, sans aucune ombre provenant du passé. Cette vision pénétrante, hors du temps, produit dans l’esprit un changement profond et radical.
Leadbeater, une figure éminente de la Société Théosophique, se disait clairvoyant. S'il choisit Krishna c'est à cause de son aura qui lui paraissait belle, dépourvue de toute trace d'égoïsme. Du reste, l'apparence physique du garçon aurait difficilement pu être le mobile de son choix ; Krishna était sale, décharné, avait des dents mal plantées, des cheveux rasés sur le devant de la tête (ainsi que le voulait la coutume brahmanique), le regard vide, un air presque hébété. En outre, il souffrait de bronchite chronique, et les multiples accès de paludisme ayant jalonné les premières années de sa vie le faisaient paraître frêle et maladif. Mme Annie Besant, Présidente de la Société Théosophique, se trouvait en Europe au moment de la « découverte », mais elle ne tarda pas à en être informée par Leadbeater. Mme Besant avait eu, elle aussi, des pouvoirs métapsychiques, pouvoirs auxquels elle avait renoncé à un moment en sorte de se consacrer davantage au combat dans lequel elle s'était engagée: l'indépendance de l'Inde. Pour les questions occultes, elle avait décidé de s'en remettre entièrement à Leadbeater.
Il était prévu que quelque soixante-cinq personnes de diverses nationalités y participassent. Lady Emily ne fut pas du nombre ; son âge avancé, estimait-elle, ne lui permettait plus de participer à des rencontres ou des camps. Vers la fin de septembre, K se rendit à Paris où il fut l'hôte de Carlo et de Nadine Suarès. Carlo Suarès était Espagnol et sa femme Egyptienne. K les connaissait depuis 1927 et leur amitié n'avait cessé de croître. A cette époque Suarès avait déjà traduit plusieurs livres de K en français. A Paris, K avait une autre amie: Marcelle de Manziarly. Il rencontra celle-ci en 1920, alors qu'elle avait dix-neuf ans. Marcelle était excellente musicienne, élève de Nadia Boulanger, interprète (elle jouait du piano) et compositeur. De tous ceux encore en vie elle est sans doute la seule à être restée sa fidèle adepte pendant soixante ans. La sœur aînée de Marcelle: Mima Porter, dont le mari était décédé et qui était elle aussi très amie avec K à cette époque, avait acheté une maison à Ojai en 1930.