Elles

Chaque bruissements de feuilles à l'extérieur, chaque ronron de moteur sur la route alimentait ma paranoïa.

Je pleurais autrefois, mais c'était dans une autre vie. Mon coeur a été brisé une fois. Intégralement.

Ne pas avoir de nom est dangereux. Un faux pas, quelqu'un s'avise que vous n'êtes personne et, finalement on découvre qui vous êtes vraiment.

Ce qui me plaisait dans l'idée de séjourner dans ces camps, c'était de loger dans un endroit disponible. Les portes des cabanes ne fermaient pas à clé. Je ne lésais personne. Je me servais de quelque chose qui n'était pas utilisé. Une forme de recyclage.

Ça faisait des années que je me coupais les cheveux moi-même. Non par souci d’économie, ni parce que j’étais particulièrement douée, mais parce que assise sur le fauteuil du coiffeur et en butte à ses questions, j’avais toujours l’estomac noué.

Ma mère était une obsédée des horoscopes. Jamais je n’y ai cru, sans doute parce que j’étais poissons, ce qui évoquait une méduse sans le piquant. Rétrospectivement, c’est peut-être exactement ce que j’étais.

J’ai appris à tirer des pintes et à mélanger les cocktails, même si on nous en demandait rarement dans notre modeste établissement. Ma vie se bornait à peu près à ça avec Frank. Nous n’avons pas eu d’enfants. J’ai fait ce qu’il fallait pour l’éviter.

Il m’a embrassé le cou, puis les lèvres et a roulé sur le dos, attendant que je donne le signal. C’était son habitude. Il fallait toujours que ce soit moi qui prenne l’initiative… C’est moi qui avais commencé. Alors je continuais, et aujourd’hui, c’est moi qui mettais un point final.

Honnêtement, si j’avais su quel type de ronfleur il allait devenir, jamais je ne l’aurais épousé. Si je pouvais tout recommencer, jamais je ne l’épouserais, même avec un sommeil d’ange. Si je pouvais tout recommencer, il y a beaucoup de choses que je ferais différemment.

J'ai l'impression que le monde avance, que des vies sont vécues et que moi je suis coincée ici, dans une demi-vie qui ne sera jamais rien d'autre.
(...)
Nous vivons tous des demi-vies. Tu n'es pas la seule.