C’était ce qu’elles appelaient le Likelemba, un système de crédit sans taux d’intérêt fondé sur l’honneur, la parole, la confiance réciproque et une véritable amitié.
Tu es un morceau de bois sec emporté par le courant de tes illusions, et tu ne pourras plus éviter ce quatrième jour de tes funérailles, c’est-à-dire ton dernier jour sur terre, incontestablement le plus important car, si tu avais un mot à dire, il faudrait le prononcer là, après ce sera fini. Pour de bon…
"À NOTRE SŒUR AIMÉE, QUE SON ÂNE REPOSE EN PAIX "
Est-ce la sœur qui est enterrée ou bien son âne, t'interroges-tu faussement ? À moins que, comme tu perçois les choses à l'envers-la seule anomalie qui te résiste depuis le matin-, les "m" remplaceraient dorénavant les "n" et vice versa ? Et pourquoi donc "aimée" est bien accordé au féminin ? Au fond, ce n'était peut-être pas "sœur aimée" qu'on avait l'intention d'écrire, mais "sœur aînée". Tu te consoles dans ce sens, une façon d'accorder le bénéfice du doute à la famille de cette pauvre sœur aimée, ou aînée...
Deux tombes plus loin, et c'est certainement celle qui retient le plus ton attention car tu considères son épitaphe comme la plus ambiguë et la plus humiliante de toutes celles que tu as lues jusqu'à présent, tu lis :
"S'IL GÎT, LE DRH PROSPER MILANDOU RESTERA DANS NOS CŒURS "
Que je te dise, on compte au Frère-Lachaise des maîtres d'école, des profs de français, de grec, de latin, des licenciés si calés qu'on se demande pourquoi ils sont morts au lieu de rester chez les vivants pour répandre leur intelligence!
C’est pitoyable de tomber sur des gens qui meurent et qui ne savent pas ce qu’il faut faire après.
– De vraies crapules, les hommes ! Ils sont contents de tirer leur coup dans la nuit, et le jour, devant leurs responsabilités, ils prennent la fuite, on dirait des rats palmistes qui ont senti de la fumée dans la brousse...