Deuxième texte de Ian
MacLeod, encore dans l'univers des Dix Mille et Un Mondes, et encore magnifique.
L'esthétique d'Isabel des Feuilles Mortes est similaire à celle de
Poumon Vert. C'est la qualité qui ressort avant tout du récit : une esthétique exotique, nimbée de Moyen-Orient et d'Inde, portée par une plume riche et poétique, qui nous amène ailleurs, dans un endroit où l'on ressent à nouveau le sens du mot « beau ».
A lire cette nouvelle, il semble que les caractéristiques du monde de Jalila découvert dans
Poumon Vert – ses racines orientales, sa rareté en hommes – puisse en fait qualifier l'univers humain entier. Nous sommes ici sur Gezira, mégapole insulaire des Dix Mille et Un Mondes, sûrement très loin de Jalila, et pourtant les deux appartiennent clairement à la même culture.
Une différence notable : la prédominance sur Gezira d'Églises qui ont cristallisé dans un essaim de rituels et maintenu actifs les anciens avatars de ce que l'on devait nommer la science. Des Églises tout aussi strictes que celles que l'on connait dans notre réalité. Et c'est l'histoire d'un écart par rapport aux dogmes, sans conséquence à nos yeux, que nous confie l'auteur ; un écart qui multiplie par dix la beauté du tableau qu'il nous dépeint, qui l'anime par la danse et par le chant.
Tout cela est tellement magnifique, utopique, que la réaction des Églises apparaît par contraste d'une violence insoutenable, d'une horreur inouïe. D'une façon que j'ai ressentie comme inique, les Églises vont se réapproprier cet « écart », l'intégrer, le légendifier, me laissant un goût amer, amer mais délicieux, dans la bouche.
En deux textes courts,
Ian R. MacLeod se classe parmi les plus belles plumes de mon panthéon personnel. Il est presque dommage qu'il soit estampillé du genre « mauvais » de l'imaginaire. Ce texte paraissant en littérature blanche pourrait attirer un très large public, et ce serait mérité.