Comme toujours je commencerais par dire merci à masse critique pour m'avoir permis de découvrir ce livre.
C'est typiquement le genre de livre que je n'aurais jamais lu ! très scientifique, une histoire de transplantation homme/gorille .... j'avoue je me suis connectée qu'a 10h30 le choix était donc réduit, alors comme le résumé me faisait rire je me suis dit aller on tente !
Mais cette lecture est une belle surprise, j'ai apprécié l'histoire, l'écriture est simple et compréhensible, on comprend très bien que c'est un livre scientifique notamment à cause du vocabulaire employé. La couverture est elle aussi très scientifique le papier millimétré sur le fond de la couverture m'a bien fait rire.
L'histoire est originale, un homme se retrouve coincé dans le corps d'un gorille suite à une transplantation du cerveau. On cherchera a savoir ce qu'il s'est passer pendant une grande partie du livre. Roland, devenu gorille se souvient de sa vie d'humain, notamment de sa fiancée violette, car oui il y a une légère histoire d'amour.
Mais finalement ce qui est le plus intéressant c'est le point de vue scientifique l'idée qu'un cerveau représente "l'âme" d'une personne et que finalement nous sommes coincés dans notre corps.
Petit bémol, l'histoire est devinée dès le début, j'ai tout de suite compris l'intrigue, il n'y a pas de réel surprises au cours de la lecture ce qui est un peu dommage.
Bref c'est une jolie découverte je suis contente d'avoir été sélectionnée pour lire ce livre. Si c'est un sujet qui vous intéresse où si vous voulez découvrir quelque chose de nouveau je vous le conseil.
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Dans la portière d’un wagon de première classe, une silhouette s’encadra ; une main empoigna solidement la barre de cuivre verticale, destinée à faciliter la descente ; un pied s’engagea entre elle et la paroi et l’homme, soudain se précipitant hors du wagon, demeura suspendu dans le vide, accroché à la barre et se balançant.
Un cri jaillit de la bouche de Violette.
— Roland !
C’était bien Roland Missandier, en effet, mais combien étrange d’aspect et d’attitude !
D’abord, il avait fait un mouvement comme pour sauter à terre. Mais, frôlé, presque heurté par le défilé incessant des voyageurs pressés, il s’était rejeté en arrière et, cramponné peureusement à la barre de cuivre, il contemplait le va-et-vient avec une sorte d’effroi indécis.
Ses yeux semblaient égarés : sa face, agitée de tics nerveux, se convulsait en effroyables grimaces. Ses lèvres se retroussaient en un rictus qui n’avait rien d’humain ; parfois, la mâchoire inférieure se détendait et tombait, puis, dans une brusque contraction des muscles, elle remontait et les deux rangées de dents, violemment rapprochées, faisaient entendre un claquement sec.
C’était étrange et encore plus effrayant.
Mais, le regard surtout, faisait frissonner – un regard hallucinant, de bête ou de démoniaque ; un regard morne et fou, sans expression, sans intelligence, où se succédaient en éclairs des effrois et des colères sans suite comme sans cause apparente.
Ces yeux-là voyaient, mais ne comprenaient point ; ils n’exprimaient que des lambeaux d’impressions, éparses et spontanées, brèves, chaotiques, heurtées, naissant et s’éteignant sans lien avec le passé, ni l’avenir. Il n’y avait en eux que du vertige et du vide.
Certes ! c’étaient les yeux de Roland. Mais sans la pensée de Roland.
Il n’aurait point suffi de dire qu’ils ressemblaient à des yeux d’aliéné. On ne pouvait les comparer à rien, car jamais semblable regard n’avait paru dans des yeux d’homme.
Et c’était cela qui épouvantait. [...]
Il eût été logique de supposer que ce primitif, que cette bête entraînée aux attitudes humaines bien plus par la contrainte que par goût, devait, une fois seule, revenir à sa nature, reprendre ses habitudes d’animal, en un mot redevenir singe.
Chose étrange, il n’en était rien.
Le gorille était assis sur la chaise ; un de ses bras démesurés accoudé sur la table, supportait sa tête, dans une pose méditative.
Quand il se tenait debout, sa taille devait dépasser celle de l’homme ; mais, plus large de poitrine, il avait une apparence massive ; ses bras étaient longs et énormes, ses jambes très courtes. Son corps formidable, couvert de poils noirs longs et rudes, ne paraissait point gêné par le complet qu’il portait comme à la scène : son crâne allongé – dolichocéphale – dont la face prognathe, à haute crête et à arcades sourcilières saillantes semblait le prolongement, sortait d’un col largement échancré.
Sa pose était d’une humanité frappante ; mais ce qui ensuite, étonnait et retenait l’attention c’était l’expression des yeux, extraordinairement intelligents, lucides même, en même temps que profondément tristes. Il y avait en eux de la souffrance et du désespoir.
Le regard errait dans le vague, à la façon de l’être qui songe : mais, parfois, il rencontrait l’énorme main velue, posée à plat sur la table. Alors le gorille frémissait des pieds à la tête ; ses yeux reflétaient l’horreur et l’effroi, et soudain, d’un geste convulsif, il saisissait entre ses mains son front – ou plus exactement ce qui eût été la place de son front s’il avait été un homme – et il l’étreignait en poussant un long gémissement plein d’une détresse indicible.
Après ces explosions de désespoir, il se relevait brusquement et se mettait à marcher tout autour du cabinet, en faisant, avec ses longs bras, des gestes insensés et en roulant des yeux égarés.
Était-ce la bête qui reparaissait en lui ?
Non ! Car, même alors, son attitude n’avait rien de simiesque. Au lieu de marcher à quatre pattes ou d’avancer, le corps courbé vers le sol, à la façon de ses congénères, il se redressait, autant que le lui permettait sa conformation, et même davantage, comme si un exercice journalier, qui n’avait pu être que volontaire, l’avait rapproché du type humain.
Cette nouvelle crise durait quelques minutes ; puis, lassé ou calmé, il retombait sur sa chaise et s’abandonnait, prostré, à ses éternelles méditations. [...]
Ces éminents vivisecteurs, accoutumés à épier les tressaillements de douleur de leurs « sujets », à suivre à travers la matière palpitante le fil conducteur des nerfs qui les menaient jusqu’au siège de la pensée – les centres supérieurs – à démontrer, en quelque sorte le mécanisme de la vie consciente – ou tout au moins sensible –, dans l’espoir d’en surprendre le secret, lisaient comme dans un livre ouvert dans les yeux du singe. Impitoyables, parce que la science expérimentale exige qu’on fasse abstraction du facteur douleur, ils suivaient avec un prodigieux intérêt les tortures du gorille : elles étaient pour eux les manifestations prévues, attendues même, de phénomènes d’ordre purement scientifique. Ils étaient aussi froidement attentifs que dans leur laboratoire devant les réactions successives révélant la composition chimique du corps analysé.
Épaule contre épaule, leurs deux têtes se frôlant, ils échangeaient leurs réflexions à voix basse, sans quitter des yeux le gorille.
— C’est bien lui ! répétait de temps à autre le professeur Fringue.
— C’est bien lui ! confirmait la tête du docteur Clodomir, en s’agitant de haut en bas.
— Remarquez les transformations déjà subies par le corps, dont le cerveau a violenté les habitudes. La taille s’est redressée ; le port de la tête n’est plus le même ; les articulations des genoux se sont disloquées pour permettre des attitudes nouvelles. La flamme du regard, reflet d’une activité intellectuelle, a suffi pour enlever à la face son caractère de bestialité. Une loi s’impose, mon petit Silence : l’influence cérébrale domine l’être et détermine son caractère physique. La forme n’est qu’une adaptation de la matière selon le vœu du cerveau. Cette adaptation commença au début des espèces ; elle est devenue spontanée et parfaite dès la naissance par suite des lois ataviques ; mais elle doit être lentement modifiable et nous le prouverons par une suite raisonnée d’expériences à laquelle celle-ci servira de point de départ.