Plus confus que jamais, il apprit à être pudique, à maitriser ses émotions et à être navré lorsqu’il commettait une faute. Elle incita alors le cheikh à lui épargner d’inutiles études qui eussent été au-delà de ses moyens. Elle détestait les pédants qui avaient toujours un verset opportun à citer. Elle voulait qu’il fût sien et craignait qu’il ne se rebelle ; or la vie lui avait appris que si un peu de religion est utile, trop ne peut qu’apporter des déboires. Elle observait avec satisfaction le désir croître en lui en même temps que le supplice intérieur, la pudeur et la peur, puisque désormais son cœur faisait une place égale au désir et à la dévotion.
La terrasse de la maison est le royaume de la liberté absolue. Elle a pour plafond le ciel des quatre saisons, avec ses couleurs changeantes. A l'horizon, parmi les multiples coupoles et les minarets, solitaires ou appariés, trône, tel une jeune mariée avec sa taille fine et élancée, le minaret d'El-Hussein.
Il se complaisait dans l’amour, dans les nuits magiques qui fondaient dans les verres de cannelle et de gingembre comme autant d’invitations au voyage vers des univers merveilleux.
Elle aimait ses regards voraces, animaux, son langage silencieux et obscène à la fois, elle aimait le voir tourner autour d’elle comme un fou, sans aucune pudeur, au point qu’elle pensa : « Il va falloir le dégrossir. » Sa force inébranlable elle-même était secouée par l’impétuosité de sa sensualité débridée, et elle eut peur qu’il lui arrive quelque mal entre ses mains mues par la violence aveugle de l’innocence. « Je sais tenir les hommes en respect, se dit-elle encore, mais je ne sais pas traiter avec les ouragans. » On eût dit le désir fait chair, errant dans une forêt de rebuts de métal.