Dans ma prétention à la vouloir pour moi, je me sentais comme quelqu'un qui hérite d'un diamant de cent carats et qui n'a pour le conserver qu'un vieux mouchoir ou un fond de tiroir encombré, à l'exemple de ce minable bureau où nous nous retrouvions et où j'avais bien plus honte de lui proposer de venir qu'elle de m'y accompagner.
Un jour, elle ouvrit lentement sa chemise en me regardant d'un air équivoque, mais le craquement d'un des gigantesques meubles, buffet, dressoir ou armoire, nous rappela soudain à l'ordre, comme si la douairière, partie avec son chauffeur et sa dame de compagnie,avait délégué à son fabuleux décor le soin de nous interpeller au moindre écart de conduite.
Mais en définitive, qu'avais-je à faire de tout cela, qu'avais-je à faire de tant de moyens, d'argent et de biens si je ne pouvais posséder Monde ?
Bientôt les vieux rêves d'action et de poésie dans l'action se remirent à me tarauder dans mon ennui d'industriel.
"Et vous pensez qu'elle l'aime, Mathilde Sabbagh?" ai-je demandé.
"Pas besoin de l'aimer, a répondu l'aînée, il est aux petits soins pour elle, il a acheté toutes les hypothèques et les a rendues à ses parents." J'ai répondu qu'il avait donc acheté Mathilde, en quelque sorte.