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EAN : 9782330183769
272 pages
Actes Sud (04/10/2023)
3.72/5   94 notes
Résumé :
Un spécialiste libanais de l’archéologie orientale est invité dans le nord de l’Irak par un certain général Ghadban à expertiser diverses pièces antiques. Il est reçu au milieu de plantations qui sont comme une oasis dans le désert, un îlot hors du temps, où il attend son mystérieux hôte en méditant sur la splendeur des paysages et sur l’origine des pièces qu’il soupçonne d’être liées à un important trafic d’art. Mais en ce début d’été 2014, à la veille du déferleme... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (17) Voir plus Ajouter une critique
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Rafael est un archéologue libanais considéré comme une sorte d'Arséne Lupin un peu snob de la vente d'antiquités. Il est sollicité par Gadbahn, un militaire irakien de haut grade pour faire une expertise de pièces antiques trouvés au Nord de l'Irak. Même si cette sollicitation lui semble louche , son amour et sa curiosité pour tout ce qui est beau et antique vont le pousser à se rendre début été 2014, en Irak du Nord dans un oasis dans le désert où stationne l'unité du dit Gadbhan. L'endroit semble un trou perdu d'un calme et d'une sérénité époustouflante, alors qu'il se trouve dans une zone extrêmement dangereuse.....les milices djihadistes ne sont pas loin, ni les forces kurdes, la région est un brasier.
A travers le personnage de Rafael c'est Majdalani qui s'exprime sur la situation au Moyen Orient et en Irak y donnant sa propre vision de l'Histoire géopolitique du monde, où, selon lui le hasard et l'imprévu jouent un rôle important et ont des impacts cruciaux en majorité destructeurs sur la suite des événements et de leurs fins, si fin existe puisque rien ne s'arrête. J'ai presque envie d'y croire , quand je pense comment s'est déclenché l'invasion de l'Irak par les Américains et la mise à mort de Saddam , une marionnette de la CIA qui a finit par se prendre au jeu du pouvoir qui lui a été octroyé par ces derniers, qui une fois sa mission terminée ont décidé de l'éliminer au prix de l'annihilation du pays.
A travers ce trafic d'antiquités dans cette région, grande source de revenus pour toutes ces organisations de lutte armée, l'auteur dénonce aussi les alliances qui changent au gré des intérêts immédiats . Quand il s'agit d'argent personne n'a de scrupules pour coopérer avec l'ennemi. En l'occurrence ici une organisation de l'Etat islamique peut clandestinement négocier sans problème avec l'armée officielle iraquienne. Quand aux acheteurs......Des relations intrinsèques compliquées , où éthique, foi, moral, logique n'ont aucune place, alors qu'en occident on développe des théories pour comprendre des situations sans queue ni tête, la plupart du temps improvisées au gré du cours des événements . Et justement dans notre histoire surgit aussi l'imprévu alors que Rafael s'aperçoit qu'il va être utilisé comme un simple pion.....

Un roman époustouflant aux multiples facettes, sur fond d'une nature grandiose aux portes du désert, qui nécessite pour sa pleine appréciation un minimum de connaissances sur les événements qui suivirent la chute de Saddam en Irak. Outre, l'auteur nous restitue parfaitement l'état d'un pays aux vies précaires sans maître et sans lendemain , qui avance vers le précipice comme une voiture sans pilote, « .....L'avenir, même immédiat, restait suspendu, et toute activité semblait artificielle, comme s'il fallait continuer à aller et venir, mais sans conviction, et juste pour faire passer l'instant jusqu'au suivant puis au suivant encore, et ainsi de suite jusqu'à ce que la catastrophe arrive... ».

Je suis une inconditionnelle de Majdalani, dont tous les livres sont à mon avis à lire.
Ce dernier à la photo de couverture grandiose, qui se lit comme un thriller ne manque pas à la règle.

« Incapables d'admettre que l'Histoire n'avance qu'à tâtons, que ses acteurs jouent à colin-maillard avec les événements alors que nous les croyons toujours dans une brillante partie d'échecs, nous essayons de donner cohérence aux faits en reproduisant les affabulations télévisées ou cinématographiques qui nous inondent et qui finissent par transformer notre manière de voir la réalité, à l'instar de ce qui se produisait au moment du déclenchement de l'épidémie de Covid qui me tint cloîtré chez moi durant des mois, et que les esprits retors mettaient sur le compte d'invraisemblables complots et de sournois conflits économiques. »
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« Lorsque j'ouvrais la porte-fenêtre, le rideau soudain prenait le large et me précédait à l'extérieur avec une lenteur cérémonieuse, porté par l'air chaud du matin, gonflé d'une joie silencieuse. Pour sortir au grand jour, il fallait alors m'en dépêtrer, comme de la toile d'entrée d'une tente. Je faisais ensuite mes premiers pas de la journée sur la terrasse. J'avançais jusqu'à la rambarde rouillée contre laquelle je me tenais, devant les vergers fatigués, en face des montagnes diaphanes, encore noyées dans la lumière du soleil qu'elles cachaient et qui allait se lever derrière elles. Il faisait déjà très chaud et bientôt j'entendais, en bas, les pas du directeur de la coopérative, l'homme à la garde de qui étaient ces plantations avant que ne s'y installent les militaires et qui continuait malgré leur présence à agir comme il l'avait toujours fait, à courir ses maigres vergers, à parcourir les terres difficilement préservées contre la progression du désert, à sillonner les canaux d'irrigation envasés, bouchés, inutilisables, à moins qu'il n'exagérât son zèle pour rappeler qu'il était le maître ici, avant l'arrivée de la troupe ».

Avril 2014, en voiture dans les embouteillages de Beyrouth, Rafael reçoit un singulier appel d'un interlocuteur à l'accent des Emirats ou d'Irak. Brillant archéologue reconnu comme l'un des plus éminents spécialistes de l'objet antique, habitué à être sollicité par des particuliers plutôt louches, Rafael avait appris, poussé par l'aventure, la curiosité artistique et archéologique, à répondre positivement à des invitations de contrebandiers, voire de mafieux de tous ordres. Pléthore d'objets anciens magnifiques circulaient frauduleusement et Rafael n'hésitait pas à transgresser sa conscience lorsqu'il avait le sentiment de servir une cause juste. Sa réputation le précédait mais aussi les potins. Qu'à cela ne tienne, Rafael après s'être renseigné sur la personnalité de son solliciteur, acceptât de se rendre en Irak, et plus précisément dans le Nord, près du village de Cherfanieh, afin d'expertiser une frise assyrienne de belle taille et d'énigmatiques têtes sculptées qui soit disant, appartenait par tradition à la famille et à la tribu du Général Gadban.

Quel homme hors du commun que ce Général Gadban, singulier et impénétrable avec une stature de chef, à la tête d'une armée d'hommes qui lui sont totalement dévoués, bivouaquant dans cette immensité où vergers et plantations cohabitent non loin d'une rivière qui se jette dans le Tigre. Il rêve de faire revivre cette oasis au milieu du désert et de pouvoir ainsi redonner toute leur splendeur passée aux tribus Chammar dont lui-même est issu.

Fasciné par l'art assyrien et en quête de sensations esthétiques, l'archéologue accepte l'invitation et se rend en Irak. Pris en charge par Salem à son arrivée à l'aéroport de Bagdad, Rafael parvient en auto à l'Oasis où il est logé dans la grande maison. de la terrasse, il peut admirer ce paysage édénique. Il se laisse aller à ses méditations. Fort bien accueilli par les officiers, il savoure ses vacances en attendant l'arrivée du Général Gadban. Difficile d'imaginer qu'au-delà des montagnes du Kurdistan qui entourent au loin cette oasis, les milices djihadistes mènent des raids meurtriers là-bas, bien loin au-delà !!!!

La narration dès le début, se veut insouciante, alanguie sous la chaleur. Promenades à cheval, découverte d'un site antique, rencontre avec Shirin, la fille du Général, discussion avec le supérieur d'un couvent syriaque, tout se prête à la rêverie dans cette atmosphère suspendue. Pourtant, malgré ces instants délicieux, petit à petit, Rafael se pose des questions sur les intentions non avouées du Général Gadban. Cet homme habitué aux manipulations politiques et militaires ne se verrait il pas à la tête du pays ? Que veut-il entreprendre avec la somme de la vente de ces antiquités ? Qui serait le commanditaire ? D'un récit tout en passivité, l'histoire se fait plus inquiétante jusqu'au moment où tout bascule.

Dépaysement garanti mais aussi abondance de réflexions à la lecture de ce récit dans cet Irak dévasté ! La mémoire projette dans nos têtes, les évènements tragiques qui étaient diffusés sur nos postes de télévision, de ces souvenirs affleurent des émotions intenses.

Dans ce roman, nous retrouvons les éléments chers à Charif Majdalani : la Maison, les plantations, le Liban.

Il change, néanmoins, de registre. L'auteur élabore un récit où s'entremêlent enquête, aventure, thriller géopolitique, réflexions sur le sens de l'Histoire au travers des échanges entre Rafael et le supérieur du couvent. Les interrogations et les débats évoqués tournent autour de l'instabilité de l'Histoire. Est-elle faite de hasards ou existe-t-il un plan ? Avec des « si », que serait-il advenu ? Comment expliquer que les hommes qui gouvernent les choses fassent preuve d'une telle incompétence, qu'ils ne se soucient nullement des conséquences de l'incohérence de leur choix sans parler du jeu malsain des services secrets dont ces pays sont leur terrain de jeu. L'Histoire se répète mais nul ne tient compte des leçons des épreuves passées. Majdalani s'interroge : « à savoir que tout n'est que chaos sans signification, sans logique et sans but ».


« Il en va en tout cas ainsi de chacun de nos gestes dont l'impact, en des cercles concentriques qui vont s'élargissant, peut retentir bien plus loin et plus gravement que là où il s'est produit ».

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Une aquarelle pastel des montagnes kurdes, rappelant le Paradis dont le sentiment est né en ces contrées paisibles de l'ancienne Mésopotamie, entourant une oasis rose silencieuse et déserte. Aquarelle qui ponctue le livre, par ses descriptions de la nature, l'évocation de ce jardin millénaire puisque paradis signifie jardin , art né , avec l'écriture, l'astronomie, les chiffres, dans cette région du monde.

Habitué des tractations tordues en tant qu'intermédiaire dans la vente d'objets d'art, Raphael le Libanais est contacté pour une future vente d'antiquités mésopotamiennes. Il se méfie, bien sûr, sachant que Daesh vend ces trésors de l'humanité pour financer son avancée en Irak, puis se méfie des personnes qui le contactent, puis se méfie de lui même, trop naïf. Entre les forces Kurdes, l'Etat islamique de 2014, l'armée régulière irakienne, les puissances mondiales (Américains, Turcs, Iraniens, Européens) tous les jeux sont permis.
La curiosité et le désir de beauté l'emportent pourtant sur ses scrupules, lorsqu' on lui propose de venir expertiser ce trésor des Chammars, bédouins du Nord de l'Irak. Ces immenses effigies, statues gigantesques de lions ailés et ces grandes frises ont-elles été transportées jusqu'à Mossoul depuis le palais assyrien de Khorsabad, embarquées sur le Tigre, jusqu'à Bassora où elles furent emportées vers la France tout en distribuant en cours de route un nombre important de colis , dont beaucoup noyés au fond du Tigre? Ou bien proviennent-elles de Ninive, donc postérieures ?

En plus d'être une sorte de roman d'espionnage international concernant l'expertise et la vente des anciennes statues et bas reliefs assyriens, Dernière oasis est aussi une poésie sur la nature, une réflexion sur ce qu'est l'histoire, et sur le déroulement des évènements .

Charif Madjalani pose la question : la nécessité de trouver un sens à l'histoire et à la volonté de trouver une sorte de justification à ces assassinats à répétition, à cette violence qui pousse des villages entiers, femmes, enfants et vieillards sur les routes ne peut nous faire oublier le hasard, les croisements fortuits et choix imprévus. L'incompréhensible optimisme de ses compagnons irakiens, devant l' « absurde force montante de l'obscurantisme et de la barbarie »trouve son explication dans une certaine théorie du complot, agissant pour le compte de puissances occultes, dans l'auréole en tous cas donnée aux agents secrets. Ces agents manipulent en sous main, et finalement Raphael, essayant de trouver un sens au chaos, trouve son compte dans cette explication de ce qui advient autour de Mossoul et de Tibrik. Les plans des différentes puissances, une fois en route, les manipulations en sous-main, les trahisons, les mensonges concernant qui est qui et qui fait quoi, doivent cependant se plier à l'incertitude des hasards. C'est ça l'entropie, l'aléatoire. Un peu comme la liberté de l'homme devant les desseins de Dieu.
Considérations géopolitiques et historiques : les civilisations naissent et meurent, nous dit l'auteur, confronté au désert d'une plaine jadis fertile, mesurant la paix qui a dû régner dans ces contrées avec les massacres et la destruction, l'avancée de l'EI, qui doit l'obliger à fuir l'Irak. Sauf que cette explication ne lui plait pas complètement, car c'est souvent un fait fortuit qui entraine des conséquences en chaine (par exemple, la mort accidentelle d'Alexandre le Grand ayant mangé un fromage avarié entraine la domination de Rome sur toute la Méditerranée, et les religions monothéistes comme le christianisme et l'islam naissent sur ce monde déjà unifié.)
Livre complet et complexe, (que j'ai découvert grâce à bookycooky , qu'elle en soit remerciée) qui se lit pourtant très facilement grâce à l'écriture qui coule comme le Tigre, érudit, fabuleusement intéressant et instructif, et de plus méditant dans cet oasis où rien ne se passe, on « on est livré à la pure contemplation du mystère de l'existence du monde ».
le paradis primitif, l'aurore du monde, l'aube de la création.
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Attention, coup de coeur !!
Dans le Kurdistan irakien en 2014, un spécialiste libanais de l'archéologie est invité par le mystérieux général Ghadban pour expertiser un trésor constitué de quatre sculptures en gypse. Notre narrateur va se trouver mêlé à une aventure digne d'Indiana Jones, à une passionnante quête en plein désert et dans le tourbillon de l'histoire. le casting se compose de l'armée régulière irakienne, les kurdes, l'Etat Islamique qui sème la terreur dans la région, les milices privées des cheikhs, la CIA, les agents secrets russes ou turcs. Car un trésor pareil vaut une fortune et pourra alimenter le conflit pour celui qui saura bien le négocier. Entre manipulations politiques, coups bas, trahisons, complots et attentats, notre spécialiste de l'histoire de l'art va se retrouver à la croisée des chemins de l'histoire avec un grand H.
Cela démarre tout doucement par une attente interminable de la rencontre avec le fameux général au sein de son oasis, puis tout s'emballe avec l'arrivée de Daech aux portes de Mossoul. La fin de ce superbe roman se lit comme un thriller.
Les dialogues entre l'archéologue et le supérieur du couvent nous permettent d'appréhender l'histoire humaine comme générateur de désordre et de chaos. Les plaines autrefois fertiles du Tigre sont devenues un désert, notre oasis va se réduire comme peau de chagrin.
“Si la civilisation humaine a commencé ici, cette plaine donne aujourd'hui une image de ce que sera sa fin.”
Merci au challenge multi-défis 2022 qui m'a amené à lire un roman se situant au proche-orient, sinon vraisemblablement je serais passé à côté de cette pépite.

Absolument passionnant !
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Nous sommes entre le printemps et l'été 2014 dans le Nord de l'Irak. le narrateur est un spécialiste d'oeuvres archéologiques orientales qui ne recule pas devant le trafic d'art. Invité dans une oasis par un charismatique général Ghadban qui tient provisoirement une position liminaire au nom de l'armée irakienne mais en réalité sur la base des allégeances tribales liées à son propre territoire ancestral entre les forces kurdes et les djihadistes de l'État islamique, il doit expertiser et exfiltrer un trésor d'une valeur inestimable. Parallèlement à ce travail illicite et dangereux, et lors de cavalcades au galop entre le désert et les villages chrétiens alentour, il tombe amoureux de Chirine, la remarquable fille de Ghadban. Lorsque Mossoul est conquise par Daech, que le général tombe victime d'un attentat et que le trésor disparaît, le récit se transforme en roman d'aventure, dans lequel le héros et, pendant un court temps, la jeune fille, évoluent dans la zone de guerre à moto, s'interrogeant à la fois sur l'identité des meurtriers de l'homme et sur le devenir du trésor archéologique. Des théorèmes complexes sont échafaudés concernant les éventuels doubles-jeux des uns et des autres belligérants vis-à-vis de Daech, et au-delà eux, sur les possibles responsabilités et trahisons des Américains, des Turcs, des Russes, des Iraniens, dans le cadre de la guerre irakienne. le narrateur refuse les grandes théories complotistes tout en prônant une interprétation des faits historiques fondée sur les hasards, les mauvais calculs, les décisions basées sur des données insuffisantes ou erronées ; pourtant, il est pris au même piège qu'il dénonce, et se voit contraint de modifier plusieurs fois ses conclusions, ce qui n'est pas sans influencer ses affects envers les différents personnages qu'il a rencontrés.
Par-delà l'impression d'une recherche fouillée sur certains aspects assez méconnus et/ou controversés de la guerre en Irak, par-delà le côté aventureux de la contrebande internationale d'oeuvres d'art et des relations sentimentales, ce roman offre de splendides descriptions de paysages et de situations de la guerre moderne, ainsi que de belles réflexions sur L Histoire conçue comme phénomène d'entropie causée par la fureur humaine.
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critiques presse (1)
LeFigaro
07 octobre 2021
n roman virtuose sur le chaos du monde vu du Moyen-Orient.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Citations et extraits (12) Voir plus Ajouter une citation
.....l’idée des mouvements de fond, invasions ou transformations sociales qui fonderaient l’Histoire et la rendraient compréhensible et donc prévisible m’a toujours un peu agacé, parce qu’elle ne prend pas en considération le facteur humain et encore moins le plus grand vecteur de l’Histoire à mon avis, à savoir le hasard, l’imprévu.....Si Hitler avait été tué au cours de la Première Guerre mondiale, si un artilleur français avait fait osciller de quelques millimètres son canon ou sa mitrailleuse, si un soldat allemand n’avait pas malencontreusement tué d’un coup de baïonnette un soldat français qui un instant plus tard aurait trouvé sur sa trajectoire l’affreux Adolf qu’il aurait abattu ou embroché, tout n’aurait-il pas été différent ? Certes, il y aurait eu l’injustice du traité de Versailles, et le désir de revanche allemand, et l’antisémitisme dans l’Europe de cette époque. Mais ils ne se seraient pas exprimés de la même manière, et peut-être pas avec la même violence. Le monde n’aurait pas été ravagé ni les juifs exterminés de la sorte, et du coup, la mauvaise conscience n’aurait pas poussé les Européens à soutenir la naissance d’Israël, qui n’aurait peut-être pas vu le jour, ou pas comme cela s’est produit. Toutes les misères qui se sont ensuite succédé n’auraient pas eu lieu, et la situation ici aujourd’hui, là où nous nous trouvons, et qui peut-être découle d’un coup de baïonnette raté il y a cent ans, n’aurait pas été celle-là, et vous et moi n’aurions pas été en train d’en parler à l’instant.
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Une fois les rênes en main, le cheval bougea et je craignis d'avoir perdu les bons réflexes, mais c'et presque spontanément que mes poignets et mes bras réagirent en tirant sur le mors et aussi mes jambes en serrant la croupe de Ramz. Ce dernier comprit le message et se calma. Je lui tapotai l'encolure en lui disant un mot à l'oreille puis je me redressai, sentis le murmure amusé et approbateur des militaires autour de nous et vis surtout l'œil brillant et rieur de Ghadban qui me donna le signal du départ.
De cette course, je garde le souvenir le plus incroyable. Ghadban oublia ou négligea que je n'étais pas un cavalier arabe. Nous sortîmes de la plantation et chevauchâmes côte à côte. Après avoir traversé la rivière en faisant résonner les sabots sur le fer rouillé du pont, nous quittâmes la route pleine d'ornières et, au bout de quelques dizaines de mètres, le général partit au galop. Je le suivis après une brève hésitation, prenant toute la poussière qu'il levait derrière lui et je le serrai bientôt de près. Il était couché sur son cheval , souverain, impérial, immense. Je le talonnais toujours pour essayer de le dépasser, ce qui me parut vite impossible. Il creusa progressivement la distance et fut bientôt loin devant moi. Je le laissai filer sans ralentir l'allure et me sentis gagné par un sentiment d'intense bonheur devant ma solitude débridée au milieu de ces immensités. Ramz frémissait, tous mes muscles tendus étaient comme à l'unisson de son effort. Sa course avait quelque chose de joyeux qu'il me transmettait. Je ne pensais plus, ce qui était rare, j'étais tendu hors de moi, vers la ligne de l'horizon qui dansait dans la lumière, heureux de me sentir grand, puissant et inatteignable et j'aurais voulu que cela durât très longtemps. La route que je longeais de loin était déserte, le monde semblait m'appartenir comme si je volais sauf qu'à un moment, je me retournai pour m'assurer que j'avais bien entendu et, en effet, derrière moi roulaient deux jeeps qui demeurèrent à une respectable distance durant tout le temps de notre cavalcade.

Page 77 - "Voilà pourquoi j'aime Majdalani, je suis ailleurs"!
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En ce lieu où je me trouvais à ce moment, soudain et malgré la chaleur et l’inconfort, était ravivée à mon insu ma nostalgie ancienne et jamais formulée pour une vie hors de l’Histoire et des événements qu’elle secrète, et je me dis alors que tous les lieux où le temps semble s’annuler dans la répétition de lui-même sont ce que l’on rêve sous le nom de paradis, cet endroit où plus rien n’arrive, où l’on est livré à la pure contemplation du mystère de l’existence du monde. Je me rendis compte que j’avais soudain envie que disparaisse tout ce pour quoi j’étais là, et que je n’aie plus rien à faire qu’à demeurer face au spectacle immuable des choses et de leur beauté.
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.....la démocratie aurait pu être une certaine forme, et la plus réussie, de fin de l’Histoire. Sauf qu’elle aussi porte des contradictions internes qui la minent, et en particulier la liberté d’expression qui est intrinsèque à son être et simultanément le poison qui l’emportera, parce que l’on ne peut brider la liberté d’expression sans aller contre le principe de démocratie, et qu’on ne peut la laisser totalement débridée sans qu’elle permette que s’expriment les démagogues qui flattent les plus bas instincts de l’homme et sa bêtise.
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Les images su Sinjar qui allaient inonder le monde commençaient à être diffusées par toutes les télévisions de la planète. On voyait des villages entiers qui fuyaient , de longues files d'hommes, de femmes et d'enfants, portant des ballots, environnés de troupeaux et qui marchaient pour sortir d'Irak. C'était à nouveau comme Abraham fuyant avec son peuple, c'était l'Ancien Testament rejoué au XXIème siècle.

page 157 - persécutions des yézidis par l'EI.
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