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Citations sur La Musique d'une vie (73)

Ses camarades s'écartent pour ne pas rester assis à côté de lui. (...) A la sortie, ils s'écartent de lui, fuient sur des trajectoires souples comme des skieurs dans une descente semée d'obstacles. Il a l'impression que les gens qu'il croise au conservatoire sont devenus bigleux, ils louchent pour esquiver son regard. Leurs visages lui rappellent ces masques qu'il a vus dans un livre d'histoire, d'effrayants masques à long nez dont s'affublaient les habitants des villes envahies par la peste.
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Il pensa qu'il devait y avoir un nom pour dire, une clef pour comprendre cette souffrance et cette lune, et sa vie devenue méconnaissable, et surtout la simplicité avec laquelle deux êtres pouvaient se donner non pas l'amour, non, mais cette paix, ce répit, cet oubli qui tenait dans la seule chaleur d'une main.
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Et des hivers de guerre il ne resta que cette plaque de glace sur laquelle, un jour, le général glissa et se foula la cheville. Alexei dut le porter jusqu'à la voiture. "Tu te rapplles, Sergueï, comment tu m'as traîné, au front, au nez des fritz, sur douze kilomètres !" dit-il en poussant de petits rires. Et, sans se l'avouer, ils pensèrent que la guerre était vraiment du passé, si l'on pouvait en rire.
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Je pourrais sans peine dater cette rencontre.
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Quand, à la tombée de la nuit, un officier parvint à rassembler quelques débris de l'armée en déroute, Alexeï constata que les soldats venaient des unités les plus variées, de compagnies anéanties, de régiments décimés. Il était donc comme eux. A cette différence près que parfois il avait plus peur de laisser échapper son vrai nom que de se retrouver sous un tir. Cette peur, cette vigilance avec laquelle il copiait les gestes des autres firent que pendant ces premières semaines il n'eut pas l'impression de faire la guerre. Et lorsque, enfin, il put relâcher cette corde tendue en permanence, il se découvrit dans la peau de ce soldat vieilli, peu loquace et respecté pour son sang-froid, un homme parmi des milliers de ses semblables, indistinct dans la colonne qui piétinait sur une route boueuse, se dirigeant vers le cœur de la guerre.
[...]
Un jour, au moment de sa première blessure, il découvrit un autre paradoxe. Venu parmi ces soldats pour fuir la mort, il s'exposait à une mort bien plus certaine ici que dans une colonie de rééducation où on l'aurait envoyé après l'arrestation de ses parents. Il eût été plus à l'abri derrière les barbelés d'un camp qu'en possession de cette liberté mortelle.
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Et c'est aussi comme à travers l'épaisseur du verre qu'il imagina la salle, une scène illuminée, un jeune homme s'avançant vers le piano. Dans une illusion poignante, il observa, un instant, cette vie qui se poursuivait quelque part, sans lui.
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Bien plus tard, quand il aurait percé l'impitoyable lubie qu'a la vie de jouer aux paradoxes, il comprendrait qu'en réalité il devait son salut aux Allemands.
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La musique! Cette fois, j'ai le temps de saisir l'écho des dernières notes, comme un fil de soie à la sortie du chas. Je reste quelques instants sans bouger, guettant une nouvelle sonorité au milieu de la torpeur des corps endormis. Je sais maintenant que je n'ai pas rêvé, j'ai même à peu près compris d'où venait la musique. Ce n'était d'ailleurs que de brefs éveils de clavier, très espacés, assourdis par l'encombrement des couloirs, effacés par les ronflements. Je regarde ma montre: trois heures et demie. Plus que l'heure et le lieu où naît cette musique, c'est son détachement qui me surprend. Elle rend parfaitement inutile ma colère philosophique d'il y a quelques minutes. Sa beauté n'invite pas à fuir l'odeur des conserves et de l'alcool qui stagne au-dessus de l'amoncellement des dormeurs. Elle marque tout simplement une frontière, esquisse un autre ordre des choses. Tout s'éclaire soudain d'une vérité qui se passe de mots: cette nuit égarée dans un néant de neige, une centaine de passagers recroquevillés – chacun paraissant souffler tout doucement sur l'étincelle fragile de sa vie -, cette gare aux quais disparus, et ces notes qui s'instillent comme des instants d'une nuit tout autre.
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Le jugement que j'essayais de retenir m'envahit, à la fois compassion et colère. Je pense à ce magma humain qui respire comme un seul être, à sa résignation, à son oubli inné du confort, à son endurance face à l'absurde. Six heures de retard. Je me tourne, j'observe la salle plongée dans l'obscurité. Mais ils pourraient très bien y passer encore plusieurs nuits. Ils pourraient s'habituer à y vivre! Comme ça, sur un journal déplié, le dos contre le radiateur, avec une boîte de conserve pour toute nourriture. La supposition me paraît tout à coup vraisemblable. Un cauchemar très vraisemblable.
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Je sais que l'heure qu'il vient de voir n'avait aucune signification. Il n'aurait pas manifesté plus d'étonnement en constatant qu'une nuit entière s'est écoulée. Une nuit ou deux. Ou un mois. Ou toute une année. Néant de neige. Plus vague qu'un nulle part. Une nuit sans fin. Une nuit rejetée sur le bas-côté du temps.
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