Dans la France paysanne de 1930, Ismaël est un jeune garçon triste et solitaire. Son père menuisier est alcoolique et violent, sa mère succombe à la maladie en lui laissant une seule phrase en héritage : "Vis mais cherche et trouve pourquoi tu vis. Moi, je n'ai pas réussi"... Et voilà le petit garçon dévasté, obligé de vivre avec ce père ogre qui frappe comme il respire. Qui l'humilie, le rudoie, lui rend la vie infernale. Pour l'éviter, Ismaël va jusqu'à se cacher dans un des cercueils que fabrique son géniteur. Puis, dès l'enterrement de sa mère terminé, il prend la tangente. Seul dans la nature, tenaillé par la faim, la soif et le froid, il ne doit son salut qu'à un homme qui s'occupe de lui quelques mois et à quelques travaux des champs. Mais lorsque son protecteur est tué par des collègues haineux, il doit à nouveau fuir et vivre au milieu de la nature, dans un total dénuement. Il va finir par rencontrer Esther, une jeune femme qui vent d'hériter d'une maison en pierres rouges dans cette région de Provence. Il a 12 ans, elle 29. Entre eux, une relation étrange se noue au fil des mois. Ces deux coeurs amochés par la vie vont s'apprivoiser et apprendre chacun l'un de l'autre. Mais dans la vieille maison, un tableau représentant des mariés qui leur ressemblent étrangement les trouble...
Pierre Makyo est un scénariste génial qui s'est fait connaitre avec la série policière humoristique des "Jérôme K Jérome Bloch", dessinée par Dodier et surtout par la cultissime "Balade au bout du monde", dessinée par
Laurent Vicomte. Longtemps plus à l'aise sur les textes que sur les dessins,
Makyo possède pourtant un très beau coup de crayon, la preuve avec sa magnifique série "Grimion gant de cuir". Ici, on est un peu dans la même veine, entre naturalisme, comte rural et parabole fantastique.
Qui sont Esther et Ismaël ? Sont-ils les jouets du destin ou maîtres de leur vie ? L'histoire est-elle toujours condamnée à se répéter ? Quel est le sens de la vie ? Autant de questions philosophiques que pose ce diptyque dont le deuxième tome est dessiné par
Valerio Piccioni. L'ambiance est sombre, le premier tome étant très noir et gorgé de violence, tandis que le second tire petit à petit ses deux protagonistes vers la lumière, au rythme des saisons et de la nature qui renait. Esprits cartésiens s'abstenir, la BD flirte avec le surnaturel et ne cherche pas à expliquer. Il faut juste ressentir, se laisser porter par les personnages, l'histoire prophétique, quasi mystique et les couleurs, sublimes.