AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782402033572
284 pages
FeniXX réédition numérique (Robert Laffont) (05/11/2015)
4.5/5   2 notes
Résumé :
L'affaire kravchenko
Que lire après L'affaire KravchenkoVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Sur la 4e de couverture de l'ouvrage de Guillaume Malaurie, on voit, sur une photo de 1949, un homme d'une quarantaine d'années à la fière allure, brandir un impressionnant paquet de papiers devant la 17e chambre correctionnelle de Paris. L'homme en question s'appelle Viktor Andreïevitch Kravchenko, né en 1905 à Iekaterinoslav, rebaptisé Dniprospetrovsk en Ukraine, et transfuge américain de son état. Mais que faisait-il donc dans une cour de justice française ?

C'est à cette question que le journaliste du Nouvel Observateur, Malaurie, répond en élaborant un ouvrage, qui plus qu'un document d'époque, constitue un portrait vif du clivage politique et idéologique gauche-droite dans la France d'apres--guerre et porte comme sous-titre révélateur 'Paris 1949 : le Goulag en correctionnelle'.

De mauvaises langues prétendent que ce livre, édité par Robert Laffont en 1982, est introuvable. Si moi j'ai reussi à en débusquer un exemplaire en 2011 à La (petite) Panne, en Flandre, il doit bien en rester d'autres exemplaires éparpillés en France.

D'abord un mot sur Kravchenko, qui était un homme incontestablement intelligent, comme le prouvent ses résultats scolaires et universitaires, ainsi que la rapidité de sa carrière. Envoyé, en tant qu'ingenieur en métallurgie, à la chambre de commerce soviétique à Washington, en 1944, Il y demande et obtient l'asile politique, une nouvelle identité et la protection contre les meurtriers du NKVD (ex KGB), qui étaient à ses trousses. Il se marie et devient le père de 2 fils. Ses problèmes avec la France commencent lorsqu'il écrit ses mémoires : 'J'ai choisi la liberté '. Dans cette autobiographie, il dénonce la terreur du régime stalinien et plus particulièrement le 'Holodomor' ou 'l'extermination par la faim', c-à-d la politique de dékoulakisation ou liquidation des fermiers résistants la collectivisation des terres agricoles. le meurtre de fermiers, leur déportation massive ont provoqué une famine qui a tué entre 2,5 et 12 millions de gens, surtout en Ukraine, et le Holodomor est aujourd'hui reconnu comme un génocide par 17 pays. Ce livre a été le tout premier à décrire l'ampleur de cette catastrophe dont le petit père des peuples est l'auteur. Et il a fallu attendre la publication par l'historien americano-britannique Robert Conquest de 'La Grande Terreur - Sanglantes Moissons' en 1995 pour en avoir une analyse détaillée.

En 1947, le livre de Kravchenko paraît en France et y provoque aussitôt un tollé général. Surtout les communistes traitent son auteur de tous les noms - que je préfère, par respect pour nos babéliennes, ne pas répéter - Même l'égérie de Jean-Paul Sartre, Simone de Beauvoir, y met du sien et accuse notre ukrainien de : "douteux, menteur et vénal". Après ce prélude, c'est finalement l'article d' André Ullmann (sous un pseudonyme soit-disant américain) dans 'Les Lettres françaises' , où son autobiographie est déclarée être "un faux écrit par un ivrogne", qui met le feu au poudre.
Car imprévu dans le scénario communiste, l'ivrogne réagit en intentant contre l'hebdomadaire un procès en diffamation.

Ce procès très largement médiatisé est devenue une 'cause célèbre' que certains sont allés jusqu'à qualifier de 'Procès du siecle'. Un procès, où une centaine de témoins se sont affrontés, parmi lesquels il convient de mentionner l'ex-épouse et quelques anciens camarades du défenseur, envoyés par les bons soins du Kremlin à Paris, et de l'autre côté, entre autres la veuve de l'ancien leader communiste allemand, Heinz Neumann, Margarete Buber-Neumann, qui avait vu les prisons de Hitler et Staline de l'intérieur. Viktor Kravchenko y a aussi exposé ses expériences avec la réalité stalinienne dans un discours raffiné, dans lequel même l'humour ne faisait pas défaut. Il existe, d'ailleurs, une photo sur laquelle on voit les avocats et leurs assistants carrément rire pendant son discours.

En avril 1949, Kravchenko a gagné son procès et est accordé 150.000 francs de dédommagement. En appel réduit à un franc symbolique.

Pour être objectif, il faut bien sûr souligner que L'URSS avait joué un rôle déterminant dans la défaite nazie et que les communistes français pouvaient être fiers de leurs adhérents dans la Résistance d'une part et que d'autre part l'horreur stalinienne n'était encore pas connue par le grand public. Personnellement, je pense que ce sont certains intellectuels de gauche qui sont responsables de cette tournure d'événements.

3 courtes conclusions : le régime du tsar rouge a reçu un fameux blâme et l'autobiographie de Viktor Kravchenko a été un best-seller en France.
En 1966, on a retrouvé le corps de Kravchenko dans son appartement avec une balle dans la tête. Officiellement, il s'agirait d'un suicide, mais son fils, Andrew, est persuadé que son père à été victime d'une revanche par l'URSS et a été exécuté par le KGB.

Je peux recommander la lecture des deux livres principaux cités ici. Aussi bien l'oeuvre de Kravchenko que le récit de Guillaume Malaurie se lisent facilement et ne nécessitent pas de grandes connaissances historiques. Pour l'ouvrage du dernier, il faudra peut-être un peu chercher, mais cela vaut certainement la peine.

Le paquet de papiers mentionné au début est son manuscrit que Kravchenko est fier de présenter à la Cour, mais vous l'aviez sûrement deviné.
Commenter  J’apprécie          249
Les éditeurs français avaient refusé de publier son livre, l'intelligentsia de l'époque, avec les lettres françaises pour coryphées, l'avaient injurié et calomnié. Kravchenko lors de l'ultime procès intenté au journal communiste: Les Lettres françaises, fut le premier a dénoncé les crimes de Staline, et son ouvrage eut un retentissement considérable dans le monde entier...Si le nom de Soljenitsyne a éclipsé celui de Victor Andreïevitch Kravchenko, ce dernier n'en reste pas moins au regard de l'Histoire comme le pionnier du réquisitoire public contre la dictature stalinienne, le premier porte-parole des innombrables victimes du totalitarisme soviétique.
L'espace d'un instant les projecteurs de l'actualité s'étaient braqués sur lui de façon fugace...
Déraciné, incapable de s'adapter à son nouvel environnement, surtout déçu par le triomphe apparent du communisme, il vivra constamment sous la menace des représailles avec un sentiment de culpabilité envers sa famille, alors âgé de 61 ans, il se donnera la mort un 26 février 1966 dans son appartement de New-York.
Commenter  J’apprécie          50


Lire un extrait
autres livres classés : kgbVoir plus

Lecteurs (8) Voir plus




{* *}