Iegor Gran est né le 23 décembre 1964 à Moscou et est venu avec son père, l'écrivain
Andreï Siniavski, en août 1973, lorsqu'il avait 10 ans, en France, où après des études d'ingénieur, il s'est mis à écrire. Aujourd'hui, il en est avec son embauche au KGB, paru en janvier dernier, à son 21 ouvrage. Parmi ses grands succès figure "
Les services compétents" de 2020, une présentation satirique du même KGB.
Pour nos très jeunes, je rappelle que ce sigle signifie tout simplement : "Komitet gossoudarstvennoï bezopasnosti", soit "Комитет государственной безопасности" en v.o. cyrillique et en Français : Comité pour la Sécurité de l'État. Une organisation illustre à laquelle a appartenu un certain
Vladimir Vladimirovitch Poutine (1952- ? ).
Le père dissident, à la grosse barbe, de l'auteur,
Andreï Siniavski (1925-1997) est surtout connu pour son ouvrage "
Lioubimov, ville aimée" de 1963.
Je présume que pour éviter toute confusion avec son père, Iegor a pris comme nom d'artiste le nom de famille de son épouse, Ladislava Gran.
À côté de l'écriture de ses oeuvres littéraires, l'auteur collabore à "
Charlie Hebdo" depuis 2011.
Le manuel du KGB, qui compte 116 pages, part de la distinction entre pays socialistes et pays capitalistes, qu'il convient de convertir afin qu'ils puissent, eux aussi, trouver le bonheur et la paix. Ce document capital sert de base dans une quinzaine d'écoles du KGB, dont la numéro 1 - officiellement École n°101 - est située dans la banlieue moscovite et a été rebaptisée "Académie Andropov" en honneur à Iouri Vladimirovitch Andropov, le grand patron du KGB de 1967 à 1982.
Ce genre d'institut compte en moyenne quelque 200 élèves et, vu son importance vitale pour l'humanité, requiert évidemment des professeurs de la plus haute compétence et fiabilité. Ainsi, le top transfuge britannique, le fameux et légendaire
Kim Philby (1912-1988), a dû attendre 14 longues années avant de pouvoir y donner des cours.
Une large partie de ce vade-mecum est consacrée au recrutement d'agents pour la bonne cause, soit des ressortissants nationaux aux endroits stratégiques, soit et surtout des étrangers, comme ceux ouverts à la justesse du marxisme, les anti-impérialistes, les mécontents politiques et sociaux, "les déçus et les aigris du mode de vie occidental".
Lorsqu'il s'agit d'étrangers qui n'appartiennent pas à ces catégories, mais qui occupent des fonctions importantes ou qui disposent de connaissances scientifiques cruciales, il incombe de les persuader que seule la voie socialiste mène à "l'élévation du bien-être des peuples".
L'auteur explique avec une forte dose d'humour les différentes méthodes préconisées par les savants du KGB pour arriver à cet effet heureux. Il y a par exemple le "booby trap" sexuel et divers autres moyens de chantage.
Bien que nous avons tous lu des livres ou vu des films, où cet enseignement trouvait une application concrète et dans lesquels des tchékistes jouaient la vedette, il est tout de même effarant de constater que derrière cette façade a été créée une réalité visant purement et simplement une domination nationale et mondiale.
Il ne faut pas lire ce document pour la beauté du texte du manuel, qui selon
Iegor Gran "n'est pas de la haute littérature" et où "les phrases ont la légèreté du char d'assaut coincé dans un couloir". En revanche, les commentaires de l'auteur sont particulièrement instructifs et drôles et donnent à son ouvrage un cachet à part, qui permettent de mieux comprendre les aléas de la politique de feu l'Union Soviétique et la politique actuelle agressive et criminelle d'un ancien diplômé d'une école du KGB !