Il y a bien longtemps que je en m'étais pas lancée dans un roman historique récemment paru… Je crois que je deviens difficile et il est des déceptions que je digère mal. Ainsi, récemment, je me plaignais que mes dernières découvertes en la matière penchent un peu trop facilement vers le manichéisme, voire pire: la romance aux mièvres accents. "
La Louisiane" pourtant m'a tentée... Résumé et sujet alléchants, couverture élégante et nombre de pages conséquent (de temps en temps, j'adore les pavés et l'idée qu'une lecture puisse m'accompagner longtemps dans mon quotidien!), tout y était.
"
La Louisiane" est l'oeuvre d'une toute jeune auteure,
Julia Malye, qui a consacré à son roman huit ans de recherches et d'écriture pour le parachever et rendre son contexte historique le plus réussi, le plus authentique possible. A cet égard, c'est une réussite tant le récit est documenté, bien campé et s'il n'est pas exempt de maladresses (dans sa construction notamment), j'ai passé en sa compagnie un très agréable moment, plus court d'ailleurs que ce que j'avais escompté au départ puisque je l'ai dévoré en trois soirs de solitude tel un vrai page-turner!
Nous sommes à Paris en 1720, au temps de la Régence et des Lumières balbutiantes. le royaume de France tente alors sa propre conquête du Nouveau Monde et s'étend jusqu'en Louisiane, la bien nommée. Las, les colons qui s'y sont installés sont seuls, isolés et sans trop d'espoir d'une descendance pour y pérenniser leur installation. A ces hommes courageux et sans doute bien âpres il faut des épouses. C'est ainsi que la supérieure de la Salpêtrière est mandatée pour sélectionner parmi ses pensionnaire une centaine de femmes qui seront envoyées en Louisiane afin d'épouser les colons français.
Drôle d'histoire que celle de la Salpêtrière. L'endroit eut d'abord pour vocation la fabrication de poudre et de munitions avant d'être converti en institution conçue pour le "renfermement des mendiants" . En 1684, elle devint un lieu de détention pour femmes où on enfermait les mendiantes et les prostituées, les femmes dites "folles", les avorteuses et celles -souvent- qui se rebellaient contre leur famille, la société. le système dirait-on aujourd'hui...
L'histoire sera longue encore avant que le lieu ne devienne hôpital et en attendant, en 1720, la Supérieure doit faire des choix, donner des noms, choisir quelles seront les femmes qui fouleront la terre de
la Louisiane. Parmi celles qu'elle désigne, Charlotte, Pétronille et Geneviève. La première est une orpheline de douze ans à peine, la seconde une aristocrate désargentée en proie à sa famille et la troisième une faiseuse d'anges. C'est à leurs pas que le roman s'attache dans une narration chronologique et au présent qui alterne les points de vue des personnages, de la Salpêtrière à
la Louisiane en passant par le voyage en mer aussi violent que difficile.
Le roman couvre une décennie et raconte comment ces femmes doivent se faire une place sur une terre hostile, où si tout est encore à construire, des codes sévères régissent tout de même le quotidien. "
La Louisiane" est aussi une histoires de femmes dans un monde d'hommes et de fait un récit féministe sans anachronismes qui dit bien la difficulté de faire partie du sexe faible au début du XVIII° siècle. J'avais peur, en entamant ma lecture, que cette coloration engagée ne teinte trop l'ouvrage, qu'elle le rende … anachronique en mettant des propos trop modernes dans la bouche de ses personnages mais ce n'est heureusement pas le cas (pourtant, parfois, on n'en est pas loin!). Globalement, "
La Louisiane" est un bon roman, très bien écrit et certains passages sont vraiment beaux; on s'attache aux héroïnes finement construites qui ont le bon gout de ne pas être parfaites et on se laisse pleinement happé par le contexte finement décrit, par les paysages. Je regrette toutefois que les personnages masculins soient si interchangeables. J'en aurais voulu au moins un qui se démarque vraiment, un personnage fort et singulier qui ne soit pas nécessairement un héros au demeurant. J'ai trouvé un peu facile et manichéenne en effet cette peinture de la gente masculine... Au rang de mes regrets, quelques longueurs aussi. Ainsi si j'ai été saisie, happée, piégée durant les trois premiers quarts du livre véritablement addictifs, j'ai fini par ressentir une certaine lassitude dans la dernière partie.
Ces quelques faiblesses, toutefois, n'engagent que moi et je ne peux que recommander la lecture de "
La Louisiane" à tous les amoureux de romans historiques. Par ailleurs, il faut souligner qu'il s'agit d'un premier roman. Tout laisse donc à penser que les prochaines publications de
Julia Malye ne pourront qu'exceller. Je serai au rendez-vous en tout cas, pour peu que le sujet m'intéresse autant que les filles de la Salpêtrière et
la Louisiane.