Enfermé dans son souvenir comme dans un écrin, il (Reynier) traversait les pays, les événements et les êtres sans leur prêter attention — opaque et imperméable, le regard, le cœur et l’esprit tendus vers le jour où il reverrait la terre de France, d’où les salauds l’avaient exilé. Tout ce qui arrivait à Reynier n’était qu’une parenthèse, un détour qu’il prenait pour revenir par l’autre bout au pays du Beaujolais, de la pipe de bruyère, des rillettes et des jolies filles à trousser dans l’herbe. Pour avoir tout cela il fallait d’abord se débarrasser des Fritz. C’est pourquoi cette guerre avait pour Reynier un sens évident, immédiat, presque palpable, qu’Arezki secrètement lui enviait : certaines certitudes ont le goût du bon pain.
Devant les balles, les mines, la faim, le gel, la soif, la peur, la mort et l'amour nous avons arraché notre masque comme un hochet risible et gênant. Pour que la bêtise s'installe il lui faut la torpeur des jours calmes : elle est la sœur de la léthargie et de la mort.