Le retour du professeur de danse

C'était peut-être comme ça, la mort. Autrefois il y avait eu un passeur, une barque, un fleuve. Maintenant c'était peut-être un pont, une voiture qui s'enfonçait dans le brouillard, et puis rien.

L'obscurité était encore compacte. Le long, le profond hiver du Noorland prenait lentement ses quartiers. Né à Ostersund quarante-trois ans plus tôt, Giuseppe ne comprenait pas ceux qui se plaignaient de la nuit et du froid. Pour lui, c'était la période de l'année où un calme infini descendait sur l'existence. De temps à autre, bien sûr, un type rendu fou par l'hiver se suicidait ou assassinait un proche. Il en avait toujours été ainsi, même la police n'y pouvait rien.

Le silence faisait des allers et retours

Il avait lu quelque part que la mort était un tailleur discret, silencieusement occupé à prendre les mesures du dernier costume de chacun

Quand il ouvrit les yeux, il était entouré de murs blancs. La neige s'était mise à tomber pendant qu'il dormait ; elle recouvrait déjà les vitres et le pare-brise. Stefan retint son souffle. Se pouvait-il que la mort soit ainsi ? Un espace blanc traversé par une lumière vague ?

Les gens ont toujours gaspillé leur vie en absurdité diverses. En ce moment, ils aiment crever devant leur téléviseur, le regard rivé à ces séries idiotes et misanthropes dont on ne voit jamais la fin.

Il avait lu quelque part que la mort était un tailleur discret, silencieusement occupé à prendre les mesures du dernier costume de chacun.

― Certains collectionnent des timbres, ou des étiquettes de boîtes d'allumettes. Je peux parfaitement imaginer que d'autres collectionnent de la même manière des idéaux politiques périmés. Les gens ont toujours gaspillé leur vie en absurdités diverses. En ce moment, ils aiment crever devant leur téléviseur, le regard rivé à ces séries idiotes et misanthropes dont on ne voit jamais la fin.

Il n'osait pas lui dire la vérité, qu'il n'avait pas envie de manger avec elle, de répondre à ses questions, d'entendre sa voix. Toute mon existence s'est progressivement rétrécie pour devenir une toute petite rue étroite pavée de mensonges. Ca aussi ça fait partie du prix que j'ai payé.

- Est-ce un interrogatoire?
- Non, juste une conversation.
- Je suis trop vieux pour converser. J'ai arrêté à mon soixantième anniversaire. J'avais assez parlé dans la vie. Donc je ne dis plus rien et je n'écoute plus les autres. A part mon médecin. Et quelques rares jeunes gens.