Je vais bientôt mourir. Je trouve que c'est une grâce d'avoir vécu après Bach. Dans mon calendrier personnel, l'histoire du monde se divise en deux périodes : avant Bach, et après.
la bonne question posée au bon moment permettait d'obtenir plusieurs réponses à la fois.
Deux personnes écoutent mieux qu'une.
Doucement, s'intima Stefan. Ne pas trop en dire, ni trop peu. Trouver les mots justes. Il veut savoir s'il a une part de culpabilité dans cette mort. Bien sur que oui. En tuant Herbert Molin, il a retourné une pierre. Les cloportes, pour parler comme Giuseppe, ont filé dans toutes les directions et, maintenant, ils veulent se réfugier sous la pierre. Ils veulent que quelqu'un remette la pierre au même endroit - là où elle était avant que la grande angoisse ne se propage dans la forêt..
Chaque nuit, je savais que quelqu'un allait mourir, mais qui ? Le voisin ? Ou moi ? Je me souviens qu'à mon idée, c'était le Mal en personne qui se déchaînait. Ce n'étaient pas des avions, là-haut dans le noir, mais des diables aux pieds griffus qui lâchaient des bombes sur nous. Plus tard, longtemps après, alors que j'étais déjà dans la police, j'ai compris qu'il n'y avait pas de gens mauvais - mauvais dans leur âme, si vous voyez ce que je veux dire. Mais que certaines circonstances pouvaient faire surgir la cruauté.
Au moment de frapper à la porte, il fut prise d'une peur panique. Il entra. Le médecin était une femme. Il essaya de lire sur son visage à quoi il devait s'attendre : grâce ou condamnation à mort. Elle lui sourit, mais cela ne fit qu'accentuer son désarroi. Que trahissait ce sourire? Un manque d'assurance? De la compassion? Ou le soulagement de ne pas avoir à annoncer à un patient qu'il avait un cancer?
[...] - Je suis parti de Boras parce que je suis malade. J'ai un cancer. Je suis en attente de commencer une radiothérapie. J'avais le choix entre Majorque et Sveg. J'ai choisi Sveg parce que je voulais comprendre ce qui était arrivé à Herbert Molin. Maintenant je me demande si j'ai bien fait.
Giuseppe hocha la tête. Ils restèrent une minute silencieux.
- Les gens veulent toujours savoir d'où je tiens mon prénom, dit enfin Giuseppe. Toi, tu ne m'as pas posé la question. Parce que tu pensais à autre chose. Je me suis demandé ce qui te préoccupait à ce point. Tu as envie d'en parler ?
- Je ne sais pas. En fait, non. Je voulais juste que tu saches.
- Alors je ne t'interrogerai pas.
[...] Sur la table de cuisine, une thermos attendait déjà, à côté d'une assiette de brioches à la cannelle recouverte d'un torchon. Wigren apporta une deuxième tasse et l'invita à s'asseoir.
- On n'est pas obligés de parler, dit-il de façon inattendue. C'est possible de boire un café avec un inconnu en se taisant.
Ils burent leur café et mangèrent une brioche chacun. L'horloge au mur sonna le quart. Stefan se demanda ce qu'avaient bien pu faire ensemble les gens de ce pays avant l'arrivée du café.