Estelle, la mère de Céline, est tendre et aimante, alors que son père, Simon, est rustre et violent. Une nuit de 1943, après une punition terrible qui aurait pu se terminer en drame, l'adolescente, âgée de treize ans, fugue et se perd. Trempée et fiévreuse, elle est découverte au milieu d'une vigne et emmenée dans un château, celui de Cadillac, près de Bordeaux. Elle pense à sa maman qui lui a prédit une vie de châtelaine, quand elle sera grande. « Était-ce le rêve de sa mère qui se matérialisait ? » (p. 37) Cette forteresse était une prison pour femmes au siècle dernier, avant de devenir une pension pour jeunes filles. Lorsque Estelle apprend où est sa fille, il est trop tard : Simon a signé « une décharge de responsabilité parentale pour confier Céline à cette institution » (p. 64).
La petite est forcée de rester jusqu'à sa majorité (fixée à vingt et un ans, à l'époque) à l'Ecole de préservation. C'est un établissement très strict, dont la mission est d'instruire et de remettre dans le droit chemin les « mauvaises filles ». En réalité, ce sont surtout des malheureuses qui n'ont connu que « la misère, la violence, le vol, la prostitution… le crime » (p. 126). Elles sont âgées de neuf à vingt et un ans. Au début, Céline est prête à supporter l'enfermement, elle pense que cette situation peut lui être bénéfique, en attendant de devenir indépendante et de retrouver sa mère. Elle déchante rapidement : la qualité de l'enseignement n'est pas celle qu'elle escomptait, la discipline est très dure, les repas sont frugaux, le confort est absent, les travaux ménagers et ceux des vendanges sont épuisants, les punitions sont injustes et inhumaines. Cette institution, qui a mauvaise réputation dans la région, est une maison de redressement.
Céline se retrouve face à elle-même. L'isolement la plonge dans ses souvenirs. Elle comprend que des secrets entourent le mariage de ses parents. Elle exige des réponses, ce qui plonge Estelle dans un véritable désarroi. Mère et fille arriveront-elles à surmonter cet éloignement et à libérer le passé ?
L'univers que décrit
Madeleine Mansiet-Berthaud est sombre, en raison des conditions de vie de ces enfants et adolescentes qui ont eu la malchance de naître au mauvais endroit. Elle décrit les chambres qui sont des cellules isolées, que les pensionnaires appellent « cages à poules » ; elles mesurent deux mètres sur un mètre cinquante et sont meublées sommairement. Elle relate les cachots, le manque d'hygiène, les repas constitués d'un « infâme brouet », le manque d'instruction, l'enfermement, l'injustice, etc, au nom de l'Etat. Au sein des splendeurs du château, la noirceur et le malheur règnent. le plus glaçant est que ces écoles ont réellement existé, beaucoup de jeunes filles ont connu cette existence de prisonnières, sous prétexte de les éduquer. J'ai été meurtrie par ces vies gâchées.
Je peux témoigner que la vie est faite de belles rencontres qui donnent la force de changer le destin[…]
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