Téhéran de nos jours, 3 jeunes femmes tout juste diplômées sont à l'heure des choix et ont chacune leurs projets. Leyla, mariée au beau Misagh, est prête à se battre pour se faire connaître et devenir journaliste. Rodja va partir pour poursuivre ses études en France, loin de ce pays où elle ne se voit aucun avenir. Et enfin Shabaneh, moins ambitieuse que ses amies, veut juste une vie tranquille, un bon travail, un mari et surtout continuer à s'occuper de Mahan, son frère handicapé. Mais dans l'Iran d'aujourd'hui il n'est pas si facile d'avoir des projets quand on est une jeune femme moderne et le temps de quelques saisons leurs illusions vont les quitter...
J'ai adoré ce roman qui dès les premières pages nous plonge littéralement dans l'ambiance de Téhéran : la chaleur, les bouchons sans fin, les conversations téléphoniques ou les déjeuners entre amies dans de petits cafés sympas et puis tout ce qu'on devine en filigrane de la société iranienne, de l'atmosphère de la ville, des goûts et des odeurs. Mais attention, au premier abord, on n'est pas ici dans l'Iran dont on parle dans les journaux : les mollahs sont à peine évoquées, les 3 amies sont des jeunes femmes modernes qui ont pu choisir leur avenir et ont étudié à l'université, elles souhaitent travailler et si Leyla est mariée c'est par amour pour Misagh dont elle est tombée follement amoureuse pendant ses études. Cela fait du bien d'avoir ainsi une autre vision de ce pays, un récit "vu de l'intérieur" où on découvre une jeunesse pas si éloignée de nos pays occidentaux avec les mêmes rêves et les mêmes ambitions. Hélas, et c'est là toute la force de ce roman, on va aussi découvrir au fil des pages que dans un pays comme l'Iran, complètement verrouillé et corrompu, il est quasi impossible de réaliser ses rêves et que la seule porte de sortie est bien souvent l'exil.
L'exil... le choix qu'a fait Misagh, le mari de Leyla, saisissant une opportunité de partir au Canada et laissant la jeune femme le coeur brisé après qu'elle a refusé de le suivre. L'exil, celui dont rêve Rodja mais dont on découvrira au fil des chapitres toutes les embûches qu'il faut affronter et l'arbitraire total qui règne dans l'attribution des visas, ce n'est pas si simple de quitter un pays prison. Quand à Shabaneh, si elle n'a jamais songé à partir, c'est bien pour son frère handicapé pour lequel il n'existe aucune structure adaptée et qui sans elle serait complètement abandonné.
L'automne est la dernière saison est un roman qui mêle constamment joie et mélancolie, espoir et tristesse, à l'image de ces jeunes femmes qui n'ont pas encore renoncé à leurs rêves mais que la vie (et le régime politique de leur pays) va petit à petit enfermer dans une réalité bien étriquée. Au fil des pages, on va reconstituer les zones d'ombre de leurs parcours et apprendre à les connaître, l'auteure réussissant avec brio à nous faire nous attacher à ces 3 amies au point qu'on referme le livre bouleversé.
C'est un roman que j'ai trouvé très original, l'auteure procède par petites touches, nous plonge dans l'action, dans les pensées de ses personnages mais sans jamais nous perdre malgré un contexte culturel très différent du nôtre. le propos n'est jamais manichéen ni démonstratif, pas besoin de se lancer dans de grands discours mais tout ce qu'on découvre en filigrane de la jeunesse iranienne suffit à nous toucher et à nous faire comprendre l'impasse dans laquelle se trouve ce pays. Un très beau livre qui mérite son succès, pour un premier roman je l'ai trouvé étonnamment abouti. A découvrir !