C'est une pièce de théâtre que l'on ne présente plus. À de nombreux lycéens, elle fut infligée, mais je n'avais pas eu cette chance. Pas trop tard pour s'y mettre! La langue de
Marivaux est délicieuse, et la pièce a bien mieux vieilli que par exemple, l'ennuyeuse et artificiel
le Jeu de l'amour et du hasard.
On connaît le contexte, celui du développement formidable de l'esclavage.
Marivaux ne s'y attaque pas directement, cependant: plus malin, il choisit le registre de la comédie, et des valets qui se moquent de leurs maîtres. On pense aux fourberies de Scapin, écrites un demi-siècle auparavant. Les critiques des maîtres par leurs valets n'en sont que plus efficaces. Iphicrate est vain, arrogant, tandis qu'Euphrosine est coquette et totalement égocentrique... Tous deux n'ont aucun mérite et n'ont hérité de leurs positions de maîtres que par le hasard de la naissance.
Subtilement, les deux maîtres ne se font pas exécuter dès leur arrivée dans cette île, cela montre que les "esclaves" - leurs domestiques, sont plus intelligents qu'eux et leur accordent assez facilement leur pardon. Les maîtres, quand à eux, prennent en peu de temps conscience de leurs erreurs passées. Cela semble un peu trop beau pour être vrai...
Pourquoi avoir choisi un dénouement aussi consensuel, pourquoi
Marivaux n'a t'il pas osé une fin plus dramatique? Peut-être pour montrer que la rédemption est toujours possible? le fait de mélanger des personnages aux noms grecs avec des caractères de la comédie italienne pose également question. La sagesse contre la légèreté. Arlequin est dépeint comme un personnage joyeux et insouciant. Finalement, c'est aussi le cliché que les Européens ont collé à la peau des Africains. Était-ce voulu?
En résumé, un petit bouquin qui se lit avec plaisir et qui de plus, donne à réfléchir. On peut lui reprocher sa brièveté mais en l'occurrence, la démonstration fait mouche, bien plus qu'un long réquisitoire. On ne voit pas bien l'intérêt que
Marivaux aurait eu à s'étaler davantage sur les défauts des maîtres et des valets.