Je pense qu'il n'est pas nécessaire que je vous résume la pièce de
Christopher Marlowe, vous connaissez tous l'histoire de
Faust qui passe un pacte avec le diable. Ici nous avons à faire à la première version artistique du mythe. La première édition de la pièce de Marlowe date de 1604, c'est une version très probablement tronquée puisqu'il s'agit d'une retranscription de la pièce. Celle-ci a été réalisée après la mort de l'auteur qui décède le 30 mai 1593 suite à une rixe dans une taverne. Certaines des participantes à cette lecture commune ont lu une version ultérieure datant de 1616 qui est plus longue, des scènes y sont rajoutées, notamment une où
Faust perd littéralement la tête ! (et qui a failli me la faire perdre aussi car je ne comprenais pas comment j'avais pu passer à côté d'une telle scène…) La pièce est tirée d'une histoire vraie qui fut racontée en 1587 sous le titre “L'histoire du Docteur Jean
Faust” et imprimée par Iohann Spies à Francfort. Ce Docteur Jean
Faust n'avait bien entendu pas passé un pacte avec le diable mais il était connu pour son utilisation de la magie. On peut souligner la grande proximité de date entre la publication de l'histoire de Jean
Faust et celle de la pièce de Marlowe. le potentiel littéraire de ce récit a tout de suite été remarqué par Marlowe et sa pièce est le début de la création d'un mythe.
L'oeuvre de Marlowe s'ouvre sur un choeur à l'antique qui nous présente l'histoire. le destin de
Faust ne fait déjà aucun doute puisqu'on nous parle d'Icare.
Faust va lui aussi se brûler les ailes après avoir voulu en savoir trop. Il passe un pacte de 24 ans avec le diable car ses connaissances ne lui suffisent pas.
Faust pense tout savoir sur ce que l'homme est en capacité d'apprendre. Son pacte doit lui assurer la gloire, le succès et l'argent. Il cède également à ses envies, aux tentations. Tous les péchés défilent devant lui, formant une ronde très amusante et se présentant à tour de rôle.
Faust veut tout essayer et ne rien se refuser. Méphistophélès, l'intermédiaire du diable, lui offre donc des connaissances infinies sur la magie et le cosmos. “Oh ! C'est un univers de joie et de profit, d'honneur et de pouvoir, bien plus, d'omnipotence, que promet la Magie au chercheur studieux (…). Un bon magicien est un Dieu tout puissant ; donc,
Faust, par ton cerveau puissant, deviens un Dieu !”
Et c'est bien cela que veut devenir
Faust : un dieu. Il questionne la religion, la place de l'homme dans l'univers. La vision religieuse est pour lui trop réductrice. Comme
Christopher Marlowe,
Faust est athée, il ne reconnaît pas les préceptes moraux de la religion et se joue du pape grâce à la magie dans une scène fort cocasse. Il tourne en ridicule la religion et ses institutions. La différence entre le bien et le mal n'existe plus pour
Faust malgré les fréquentes apparitions du bon et du mauvais anges. Il suit systématiquement la voix du mal. Une vie sans péché n'existe pas, tout le monde pêche. La religion est donc une vaste hypocrisie qu'il est inutile de suivre.
Faust ne craint rien, ni personne. L'avertissement de Méphistophélès, avant la signature du pacte, ne l'arrête pas : “Mais l'enfer est ici ; je n'en suis point sorti. Crois-tu que, si j'ai vu le visage de Dieu, si j'ai goûté du ciel les éternelles joies, je ne suis pas réduit à souffrir mille enfers quand je me vois privé de ce bonheur sans fin ?”
Faust se pense plus fort, plus malin et sacrifie son repos éternel.
Bien entendu quand l'heure est venue de respecter le pacte,
Faust est pris de remords. La peur de l'enfer le saisit à la gorge. Les 24 années de magie, de débauche offertes par le diable, ont passé bien vite.
Faust a dilapidé sa vie au profit de plaisirs éphémères mais un pacte avec le diable ne se brise pas. Comme celle d'Icare, la chute de
Faust est inéluctable.
Il est difficile de juger de la construction de la pièce de
Christopher Marlowe puisqu'elle est partielle. Certaines scènes de pur divertissement où n'apparait pas
Faust n'ont pas grand intérêt. La pièce reste néanmoins intéressante puisqu'il s'agit de la première fiction portant sur ce personnage. L'accent est mis chez Marlowe sur la question du savoir et la négation de la morale religieuse. Ce sont bien entendu ses idées qu'il fait passer dans la bouche de
Faust. le mythe sera repris au 19ème par
Goethe qui finira de le rendre célèbre et extrêmement populaire.
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