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Critiques filtrées sur 3 étoiles  
Voici le Faust des origines. Moins connu que celui de Goethe, il en est pourtant de 200 ans l'ancêtre. À ce titre, il peut être intéressant de noter qu'on retrouve des bribes de celui-ci tant dans le Faust I que dans le Faust II de Goethe, preuve, s'il en était besoin, de son statut de modèle pour le poète allemand.

Christopher Marlowe, né la même année que Shakespeare mais mort malheureusement beaucoup plus tôt (à 29 ans) et dans des conditions nimbées de mystère, nous a malgré tout légué quelques petits trésors. Il faut en effet s'imaginer un poète jeune, plein de fougue et d'entrain, furieusement décidé à faire évoluer son art et à oser des choses jusqu'alors inédites, littérairement et scéniquement parlant.

C'est toujours assez difficile pour nous, depuis notre perchoir des ans, nous qui considérons trop souvent ces auteurs d'antan comme de vieilles reliques poussiéreuses comme d'authentiques innovateurs plein de jus et d'énergie.

Je ne chercherai pas à vous en faire accroire en montant ce Faust aux nues. Ce n'est pas une pièce sans défaut. Son début est un peu poussif, son déroulement, au contraire, un peu trop accéléré. Il y a probablement un peu trop de citations latines, etc., etc.

Mais imaginez tout de même que le mythe naît ici. " Vendre son âme au diable ", " faire un pacte de sang ", " être une âme damnée ", toutes ces expressions ordinaires naissent ici, sous vos yeux.

Imaginez de plus que nous sommes sur la scène du théâtre élisabétain à la fin du XVIe siècle — non vous ne rêvez pas, XVIe siècle ! — et ce que vous propose Christopher Marlowe, ce n'est ni plus ni moins que des effets spéciaux (disparitions, transformations, membres arrachés sur scène sous l'effet de la magie) ce qui est tout de même assez osé pour l'époque.

Sans compter l'intérêt philosophique de cette pièce. Si Marlowe nous endort un peu avec ses cargaisons de latin, c'est que le latin est la langue véhiculaire de la science (et aussi de la religion) et que tout tourne autour des mérites respectifs de l'une ou de l'autre.

Les gens qui s'adonnaient à la science n'étaient-ils pas des émissaires du diable ? La montée en puissance de la science dans la société et parmi les hautes sphères du pouvoir n'allait-elle pas mettre à mal la pensée religieuse et la foi, alors toute puissante ?

L'autre splendide questionnement auquel nous convie Marlowe est bien évidemment à mettre au compte des jouissances humaines. Lorsque nous pouvons tout posséder sur l'instant, lorsque nous pouvons profiter de tout quand nous le désirons, sans la moindre difficulté, les choses et les plaisirs ont-ils encore un prix ? Passés les premiers instants de cette jouissance, la vie n'a-t-elle pas une saveur invariablement insipide ?

Faust est un grand docteur, probablement le plus grand savant de son temps, mais il veut plus (Ah ! le démon de l'ambition !). Ses grimoires et ses formules ne lui suffisent plus, il veut l'omnipotence et le seul à même de lui procurer cette omnipotence, c'est Lucifer.

Aussi Faust convie-t-il son messager, Méphistophélès, et, après une très courte lutte de conscience, se résout facilement à faire don de son âme au diable moyennant vingt-quatre années de vie terrestre où il pourra plier tout et tout le monde à son bon plaisir, sans limite à sa puissance ni à sa volonté...

Bref, une courte pièce en quatre actes qui se lit vite, facilement (sauf le latin) et qui aura marqué son temps et par delà, toute l'histoire de la pensée et de la littérature occidentale. Vous trouverez peut-être que j'en rajoute un peu, mais ne m'en veuillez pas, ce n'est pas ma faust, quand on assiste à la naissance d'un mythe, il faust ce qu'il faust, d'ailleurs ce n'est là que mon avis (non taché de sang) c'est-à-dire pas grand-chose.
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La tragédie "Doctor Faustus" de l'Anglais Christopher Marlowe, composée en 1593, constitue la première grande oeuvre littéraire qui a pour sujet Faust. Elle est néanmoins précédée du "Volksbuch", texte allemand de 1587, premier Faust écrit, que Marlowe lira dans sa traduction anglaise de 1592.
Il ne semble pas nécessaire de revenir sur la personnalité dissidente de Christopher Marlowe ni sur les circonstances de sa fin tragique, qui ont déjà été décrites ici, si ce n'est pour préciser que les héros de ses tragédies sont comme lui des rebelles qui connaissent des morts atroces.
Marlowe partage avec Faust son intellectualisme et son caractère d'homme d'action dissident, turbulent, voire violent, dont l'exemple invite de manière détournée à sortir des sentiers battus. Ils ont également en commun une mort épouvantable, Marlowe étant mort assassiné dans des circonstances troubles et Faust finissant démembré par ses disciples.
Ainsi chez Marlowe se trouve le premier exemple d'une véritable identification de l'écrivain à Faust, qui est commune à tous les auteurs qui s'emparent de la légende. Car la figure du savant Faust est la source de toute une interrogation sur la condition humaine, depuis les premiers textes écrits jusqu'aux réécritures contemporaines. Ici nous avons un exemple doublement intéressant : en plus de l'identification de l'auteur au personnage, la vie intellectuelle de Marlowe et sa fin horrible coïncident étrangement avec le parcours de Faust lui-même.
Faust, terriblement avide de savoir, vend son âme au diable pour obtenir les faveurs d'un démon à son service. Ici nous avons pour la première fois le monologue constitutif de Faust, qui sera repris dans tous les « Faust » ultérieurs. Puis l'invocation à Méphistophélès suivie du pacte. Ensuite diverses péripéties où Faust assiste à la parade des sept péchés capitaux, sème le trouble au banquet du pape, rend visite à l'empereur qui lui demande de faire apparaître Hélène, la belle que Faust désire et qui précipitera sa perte. Pas de Marguerite, qui est une invention de Goethe. Cette pièce est marquée par une alternance de tragique et de comique, de sérieux et de burlesque, qui permet de détendre le public, et qui fait écho au théâtre antique.
Alors que dans le "Volksbuch" primitif, il était animé d'une soif inextinguible de savoir, chez Marlowe, Faust repousse tout le savoir pour se livrer à la magie et à la puissance : il veut "devenir Dieu". Faust a la nostalgie de la mythologie ; la magie est alors un moyen de faire revivre un passé glorifié et idéalisé, dans lequel Hélène représente une forme de libertinage non encore entaché de péché. Cependant Hélène, cette Beauté idéale, a partie liée avec le Malin : son baiser "aspire et arrache l'âme". le baiser d'Hélène symbolise l'aveuglement du héros, qui est là pour montrer la faillite des grands élans humains qui ne mènent qu'à des réalisations ridicules.
Pour reprendre les termes de la présentation de cette édition, le Faust de Marlowe est comme "une autobiographie spirituelle d'une époque marquée par le doute". En tant qu'homme de la Renaissance, Faust est au coeur d'un vaste conflit d'idées qui ne sont plus celles du Moyen Âge et qui ne sont pas encore tout à fait celles de la modernité.
Faust façonne une mentalité collective sensibilisée au choix risqué du libre arbitre dans un contexte d'emprise des consciences, perpétré par l'obscurantisme religieux et l'absolutisme politique.
Avec la pièce de Marlowe, Faust arrive au théâtre et connaît une grande popularité, favorisant le développement de spectacles offrant de multiples formes d'attractions divertissantes : ballets, illuminations, machineries, chansons, mise en scène des horreurs des enfers. Ces spectacles donnent lieu également à la diffusion de nombreuses gravures figurant la chute des anges, les sept péchés capitaux, les visions de l'enfer, etc. La question de la transgression concrétisée par le pacte diabolique s'en trouve donc popularisée.
"Le Docteur Faust" de Marlowe n'a été traduit en allemand qu'en 1818 et en français en 1850.
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