«
La tentation d'être heureux »
Lorenzo Marone (Belfond, 315 pages).
Un très beau titre, un sujet qui accroche, à priori, ça fait envie.
Naples ; Cesare est un vieil homme veuf, acariâtre, cardiaque et solitaire. Autour de lui, il y a son fils, homosexuel qui ne lui a jamais parlé de ses choix, sa fille avocate qui rate sa vie et que le vieux Cesare comprend encore moins et avec qui les prises de bec sont fréquentes, son petit-fils, ses voisins qu'il supporte à peine mais avec qui il garde des liens, et cette nouvelle jeune voisine qui souffre le martyr des coups violents portés par son mari.
J'ai eu un peu de mal à entrer dans ce roman, sans doute à cause de l'écriture. L'auteur a fait le choix de donner la parole à Cesare, c'est donc lui qui parle à la première personne du singulier, au présent, s'adressant au lecteur sur le ton d'une conversation amicale. Ça donne certes un style enjoué, alerte, d'autant que Cesare ne manque pas d'humour et surtout pas d'autodérision, même s'il est assez revêche avec l'humanité en général, et ses proches en particulier. Mais ça tourne parfois à la facilité d'écriture, et
Lorenzo Marone n'évite pas toujours les poncifs (j'ai par exemple trouvé l'incipit gratuit et plus racoleur que réellement percutant), des phrases qui parfois mériteraient d'être rayées d'un trait de plume (page 73 « Je lui verse (au chat) un peu de lait et je me sers un peu de vin (…) et nous avons tous les deux le museau plongé dans une boisson. Heureusement que la mienne est bien meilleure »).
Malgré ces quelques maladresses, y compris certains clichés dans la construction même du scénario, il y a cette galerie de portraits très vivants, quelques sentences bien senties, (« partager une cuisine a quelque chose de plus intime que de partager un lit »/ « On ne s'habitue à rien, on renonce à changer les choses, ce n'est pas pareil »). Et peu à peu je suis entré dans l'histoire, vite lue, qui ne laissera certes pas un souvenir impérissable, mais qui a su parfois m'accrocher un sourire aux lèvres, les rebondissements s'enchaînent jusqu'au final qui noue les tripes. Et je l'ai terminé en songeant qu'un père d'un certain âge, après l'avoir lu, pourrait offrir ce roman à sa fille.
Merci à Babelio et Belfond pour cet envoi « Masse Critique ».