Lorenzo Marone écrit dans cet ouvrage à sa chère
Naples, comme une compilation de lettres d'amour, à sa ville pour nous transmettre cet amour. Mais qui connaît
Naples sait que ses habitants sont comme ça loin des clichés que l'on peut avoir mais encore faut-il accepter de se donner à
Naples, de s'ouvrir à
Naples, et de dépasser ces, ou ses, clichés....
"Je suis très attaché au nom de Parthénope, au mythe qui se confond et se mêle à l'histoire et à tout ce qui concerne la napolanité à tel point que si je devais avoir une fille, j'ai dit à ma femme que j'aimerais bien l'appeler comme la sirène de ma ville, celle qu'à une époque les Napolitains adoraient comme une déesse. D'ailleurs, Parthénope Marone serait une association parfaite car c'est le nom de
Virgile.
Il y a de nombreuses légendes au sujet de la sirène:
on dit qu'elle est morte dans le golfe, à l'endroit précis où aujourd'hui se dresse le Castel dell'Ovo, au milieu de la mer. Certains prétendent qu'elle se suicida par amour après avoir été éconduite par Ulysse; d'autres légendes, au contraire, racontent qu'elle s'est enfuie avec un Grec sur une île inconnue. Une autre explique que la sirène se noya, entraînée par le son de la lyre d'Orphée, lors de l'expédition des Argonautes. Parthénope a aussi donné son nom à la République napolitaine de 1799 qui a duré quelques mois grâce au courage et à l'audace des bourgeois et des intellectuels de l'époque qui, avec l'aide des Français, se rebelle contre la tyrannie espagnole. "
Ce qui démontre que cette ville sécrète dans l'imaginaire des hommes ses litanies.
Celles des rêves comme celles des banalités ;
Celles des désirs comme celles des préjugés ;
Les répulsions et les fascinations.
Moins que toute autre,
Naples n'échappe à la règle. Ou, plus exactement,
Naples forge les règles :
Celles qui définissent l'identité d'une ville et se fondent sur la synthèse entre son épaisseur historique et ses richesses présentes, entre les êtres et les choses.
Naples n'est pas une ville ordinaire.
Napoli,
Naples, ville singulière qui en italien comme en français s'écrit au pluriel....
Voici l'un des premiers paradoxes d'une ville qui n'en manque pas
Voici ce qu'en dit
Dominique Fernandez : "La plus belle ville du monde, selon les uns ; un labyrinthe bruyant et puant, selon les autres. S'il est une ville sur laquelle personne ne peut porter le regard neutre du touriste, c'est bien
Naples. Ou bien on la chérit d'amour, en passant sur le désordre, la saleté, les risques divers (précarité de l'hygiène, astuce des filous), ou bien on la rejette d'un bloc, sans en comprendre ni les merveilles architecturales ni les leçons de sagesse.
Naples ne se livre qu'à ceux qui l'aiment : inutile donc de s'y rendre sans être prêt à s'y perdre. le voyageur qui refuse de tenter l'aventure ne rapportera que de maigres satisfactions."
Dans
le piéton de Naples il écrivait "ville sale, bruyante, aux rues défoncées, à la circulation chaotique, peu sûre, sans respect des lois, livrée à l'humeur de ses habitants, qui profitent du désordre pour n'en faire qu'à leur tête. Eux-mêmes sont les premiers à souffrir de ces maux et à pester contre l'incurie des autorités municipales, l'incompétence des fonctionnaires, l'impéritie des employés, le dysfonctionnement des services publics, l'organisation désastreuse des transports en commun, la vétusté des équipements urbains, la "maleducazione" générale".
Mais chacun de ces auteurs qui a pris le soin d'écrire sur
Naples nous démontre que la ville a gardé son caractère, unique au monde, fait d'un mélange de paresse, de fébrilité, d'indolence, de courage, de philosophique scepticisme, de soumission au destin, de paganisme grec, d'orgueil espagnol, de fatalisme oriental, de superstitions africaines saupoudrées d'ironie moqueuse...
Lorenzo Marone nous dresse un portrait fait de touches tout en sensibilité comme lorsqu'il évoque les ateliers :
"« Atelier », un très beau mot d'autrefois, rempli de sens et de mémoire, qui contient le souvenir d'une époque révolue et qui, à dire vrai, nous manque beaucoup, une Italie constituée de travailleurs modestes et honnêtes qui aimaient leur métier, leur « labeur », et qui mettaient du coeur à l'ouvrage, retirés dans leurs arrière-boutiques, à coudre, clouer le talon d'une chaussure, peindre, modeler, créer, les yeux remplis d'ardeur pendant que la sueur coulait sur leur front plissé. Des gens qui croyaient en ce qu'ils faisaient et qui le faisaient avec amour, pour la plus grande satisfaction de leur clientèle qui leur en savait gré."
Mais un portrait aussi en réalité, parfois brutale ou brute, mais toujours empreint de tempérance pour faire comprendre au lecteur ce qu'est
Naples et sa complexité :
"Dans ce nouveau monde qui nous menace et qui nous fait nous sentir chaque jour étrangers chez nous, qui chasse chaque jour un peu d'humanité de la planète, je ne peux que m'estimer heureux d'être né à
Naples, terre de conquête pour tous, mais aussi terre qui part à la conquête, parce que, à de rares exceptions près, nos envahisseurs ont plus appris de nous que le contraire. Celui qui vient ici comprend tout de suite que, soit il s'adapte à notre façon de vivre, il apprend à aimer l'anarchie, le chaos, à être collés l'un contre l'autre, tous ensemble, le gentil et le méchant, le riche et le pauvre, soit ce sera bien pire pour lui.
Nous accueillons tout le monde et tout le monde devient comme nous, les Cinghalais, les Africains, les gens des Balkans, chacun trouve presque toujours une main tendue, une place à table et une mamie avec une assiette d'aubergines à la parmigiana toute prête.
Des ports fermés, à
Naples: impossible !
La porte de la maison reste toujours entrouverte."
Et dans cet atelier d'écriture
Lorenzo Marone réussi son pari nous faire comprendre, aimer, sa ville.
Tiens un ultime paradoxe au sujet de cette ville : "La rue du Grand-Paradis se trouve près de Scampia, banlieue oubliée de Dieu, la ville de Gomorra." Une entrée des Enfers.... Comme une ultime pirouette au destin de cette ville fascinante...