Il ira chercher ailleurs un espace dépeuplé, coupé de tout bruit autre que celui de la croissance des racines dans leur obstination à posséder les sols. Seules l’indifférence implacable des roches, la massivité de l’eau, la pesanteur féroce de la terre, ou encore cette obstination sans état d’âme que la plus insignifiante des herbes engage pour durer, lui éviteront de devenir fou à son tour. Il le sait.
Les gens se cognent dans leurs questions et les réponses leur manquent. Alors ils se bricolent des guides, ils cherchent à s’éclairer.
Ce qui est beau n’est pas fait pour durer, il faut sans cesse le ressusciter.
Il faut toujours s'y coller un jour ou l'autre (…), Sinon, on passe à côté de soi et on disparaît sans s'être rencontré.
On ne refait pas sa vie
On continue seulement
On dort moins bien la nuit
On écoute patiemment
De la maison les bruits,
Du dehors, l'effondrement
Stéphane Eicher, "Tu ne me dois rien" (paroles de Philippe Djian)
Que faut-il pour apprivoiser la perte et se réapproprier l'ordinaire? Se dire que des épreuves et des chagrins nous seront épargnés. Il y aura des nuits où nous dormirons d'un profond sommeil, des journées sans larmes, des accalmies quand le pire nous évitera. Croire que la vie insiste, insister pour la vivre. Se répéter qu'il y a tout à craindre des gens et des jours, des jours et des gens, sauf quand on les aime.
Il se fait l'effet d'un pauvre type qui mendierait pour qu'on l'accepte, un clébard de l'affection.
Es-ce que ce sera toujours ainsi ? Sa vie entière vouée à des taches ingrates pour un salaire qui lui permet à peine de payer sa part de loyer et de courses au Leader ? Elle a pourtant eu son lot de rêves ambitieux et le pressentiment d'une mission qui la conduirait de voyage en rencontre jusqu’à écrire des livres. Son père aurait-il eu raison en fin de compte ? Comment disait-il déjà ? Ah oui - Socialement, tu n'est qu'une merde.
Elle souffre avec eux, écrasée par leur nombre, et se sent si impuissante qu'il lui faut un courage considérable pour continuer de dispenser dans ses gestes quotidiens un peu de l'humanité qui partout crie son absence.
-J'ai quelque chose à te dire.
- Je t'écoute.
- Je t'aimeTisha. Et aussi, je n'aime pas que toi.
Claire cherche à déchiffrer les ombres et le silence.
La main de Tisha s'aventure sous les draps.
-Tu as raison, ma chérie. Il ne faut pas mettre tous ses oeufs dans le même panier.