Bienvenue au Suicide Hôtel !

Certainement la série horrifique la plus populaire au monde, une saga américaine d’anthologies créée et produite par Ryan Murphy et Brad Falchok, connaît un immense succès, d’autant plus qu’elle est diffusée sur Netflix depuis 2015. American Horror Story reprend les histoires d’épouvante les plus célèbres outre-Manche, des légendes urbaines aux références cinématographiques telles que Shining ou Vol au-dessus d’un nid de coucou. Chaque saison est indépendante, et peut se visionner seule même si les acteurs récurrents endossent dans chacune d’elle un rôle différent. Les ambiances versent parfois dans l’horreur sans fards de la nature humaine, mais aussi dans le fantastique, le surnaturel et le paranormal.

Après quatre premières saisons respectivement consacrées à une maison hantée, un asile psychiatrique, une école de sorcières et un cirque, la cinquième, sobrement appelée « Hotel », narre les mésaventures d’un jeune inspecteur de police en prise avec des enquêtes plus sordides les unes que les autres, qui réside temporairement dans un hôtel de Los Angeles après la ruine de son couple. L’hôtel, nommé « Hôtel Cortez », semble à première vue regorger de sinistres personnages, et son sombre passé va peu à peu être révélé au téléspectateur.

Les réalisateurs de la série ne cachent pas s’être directement inspirés du Cecil Hôtel pour camper les lieux où se déroule l’intégralité de la saison 5. Dans cette saison, la chanteuse Lady Gaga tient le rôle-titre, accompagnée par d’autres acteurs très talentueux. On sait que Ryan Murphy s’est beaucoup renseigné sur l’histoire du Cecil pour imaginer des situations et des anecdotes particulièrement macabres. Il semblerait que la mort d’Élisa Lam est l’événement qui a fait connaître le sinistre hôtel aux deux réalisateurs, et qu’ils se soient ensuite documentés pour produire cette saison placée sous la coupe de l’étrange et du malaise.

Pour expliquer la fréquence des décès au Cecil Hôtel, plusieurs pistes sont possibles.

Est-ce d’abord véritablement quelque chose d’étrange, ou peut-on affirmer que ce taux, énorme si on en analyse la liste complète, n’est finalement pas si importante si on se rappelle qu’entre la construction de l’hôtel en 1924 et 2013, date du dernier décès, il s’est passé exactement 89 ans ? Cela fait une moyenne d’un décès tous les quatre ans et demi. Cela ne parait pas si énorme, même si cela reste surprenant.

Il est compliqué d’obtenir des données concernant le taux de morts auto-infligées aux États-Unis. Cependant, il faut savoir que le suicide occupe le onzième rang des causes de décès dans ce pays, dans lequel, en 2005, un suicide a lieu toutes les 18 minutes. Toujours la même année, le nombre de suicides dans l’ensemble du pays fut de 32 637, soit 10,8 suicides sur 10 000 personnes, dont quatre fois plus d’hommes que de femmes. Le taux maximal est enregistré dans le Montana.

On remarque une chose intéressante dans le cas qui nous occupe. Les chercheurs ont pu constater qu’un nombre surprenant de personnes originaires d’autres États que le leur choisissent de s’enlever la vie dans celui de New York. En effet, plus de 10 % des suicidés de Manhattan n’ont pas leur résidence à New York. On peut peut-être envisager que ce soit également le cas à Los Angeles, ce qui semble confirmé par le fait que de nombreuses victimes que nous avons pu lister ne venaient pas de la Cité des Anges. Les chercheurs ne proposent pas d’explication à cet étrange phénomène.

Le fait divers suivant est très certainement le plus célèbre concernant le Cecil Hôtel. Il s’agit de la disparition et de la mort d’une résidente de l’établissement lors d’un séjour à Los Angeles. Cette jeune fille prénommée Élisa Lam, âgée de 21 ans, étudiante, arrive le 28 janvier 2013. Elle est d’origine canadienne et voyage seule. Élisa avait choisi de faire un voyage de quelques mois. En janvier, elle commença son périple par la ville de San Diego avant de descendre vers Los Angeles.

Dans un premier temps, la jeune femme partage une chambre commune (l’hôtel fait aussi auberge de jeunesse), mais une mésentente avec son colocataire pousse l’hôtelier à la changer de chambre.

Quelques jours après, les parents d’Élisa s’inquiètent, car, contrairement à ses habitudes, elle ne donne plus de ses nouvelles. La police prend l’affaire immédiatement au sérieux, mais n’a aucune piste. La jeune fille semble s’être volatilisée. Faute d’éléments, elle diffuse une vidéo sur Internet dans laquelle Élisa apparait dans l’ascenseur de l’hôtel. Elle semble avoir un comportement étrange. La vidéo fait le tour du monde. Ce sont les dernières images de la jeune fille… vivante.

En effet, trois semaines plus tard, des clients se plaignent : l’eau du robinet a une couleur étrange, un goût suave, et le débit d’eau est irrégulier. Un gardien monte sur le toit pour vérifier l’état des citernes d’eau potable et découvre avec stupéfaction le corps nu et en décomposition d’Élisa.

De nombreux internautes considèrent que l’affaire n’a jamais été élucidée, et que la vérité, ainsi que le disait une célèbre série dans les années 1990, est « ailleurs ».

Tout d’abord, si l’on en croit certains informaticiens, la vidéo elle-même aurait été falsifiée. Elle aurait été accélérée, ce qui donne ce côté saccadé si dérangeant à l’image. Il en manquerait des passages, mais, le minutage étant illisible, cela serait impossible à prouver. Cette théorie est plausible. Ainsi, à 2 minutes et 58 secondes, de nombreux internautes pensent qu’il y a eu un montage avec une « coupe » d’images. Ce qui contribue à donner un côté inquiétant aux mouvements d’Élisa, ce serait le rythme saccadé de ses gestes, qui provient d’une accélération ou d’un ralentissement de la bande, selon des théories contradictoires. Certains passages deviennent équivoques lorsqu’on les regarde « en accéléré ». Mais pourquoi avoir fait cela ? Qu’est-ce que la police a-t-elle voulu dissimuler, peut-être sans intention malveillante, bien sûr ?

Ensuite, il y a la fameuse coïncidence de la tuberculose. Il faut savoir qu’au moment où Élisa disparait, le Centers for Disease Control a envoyé une équipe pour endiguer l’épidémie qui sévissait dans ce quartier de Los Angeles.

Le Cecil Hôtel accueillit en son sein un hôte particulièrement effrayant.

Il s’agit du tueur en série Richard Ramirez, connu sous le pseudonyme de Night Stalker, littéralement « Traqueur (ou “Harceleur”) de la Nuit ». Cet homme a été déclaré coupable du meurtre avec préméditation de quatorze personnes, avec préméditation, ainsi que de onze viols. Lors de son procès, il fut condamné à la peine de mort, mais n’eut pas le loisir d’être exécuté, car il décéda d’un lymphome (un cancer du système lymphatique) à l’hôpital général Marin, en Californie, en 2013, où il fut transféré depuis le célèbre Couloir de la mort dès les premiers signes de la maladie. On sait que bien souvent, il faut attendre en moyenne vingt ans avant qu’une exécution ne soit appliquée, pour des raisons politiques et financières (une exécution coûtant extrêmement cher).

Durant l’été 1985, au cours duquel Ramirez assassina sauvagement ses victimes et sema la terreur dans les rues de Los Angeles, il résidait tranquillement au Cecil Hôtel. Il louait pour la somme dérisoire de 14 dollars la nuit une chambre qu’il occupait au dernier étage (le fameux « étage n° 13 »).