La tolérance pervertie

"Un respect se doit d'être réciproque. La tolérance, c'est aussi tolérer la critique envers soi. C'est à ce prix qu'elle pourra être garante d'un vivre-ensemble harmonieux."
Dans cet essai sur la tolérance, Raymond Massé en explore les limites et les exigences pour les sociétés occidentales devenues multiculturelles sous l'effet d'une immigration venue de cultures parfois très éloignées de celle des pays d'accueil. Si une tolérance critique, accompagnée d'un dialogue, est indispensable, une simple tolérance passive risque d' enfermer les individus dans des communautarismes dont ils ont de la peine à sortir, sources de conflits, de réactions de rejet et de revendications abusives. La tolérance doit en effet s'arrêter face à des pratiques qui mettent en péril les valeurs de la démocratie et du vivre ensemble telle la liberté de l'individu, l'égalité homme-femme, l'accès aux soins les plus performants, à un enseignement scientifique, le droit de vivre son homosexualité...toutes particulièrement contestées par certains groupes religieux.
Bref trop de tolérance tue la tolérance.

Raymond Massé s'appuie sur plusieurs exemples, voir décisions de justices, aux États-Unis, au Canada ou en France essentiellement, qui peuvent se retourner contre la vocation initiale de nos sociétés laïques et rejeter chaque individu dans son particularisme culturel. Il faut donc veiller à s'appuyer sur des valeurs universelles si l'on veut éviter de tomber dans le séparatisme et tolérer l'intolérable. Il a le mérite de poser quelques bonnes questions, d'alerter sur le danger d'une tolérance indifférente, teintée d'un certain mépris pour autrui et d'une forme de néocolonialisme, mais il est certain que l'enjeu est de taille. La situation d'aujourd'hui est le fruit de politiques précédentes qui ont encouragé le multiculturalisme et permis le développement des pires intégrismes.

Ce défi est d'autant plus important que sa mise en application concrète ne peut qu'engendrer des conflits, des récupérations politiques, voir des tensions internationales. Par ailleurs, un cosmopolitisme visant à effacer toute différence dans un vaste melting-pot ne semble pas être une solution viable ni souhaitable.
C'est en tout cas une question essentielle pour l'avenir de nos pays, la tolérance de tous envers chaque différence, dans le respect des règles d'une société humaniste, pour permettre une vraie cohésion nationale, au risque d'une balkanisation qui serait évidemment un échec.
Merci aux éditions Budé et à Babelio pour cette lecture très enrichissante.

Qu'est-ce que la tolérance?

Le concept général et accepté par la société détermine que la tolérance est l'acceptation inconditionnelle des croyances, de tous les comportements et pratiques qui diffèrent des nôtres.

Or, nous savons bien que ces concepts-valises véhiculés dans les médias s'adaptent aux courants de pensée, aux débats d'actualité et aux enjeux politiques.

Raymonde Massé aborde dans cet essai les différentes conceptions de la tolérance , son interprétation et ses divergences.
Il s'intéresse plus particulièrement à sa banalisation et à son instrumentalisation.

Il analyse longuement les travers et les enjeux qui menacent sa pertinence comme valeur phare de l'humanité.

A l'ère des réseaux sociaux et de l'engagement militant pour une tolérance positive, Il cherchera à démontrer que parfois la tolérance doit reposer sur la raison et sur l'esprit critique.

Appuyé sur les pensées et les traités d'illustres philosophes anciens et modernes, l'anthropologue canadien cherchera à comprendre la promotion de la diversité en évitant de tomber dans le dogmatisme et les sentimentalisme.

Une lecture vraiment intéressante.
J'ai été étonnée par la présence à la fois d'avis très tranchés (on le perçoit à travers les mots employés comme "pervertie") et l'invitation à la discussion en dehors des dogmatismes.
Ce livre dénonce les positions liées à des règles absolues, des dogmes, et des lois indiscutables. C'est un plaidoyer pour une ouverture de la discussion et à la discussion. le fait de pouvoir échanger, même si on ne partage pas les mêmes avis, sur nos opinions, préférences, etc. dans le respect.
Il y a un courant moderne (post-moderne) qui se veut intolérant sauf à l'intolérance et prônant l'acceptation de toutes les différences, de toutes les positions, etc. pourtant ces positions peuvent aussi être sexistes, racistes, homophobes, etc. alors comment sortir de l'impasse, de l'affrontement et de la manipulation. Peut-être en acceptant que tout n'est pas acceptable mais que l'on peut discuter de tout et surtout que ces discussions sont un élément indispensable d'une démocratie en bonne santé.

Ce livre apporte peu de réponses, mais il invite à une réflexion qui me semble importante de nos jours.