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Critique de Bobby_The_Rasta_Lama


"20 000 dollars à celui qui réussira à tenir 10 heures dans McKamey Manor de Summertown !"

Ceci n'est pas une fiction, mais une authentique publicité pour une attraction dans le Tennessee, destinée, paraît-il, aux vrais durs. D'ailleurs, le propriétaire Russ McKamey peut-être rudement fier de son manoir hanté, car jusqu'à présent personne n'a réussi à relever le défi. Si ça vous tente...
Personnellement, je prendrais mes jambes à mon cou au premier craquement du plancher, mais au fond je dois avoir "quelque chose de Tennessee" (comme nous tous ?), car j'adore les histoires de maisons hantées.
Vous pourriez me dire qu'elles se ressemblent toutes, mais ce ne serait pas tout à fait vrai. Les fantômes et les apparitions peuvent être terriblement réels comme chez Bulwer-Lytton ou chez Dickens, Benson, Masterton et tant d'autres, ou encore provenir tout simplement de votre propre esprit malade. Et c'est encore mieux quand le lecteur n'arrive pas à trancher : c'est pour cela que les livres comme "Le Tour d'écrou" de James, le fameux Hill House de Jackson ou même "Le Horla" De Maupassant sont de véritables tours de force qu'on peut relire à l'infini.

La "maison Belasco" de Matheson tombe plutôt dans la première catégorie, et tout comme pour celle de Summertown, au début de l'histoire il y a une promesse de récompense pécuniaire.
Un richissime excentrique sur le point de mourir veut tout savoir sur la survivance des esprits... c'est toujours rassurant de savoir "où on va", quitte à débourser des sommes considérables pour avoir la réponse.
Ce manoir abandonné au passé sombre est un endroit idéal pour la trouver : il a sa réputation, et on évite de l'approcher même en plein jour.
Ce n'est pas le cas du parapsychologue Lionel Barrett qui va sauter sur l'occasion rêvée d'augmenter à la fois son compte en banque et son expérience scientifique sur le terrain. Il n'est pas enchanté par la collaboration imposée avec la célèbre médium Florence Tanner et avec Ben Fischer, le seul rescapé de la maison lors d'une expérience similaire trente ans auparavant. Ni par la présence de sa femme Edith, une douce créature un peu naïve qui insiste pour l'accompagner, mais il faudra faire avec. Une semaine seulement... sept jours pour vérifier ses hypothèses et tester une invention révolutionnaire, ce n'est presque pas assez...
Et personne dans le petit groupe n'a la moindre idée de ce qui les attend vraiment.

Alors, qu'on se le dise tout de suite : le récit est sacrément efficace !
Matheson est un écrivain doué, et même si "La maison des damnés" suit des chemins beaucoup plus "classiques" que l'inoubliable "Je suis une légende", il n'est pas moins réussi pour autant. On n'épargne rien au lecteur : "apparitions, attouchements physiques, audition extrasensorielle, catalepsie, contrôle physique, dessin automatique, ectoplasmes, fantômes, glossolalie, lévitation, parakinésie, phantasmes, rêves prémonitoires, somnambulisme, visions, xénoglossie..." : voilà juste un court aperçu de la liste des phénomènes recensés dans la maison Belasco, notés joyeusement dans l'ordre alphabétique par le pauvre Lionel au début du roman. le lecteur voudrait bien adopter le point de vue détaché et clinique de ce scientifique excité, mais c'est tout bonnement impossible. Matheson vicie l'air autour de vous, et distille l'atmosphère malsaine du manoir de façon tellement persuasive que pendant quelques jours je me sentais obligée d'éclairer intégralement mon chemin vers les vécés nocturnes ; une chose qui ne m'est pas arrivée depuis très longtemps, en vérité.
Qui peut dire ce qui guette dans l'obscurité ? Quelque chose qui vous veut du mal, vous manipuler, vous mentir... Quelque chose qui peut altérer les pensées et la perception, transformer les objets ordinaires en danger, la sympathie en perfidie, l'innocence en lubricité et le scepticisme en peur. Qui était donc Emeric Belasco ?

L'écrivain est bien trop raffiné pour nous servir une histoire primairement épouvantable, et il est tout aussi intéressant de suivre les désaccords et les points de vue différents des protagonistes sur les phénomènes paranormaux. Barrett est un scientifique, persuadé que l'énergie négative des lieux ne peut se manifester qu'à travers les personnes présentes (il peut être intéressant que Camille Flammarion, passionné par le sujet, a publié dans les années 20 un ouvrage sur les "maisons hantées", où il arrive à la même conclusion) ; Florence la médium est profondément convaincue de l'existence des âmes errantes en peine, et elle ne désire que les soulager. Ben Fisher a presque perdu ses épatants dons médiumniques d'autrefois, mais il connait la maison... et la maison le connait.
Un sympathique huis-clos, qui mérite bien le label "horreur", car c'est exactement ce que j'ai ressenti en lisant. Il est toujours difficile d'introduire et finir ce genre d'aventure, ce qui casse ma dernière étoile en deux, mais je le relirai un jour avec plaisir... plutôt que tenter de décrocher ce jackpot dans le Tennessee !

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