Il ne faut pas juger Jean-Marc Nattier sur les oeuvres médiocres, trop répandues, qui portent son nom dans beaucoup de musées et dans quelques collections particulières. Depuis qu’il est à la mode de posséder un Nattier, comme il l’était autrefois d’avoir un Téniers ou un Raphaël, les « Nattier » se sont multipliés et courent le monde. La moindre vente de tableaux présente au catalogue ce nom redevenu fameux, et, bien entendu, c’est toujours pour un portrait de femme célèbre, une « Madame de Châteauroux » ou une « fille de Louis XV ». Ces illusions flattent des vanités ou servent des intérêts ; mais ce qui doit y perdre, c’est assurément la gloire de l’artiste.
Le Salon du Louvre, qui s’ouvrit pour la première fois aux artistes au mois de septembre 1737, établit en ce noble lieu, pour une longue période, l’usage des expositions annuelles; ce fut pour Nattier, comme pour la plupart des peintres de l’Académie, une précieuse occasion de se bien produire. Il envoya au Louvre des spécimens divers de son talent, joignant à Ici Justice, du Temple, le grand tableau déjà ancien de Mademoiselle de Lambesc avec son frère, un portrait de la marquise d’Ussé, sur lequel nous ne savons rien, enfin un dessin du tableau de Chantilly représentant Mademoiselle de Clermont en déesse des eaux de la santé. C’était rappeler au public que les aimables artifices du portraitiste étaient toujours à sa disposition.