N’avez-vous jamais eu le désir du baiser ? Dites-moi si les lèvres n’appellent pas les lèvres, et si le regard clair, qui semble couler dans les veines, ne soulève pas des ardeurs furieuses, irrésistibles ? Certes, c’est là le piège, le piège immonde, dites-vous ? Qu’importe, je le sais, j’y tombe, et je l’aime. La Nature nous donne la caresse pour nous cacher sa ruse, pour nous forcer malgré nous à éterniser les générations. Eh bien ! volons-lui la caresse, faisons-la nôtre, raffinons-la, changeons-la, idéalisons-la, si vous voulez. Trompons, à notre tour, la Nature, cette trompeuse. Faisons plus qu’elle n’a voulu, plus qu’elle n’a pu ou osé nous apprendre. Que la caresse soit comme une matière précieuse sortie brute de la terre, prenons-la et travaillons-la et perfectionnons-la, sans souci des desseins premiers, de la volonté dissimulée de ce que vous appelez Dieu. Et comme c’est la pensée qui poétise tout, poétisons-la, Madame, jusque dans ses brutalités terribles, dans ses plus impures combinaisons, jusque dans ses plus monstrueuses inventions.
Ma petite barque, ma chère petite barque, toute blanche avec un filet le long du bordage, allait doucement, doucement sur la mer calme, calme, endormie, épaisse et bleue aussi, bleue d’un bleu transparent, liquide, où la lumière coulait, la lumière bleue, jusqu’aux roches du fond. Les villas, les belles villas blanches, toutes blanches, regardaient par leurs fenêtres ouvertes la Méditerranée.
BLANC ET BLEU.
Connaissez-vous Penmarch ? Un rivage plat, tout plat, tout bas, plus bas que la mer, semble-t-il. On la voit partout, menaçante et grise, cette mer pleine d'écueils baveux comme des bêtes furieuses.
C'était un vieil homme, dont je ne parvins point à déterminer la profession. Un original assurément, fort instruit, et qui semblait peut-être un peu détraqué. Mais sait-on quels sont les sages et quels sont les fous, dans cette vie où la raison devrait souvent s'appeler sottise et la folie génie ?
À mesure qu'on lève les voiles de l'inconnu, on dépeuple l'imagination des hommes. (...) La science, de jour en jour, recule les limites du merveilleux.
Au milieu d'un vaste cercle de collines nues, où ne poussaient que des ajoncs, et, de place en place, un chêne bizarre tordu par le vent, s'étendait un vaste étang sauvage, d'une eau noire et dormante, où frissonnaient des milliers de roseaux. Une seule maison sur les bords de ce lac sombre, une petite maison basse habitée par un vieux batelier, le père Joseph, qui vivait du produit de sa pêche. Chaque semaine il portait son poisson dans les villages voisins et revenait avec les simples provisions qu'il lui fallait pour vivre. (...) Sa barque était vieille, vermoulue et grossière. Et lui, osseux et maigre, ramait d'un mouvement monotone et doux qui berçait l'esprit, enveloppé déjà dans la tristesse de l'horizon.
Et puis il m'a embrassée, Madame, embrassée comme on embrasse quand on aime. Moi, j'avais fermé les yeux, et je restais là saisie dans une crampe de bonheur. Mais, tout à coup, un cri que je n'oublirai jamais. J'ouvre les yeux et j'aperçois que Mouton lui avait sauté au visage et qu'il lui arrachait la peau à coups de griffe comme si c'eût été une chiffe de linge. Et le sang coulait, Madame, une pluie.
J'étais souple ; les gars, ravis, me contemplaient en cherchant à m'imiter ; les filles voulaient toutes danser avec moi et sautaient lourdement avec des élégances de vaches.
Il est certain que le hasard a fait s’accomplir des événements importants pendant que des comètes visitaient notre ciel ; qu’il en a placé dans les années bissextiles ; que certains malheurs remarqués sont tombés le vendredi, ou bien ont coïncidé avec le nombre treize ; que la vue de certaines personnes a concordé avec le retour de certains faits, etc. De là naissent les superstitions. Elles se forment d’une observation incomplète, superficielle, qui voit la cause dans la coïncidence et ne cherche pas au-delà.