Citations sur Des hommes (84)
Il peut écrire ça : ça va. Il peut aussi demander comment va la famille, ce qui arrive chez eux (...) et il insiste pour qu'elle lui raconte des détails, des discussions, mais aussi des anecdotes sur la vie dans le bourg et aussi des nouvelles d'autres gars partis comme lui défendre la paix avec des fusils mitrailleurs et des rangers, sauver le pays dont lui n'avait pas vraiment compris qu'il était en danger, vu qu'il ne s'y passe rien et qu'on s'y ennuie à crever.
Voilà, il est là, sur les quais de la Joliette. On a écrit à la craie le numéro de son régiment sur son casque. Il est fatigué, il n'a pas dormi. Il espère dormir et pourtant il faut encore supporter cette fatigue et l'agitation autour de lui, dans son unité, toutes les unités qui vont embarquer ce soir et que quelques badauds seulement viennent voir de loin, jetant à peine quelques au-revoir, sans plus, comme de la mie de pain aux poissons et aux oiseaux du port.
Je voudrais voir si l'Algérie existe et si moi aussi je n'ai pas laissé autre chose que ma jeunesse, là-bas.
Parce que tous les deux doivent serrer les mâchoires et savoir se taire lorsqu'ils entendent les gars parler des Arabes en disant des chiens, tous des chiens, rien que des chiens - et ils ne parlent pas des fells lorsqu'ils emploient ces mots-là, non, ils parlent des Arabes, comme si tous les Arabes, comme si. Et les deux harkis ne disent rien. Ils attendent. Ils regardent. Comme si eux seuls n'avaient pas oublié où ils étaient nés.
[épigraphe du livre.]
Et ta blessure, où est-elle ?
Je me demande où réside, où se cache la blessure secrète où tout homme court se réfugier si l’on attente à son orgueil, quand on le blesse ? Cette blessure – qui devient ainsi le for intérieur –, c’est elle qui va gonfler, emplir. Tout homme sait la rejoindre, au point de devenir cette blessure elle-même, une sorte de cœur secret et douloureux.
Jean Genet,
Le funambule
B
ernard,appelé de la guerre d'Algérie n'est pas rentré à la ferme familiale une fois la guerre terminée.En Algérie ,il a épousé Mireille ,fille d'un riche pied-noir;il rêvait d'un garage et s'est retrouvé ouvrier chez Renault....fin violente
La vérité, c'est l'humiliation," (p.187)
Nos fantômes s’accumulent et forment les pierres d’une drôle de maison dans laquelle on s’enferme tout seul.
Page 111 de l’édition Minuit double
« La colère et encore une fois ne pas comprendre. Se dire qu’on est là à attendre dans une cuisine, se dire que dehors il fait froid, nuit, et que loin d’ici, de ce temps aussi, que très loin il y a des raisons, des liens, des réseaux, des choses invisibles qui agissent parmi nous et dont nous ne comprenons rien. »
Je ne fais que repenser à ça et j’ai beau bouffer tous les cachets que les médecins me donnent, avait raconté Février, je peux en prendre des cachets, et travailler dans la ferme des journées entières et même penser tous les soirs qu’il va falloir affronter la nuit, non, j’ai beau avoir pensé ça dans tous les sens, je ne comprends pas. (p. 246)